Il y a parfois le désir fort et inouï de lire des livres qui vous transportent dans une autre dimension de votre quotidien, dans un milieu où vous voudriez découvrir tout l’imaginaire mis en valeur par des séquences dynamiques en action. « La danse des Spectres » en est un. Comme recueil de nouvelles, cet ouvrage se classe parfaitement dans ce genre littéraire qui revêt une particularité stylistique insistant sur les actions, les récits dépourvus de bavardages inutiles. Jacques HOUEGBE, greffier de profession désormais écrivain béninois par la commission de ce premier livre, a fort brillamment retrouvé ses marques dans un tel genre qui lui a permis de doser l’action dans ses neuf nouvelles qui tirent sur des problèmes de la société. Action et dynamisme, cadences ou décadences, danses et transes: tout cela est au rendez-vous dans ce recueil. Et savez-vous pourquoi? Eh bien! Je vous le dis: c’est parce que la société dont l’auteur fait émerger ces quelques tranches de vie, est très mouvementée. Les vagues de ce mouvement ne sont pas toujours rythmées parce qu’elles poussent parfois les hommes à danser une danse qui n’est que décadence, une danse mal ordonnée suscitée par les spectres de l’angoisse, des peurs, des malheurs, des fantômes (parfois aphones, parfois tonitruants) du passé qui planent sur leur avenir.

« La danse des spectres » est un coffret de neuf histoires qui peignent neuf transes de vie neuves en scénario ; des vies surprises dans le quotidien de l’homme où les femmes ne prennent plus soin ni de leur époux ni de leurs enfants et laissent ainsi la domestique sourire à leur homme (Effet papillon). Ailleurs, c’est un magistrat qui enlève sa toge pour adopter une parure de justiciable après avoir visité la couche de la femme d’autrui (Au bénéfice du doute). La troisième nouvelle intitulée “La muse“ dessine une intrigue effrayante dans laquelle une auteure qui, manquant de muse, finit par étrangler sa source d’inspiration et met ainsi en pratique le scénario de son livre. La peur vous prend quand vous vous rendez compte que ce scénario n’est venu que de la personne qui en devient victime. Sur “Les sentiers de la fourmilière“, marchent Franck et Moussa ainsi qu’une mère et son nourrisson, pour traverser la Méditerranée en plaçant leur dernière assiettée d’espoir entre les mains versatiles des passeurs. Comme on peut le deviner aisément en lisant le recueil, Jacques HOUEGBE a la plume vive et dynamique pour placer le drame où il faut et comment il faut. En tant que prochain lecteurs de ce livre, vous saurez que les problèmes que vit la société deviennent assez cliniques comme le terrorisme dans la neuvième nouvelle, « La roulette russe ». La peur et ses spectres suivent partout jusqu’à la dernière minute et encore plus, au-delà de chaque suspense laissé par l’auteur à la fin de chaque nouvelle. Vous lisez chaque nouvelle et la fin vous presse à vite finir la suivante pour tomber sur celle d’après. Et cette dernière peut vous caricaturer un scénario politique dans « Mouvance présidentielle » (cinquième texte) où les vices se donnent un rendez-vous public dans le rang des gouvernants. Ici tout le monde voit mais aucune bouche n’ose dénoncer, de peur d’enfreindre gravement à la fameuse loi « Rien n’est interdit au pouvoir ! »

Jacques HOUEGBE a un style très imagé et sa capacité à vite faire ressentir le malaise, à faire ressortir l’élément perturbateur, incite le lecteur à avaler les pages après les avoir bien mâchées pour tomber sur d’autres nouvelles comme “Fuite intérieure“, “Trône de fer“ et “A moitié plein“. Ces trois nouvelles révèlent la qualité de l’auteur à vouloir corriger les mœurs par l’humour très dosé chez lui d’ailleurs. Non seulement, il casse la tension vers laquelle s’élève le drame en introduisant de fort belle manière des séquences à vous faire tordre de rires, mais il sait aussi comment faire recours aux mots justes et très raffinés pour vous décrire même des scènes immondes et impudiques sans pour autant vous choquer, ni vous détourner du contexte. Pour 134 pages, ce recueil vaut un joyau pour Les Editions Plurielles, (Cotonou, Bénin, Avril 2018). En osant le voyage dans ce livre, le lecteur ne lit pas que les angoisses du quotidien mais aussi et surtout l’espoir qui reste marqué sur le front de chaque personnage.

La plume de Jacques HOUEGBE possède plusieurs qualités. En tant qu’apprenti cinéaste et peintre, son écriture dessine et offre des scénarii à vous éviter l’ennui et à vous faire lire “La danse des spectres“ en une heure et demie sans vous en rendre compte. Si vous ne croyez pas, faites l’expérience et on en débat ensuite. Le pari est lancé…

 

Fabroni Bill YOCLOUNON

 

  1. waoh..waoh..waoh..je suis sans voix et intimidé de voir que vous êtes rentré dans ma tête..il n’y a d’artiste que l’observateur qui fait découvrir son art et pour ça, je vous dis bravo..

  2. Il y a de ces articles sur lesquels vous tombez, et vous avez peur, peur de remarquer que quelqu’un est entré dans votre tête, tellement il vous a découvert au point où vous vous demandez quel est son génie artistique.