Bonjour les amis. Voici l’intégralité de la nouvelle de la période du  13 au 18 Août 2017 sur votre blog : « Désastres » d’Amoni BACHOLA . Bonne lecture à tous et à chacun en compagnie de http://biscotteslitteraires.com/.

 

Il était 19 heures. Monsieur Lans venait de mettre fin à son cours de philosophie, un cours qui fit envoler nos esprits pendant deux heures de temps. Nous avions plané dans l’espace, tels des astronautes. De Platon et de toute la complexité du mythe de la caverne avions-nous parlé. Pour des élèves de seconde, c’était encore trop tôt pour appréhender tous les contours et pourtours de la philosophie. Nous étions la plupart du temps bleus dans les explications du professeur que nous traitons bien de « foulosophe » -ami de la folie ; tellement il était abstrait !

La sortie de la classe était bourrée. Tout le monde désirait vite sortir pour se rendre à la chaumière paternelle. Il se faisait tard. À pas feutrés, éreinté, j’entrepris seul la marche, chantant la lassitude de ces allées et venues qui, à la longue ne promettent rien. Aller à l’école pendant des années et finir chambrier de sa propre chambre. À quoi cela sert donc ?  Surtout dans un tel royaume où sont prônés le favoritisme, le népotisme, la corruption. C’était presque impossible aux personnes de conditions modestes de se tailler une place sous le soleil.

La nuit gagnait la terre, le ciel bleu devenait tout noir. Il faisait frisquet. Les oiseaux arrêtèrent leur concert. Mon chemin était rempli de vide, personne ne s’y trouvait à part moi. Ma foi ! Je ne me rendais pas compte du danger que je courais. Vite, mes jambes au cou, je m’empressai sur les ruelles à lampadaires. J’étais si véloce que j’aurais pu battre le record de Bolt. Après un moment de course, une grande fatigue gagna mon être tout entier. Je recherchais en vain mon rythme respiratoire normal. La main sur le torse, je toussais à la quinte. J’étais mort d’effroi. Presqu’écroulé, je décidai de me coucher à même le sol pour alléger ma peine quand de derrière je fus saisi par une main. Une main aussi frêle que pâle certes, mais prête à sauver. Je ne voyais plus rien, en effet. Le vertige s’empara de moi et le noir m’empêchait de dévisager mon sauveur. La douceur de la main, le rythme de la marche me firent conclure qu’il s’agit d’une tendron. Elle me fit rentrer. Bien étonnant. Une inconnue qui connaît chez moi ? Pour un garçon bien timide comme moi, c’est bizarre.

 

Mes parents la remercièrent pour son esprit de charité et elle prit congé de nous. Les miens m’installèrent alors dans ma chambre où je devrais attendre mes médicaments. Ma chambre d’enfance était un paradis sur terre. Grande et adossée directement au salon, c’était un deuxième salon si l’on doit s’en tenir aux dimensions. Les fenêtres étaient disposées de telle sorte que les astres de lumière de par leurs rayons s’invitaient sans permission dans ma chambre. Ce mercredi soir, c’était la lune qui m’offrait la fluorescence de sa lumière ; mais cela ne m’égayait guère. J’étais alité et souffrant. J’étais inerte et inapte pour m’asseoir et chanter en face des persiennes. Souvent la lune s’approchait de moi pour m’écouter. Séduite, elle décidait de ne plus bouger. Amoureuse, elle me regardait toute la nuit, les yeux ouverts, sans dormir, ne serait-ce que durant une seule seconde. Au moins, elle, elle savait aimer et se faire aimer, elle agissait en femme amoureuse.

De l’autre bout de la maison, j’entendais mes parents louer l’Eternel car pas plus tard que la veille, furent retrouvés deux élèves assassinés et laissés corps ensanglantés dans la boue. A vrai dire, l’insécurité était à son comble. Des personnes mal intentionnées s’adonnaient à certaines pratiques nécessitant le sang humain pour s’enrichir. Il était donc nécessaire de rendre grâce pour la providence et la protection de Dieu. N’eût-été cette inconnue, que serait-il arrivé ? Nul ne pouvait en dire plus.

Ma pitance du soir et mes médicaments me furent acheminés par ma petite sœur Monia, cette belle créature qui me rappelle toujours Emma. Désireux de vivre encore longtemps, je mangeai et pris les médicaments sans même attendre quelque dorlotement de maman. Je me recouchai; alors Monia se devait de sortir. Ce qu’elle fit en m’administrant un doux baiser au front. Quelques secondes après, j’entendis le bruit de la porte confirmant ma solitude.

Ce baiser de Monia aussi innocent que pur m’affecta. Elle ne pouvait pas s’en rendre compte. L’image d’Emma m’enquiquinait. Je décidai de me laisser aller aux souvenirs.

« Cette année académique est une des spéciales pour vous. Tous ici présents, vous êtes jugés capables d’affronter le brevet d’étude du premier cycle. Je me fais le grand bonheur de vous rassurer que votre assiduité et votre attention vous conduiront à une réussite assurée » disait le proviseur de mon école CSP (définir) les Prévoyants se tournant vers nous, élèves en troisième. Nous étions était toute ouïe. Personne n’osait gesticuler lors de ses discours d’encouragement. Le silence était plein. Seul le drapeau dressé flottait au rythme du vent et prônait la force des couleurs de la nation. Nous étions au cérémonial. De mon propre gré, je faisais vagabonder mes yeux qui se délectaient face aux nouveaux venus dans l’établissement.

– A bon entendeur ? Conclut-il

– Salut, répondit la foule en chœur.

7h50mn. Le cérémonial fini, il fallait rejoindre les salles de classe. La nôtre était au deuxième étage, au fond, du côté gauche si l’on entrait par le grand portail de l’école.

Dans ma classe, nous étions 36 : 14 garçons, 22 filles. Les filles faisaient presque le double de l’effectif des garçons. Quinze nouveaux venus devraient faire l’aventure avec nous. Des amis, je pouvais m’en faire assez donc !

Le plus important pour moi, c’était Ariane. Ariane, était cette magnifique belle fille, amie d’enfance avec qui je partageais tout. De son teint café au lait, elle témoignait de la beauté africaine. Son allure princière la rendrait remarquable. De l’embonpoint,  elle en avait. Elle possédait en aisance une poitrine bien imposante. Elle était callipyge et aguicheur. J’étais toujours fier d’être avec elle.

On s’asseyait ensemble au cours. Cette année, nous répétâmes la donne. Nous passions devant la plupart des camarades comme des inséparables. Le seul contraste s’amplifiant d’année en année était son niveau intellectuel modeste. Ariane n’était pas des meilleurs de notre classe. Si en Mathématiques elle voit bleu, en Anglais c’est l’indigo. Cependant, elle ne se laissait pas faire. Elle s’efforçait si bien que j’aimais l’aider. Très aimée, désirée et voulue par les garçons. Mais moi, je trouvais ça déséquilibré. Dieu a été injuste envers elle me disais-je. Comment amplifier sa magnanime beauté en une fille et laisser si moins perspicace son intelligence ?

Ce lundi, premier jour de la rentrée, tout semblait nouveau pour moi. On eût dit que les vacances s’étaient déroulées dans des salons d’esthétique pour certains, surtout pour les filles. Elles nous sont revenues très belles. La classe cancanait. Chacun essayait de prouver que ses jours de vacances furent les meilleurs. Pas encore de responsable élu, alors personne pour réclamer le silence. Dans ce désordre est entré le professeur d’Anglais qui d’une voix féroce nous ramena à l’évidence : « vous désacralisez votre classe « . Sur ces mots, nous fîmes un silence de cimetière. Levés, nous l’avions salué et le cours eut lieu. Rien d’autre que la présentation, la prise de contact et le programme des cours pour l’année. Tous les professeurs ayant suivi firent de même. Le déroulement des programmes s’en est suivi et l’année académique avec toutes ses péripéties prit son envol. Il fallait donc attacher correctement les ceintures.

Tout allait bien. Personne n’arrivait à surpasser mes meilleures notes. De fait, il était clair que la première place cette année me reviendrait de droit comme depuis le primaire jusqu’en quatrième. Mon amitié pour Ariane grandissait. Personne ne pouvait s’installer entre nous. Pour Ariane aussi, c’était pareil. Elle tenait à moi et ne permettait qu’aucun de ses prétendants prît une place de choix dans son coeur qui y contrebalancerait la mienne. Je ne savais pas encore que tout ceci allait foirer sous peu.

L’arrivée d’Emma dans notre classe bouleversa bon nombre de choses. Nous étions à mi-novembre. Ce jour-là, nous suivions le cours de Français quand le directeur des études introduisit la nouvelle venue dans la classe. Puisqu’il n’y avait plus de place, le professeur lui conseilla de s’asseoir à côté d’Ariane et moi. Étant le mâle, j’optai pour le milieu. C’est toujours bien de se faire encadrer par deux belles filles.

Emma était une de ces rares filles potentiellement remarquables et admirées sans volonté. Habillée royalement dans son uniforme telle une reine parée de ses joyaux au jour de son mariage, et de par son teint clair fascinant au regard, elle convoqua nos attentions sur sa modeste personne. Assise majestueusement, elle esquissa à mon endroit un sourire timide.

Le cours se déroula comme d’habitude. La récréation venue, Emma recruta Ariane pour l’informer sur les leçons reçues jusque-là et les éventuels exercices en cours. Avec sourire,  rires, envolées de cris, elles devinrent amies. Bizarre ! Comme très c’est facile aux filles de sympathiser ! Leur amitié étonna tous et surtout moi.

Du duo ordinaire, nous passâmes à un à trio remarquable, faisant ainsi la une de toutes les promotions de la troisième. On nous enviait pour nos marques d’amitié,  nos éclats de rire lors des pauses, notre complicité. Désormais, les sentiments étaient partagés entre trois. Cependant, tout semble changé. Une fois encore se vérifiait la Maxime stipulant : »qui se ressemble s’assemble ». En effet, Emma est très intelligente. Toujours leader de sa classe, elle ne se laissait pas marcher dessus. Elle témoignait de l’intelligence dont elle était dotée et cherchait coûte que coûte à me dépasser. Ainsi, s’installa une grande concurrence entre nous. Cette concurrence nous fit très amis. Je devrais dire que c’était une saine émulation qui nous permit d’aller jusqu’au bout de nos potentialités. Emma se faisait très proche de moi pour relever mes faiblesses afin de me prendre à l’hameçon lors des résultats. Malheureusement, pour moi, et sans que je m’en aperçus réellement, cette proximité allait progressivement au-delà d’une simple émulation.

Avec Emma, je me sentais tout moi. J’arrivais à me surpasser, à voir le monde en rose. J’essayais de transformer mes mauvaises habitudes en de bonnes dispositions intérieures. Je devenais différent avec elle tout en étant comme elle. Sa voix me faisait fleurir. À son toucher, je frissonnais. Elle me dominait. Elle considérait l’avantage. Je n’apprenais plus, mais j’étais toujours fort car son regard me rendait ainsi. Il ne suffisait que son timbre vocal pour me rendre coi lors de mes agitations et déboires. Je perdais mes repères. Il fallait me refaire. Néanmoins, je ne savais comment faire. Serais-je amoureux d’Emma ? Non, pas possible. N’étions-nous que de simples amis?

De toute façon, dès que je rentrais à la maison, je ne pensais qu’à la revoir le lendemain. Je ne rêvais que de ses sourires. Ma timidité m’empêchait d’aborder tout sujet allant de l’amitié à l’amour. Mais je sentais qu’un de ses quatre, mon cœur exploserait. Je décidai de me montrer homme et de prendre mon courage à deux mains pour me faire entendre et aimer.

C’était un vendredi soir après le cours d’Education Physique et Sportive aux environs de 19h. Une de ces inspirations téméraires s’empara de moi. Je m’empressai d’accoster Emma avant que ma timidité me fasse changer d’avis.

-Emma ! Bonsoir, je veux te parler.

-Ah bon ! Si tu veux parler de notre groupe d’étude avec les autres, je tiens à te dire que j’accepte participer.

-Anh ! Ce n’est point de cela qu’il s’agit.

– Alors, dis-moi.

-Je ne sais par où commencer.

– Commence alors par la fin ou milieu, si le début te pèse. A toi de voir.

Je restai figé un moment. Je m’enhardis ensuite:

– Depuis ton arrivée dans notre classe, tout a changé. J’ai trouvé une concurrente. Tu es intelligente, belle et splendide. Tu fais la joie des filles. Tout le monde t’admire dans la classe. D’elles toutes, tu es la plus magnifique et la seule que j’apprécie le plus. À ta présence, j’ai le coeur qui bat la chamade et très fort. Le rythme s’accélère ! À la maison,  je ne pense qu’à toi. Je suis …

– Fier de moi? Coupa-t-elle.

– Pas exactement cela.

– Ah bon?

– Enfin, beaucoup plus que cela.

– Bah, vas-y, dis-moi ce que tu as. Le temps passe, et je dois vite rentrer.

– Oui, mais juste que…

– Juste que quoi? Si tu as envie de perdre de temps, je t’en prie, laisse-moi rentrer chez moi.

– Tu sais. Je ne sais pas. Mais c’est que je t’aime.

– Quoi?

– Oui, ne le prends pas mal, mais c’est vrai. Je suis amoureux de toi.

Je libérai ces derniers mots avec douleur et saignements au coeur. Je transpirais littéralement. À peine Emma voulut donner un avis sur ma déclaration qu’une apparence humaine en sanglots se fit sentir au niveau des fenêtres. Je courus vite voir, mais c’était tard. Ainsi interrompus, nous dûmes rentrer pour ne pas attirer et donner raison aux mauvaises langues.

Libéré de cette flamme, je rentrai joyeux et perplexe car je venais d’avouer pour la première fois de ma vie mes sentiments à une fille. Mais n’ayant pas encore son accord, du moins sa réponse, une grosse peur s’installa en moi. À chaque instant, je me demandais bien les probabilités de chance pour qu’Emma agrée ma demande. Le week-end devenait trop long. L’attente pesait sur moi. Je ne pensais qu’à lundi, au « oui » qui sortirait amoureusement de son somptueux palais buccal. Nous avions tellement de points en commun, de rêves identiques et des envies similaires que je me gavais d’espoir. J’en suis venu à oublier tous mes rendez-vous prévus ce week-end avec Ariane.

Lundi venu, après le cérémonial qui se déroula étrangement bien, il fallait se rendre en classe. Je cherchais à voir Emma en catimini pour alléger le poids du suspens mais elle s’était empressée pour rentrer en classe. Lourd tel un matelas imbibée d’eau, je décidai de poser mes séants quand soudainement la vue d’Ariane me rappela tous les programmes boycottés. J’étais hébété et confus. Je voulais essayer de m’expliquer quand l’entrée du professeur de mathématiques m’interrompit.

– Alors, chers amis, vous aviez fait l’exercice lors du week-end j’espère ? Lança t-il après avoir déposé son sac.

Exercices ? Je ne m’en étais même pas souvenu. L’amour est source d’oubli. J’étais perdu. Après le contrôle, je fus le seul à n’avoir pas fait les exercices. Il me renvoya alors vers le bureau du Surveillant Général. L’amour joue de sales tours. Je fus puni et commis à venir travailler à l’école le mercredi soir. L’amour afflige et crée des souffrances. Retourné en classe, je lisais sur le visage de mes camarades une certaine joie de me voir puni pour la première fois depuis le début de l’année. Si l’amour fait fleurir, il est aussi vrai qu’il fait faner. J’étais flétri. Je restai silencieux toute la journée durant. Déjà humilié, je ne voulais pas me faire moquer. Néanmoins, je me résolus à m’entretenir avec Ariane.

– Ariane, bonsoir. Depuis le matin, on ne s’est pas salués. Qu’est-ce qui ne va pas ?

– Tu me demandes ce qui ne va pas ? Tu veux vraiment savoir ? Tu veux vraiment savoir ? Non, non, je crois que Monsieur est beaucoup plus qu’occupé pour pouvoir s’abaisser vers un être aussi vilain que moi, me jeta t-elle avec fureur au visage puis s’en alla sans regarder derrière.

J’étais effondré. Ariane fâchée avec moi à ce point ! C’était la première fois. Si la terre pouvait me comprendre, elle se serait ouverte et pour m’engloutir dans ses entrailles.

Je rentrai à la maison esseulé tout confus et fatigué de tous ces malheurs de la journée. Je me posais moult questions et chaque réponse devenait un questionnaire. Tout semblait mort et inerte à côté de moi. Quand j’ouvris le cahier, je ne voyais que le déroulement de la scène du jour. Je n’arrivais pas à apprendre. Or, je devrais préparer des interrogations pour le lendemain, le mardi.

Le professeur d’Anglais, juste après les dialogues de salutations, mit le questionnaire au tableau. C’était un exercice donné. Le résultat était dans nos cahiers. Dans son élan de surveillance, M. Morgan s’évertua à fouiller tous nos sous-mains. Bizarrerie des bizarreries ! Il découvrit une feuille remplie contenant les réponses dans les affaires d’Emma. Curieux tout de même.

– Mademoiselle Emma, qu’est ce que c’est ? Vous trichez ?

– Mais monsieur, je ne sais à qui cela appartient.

– Vous vous payez ma tête ? On retrouve un papier contenant les réponses dans vos effets et vous osez mentir. Allez vous rendre à la direction.

Elle sortit en sanglots. Je voulus la suivre mais hélas ! Je devais finir ma composition. J’avais mal au dedans de moi. Je sentais une chaleur torride. Je transpirais. Ma bien-aimée allait mal, mon être allait mal aussi. Seule Ariane, ayant compris ce qui m’arrivait, se moquait de moi éperdument. L’expression de son visage traduisait qu’elle était contente et en même temps triste. Je ne saurais expliquer un tel phénomène. Nous savions tous qu’Emma n’était pas une tricheuse ; mais les dés étaient déjà lancés. Elle a été prise en flagrant délit, rien ne pouvait atténuer la sentence. D’ailleurs Ariane était son amie donc cette joie ne saurait venir de ce qui l’accablait.

Emma revint en classe toute trempée de honte. Je lui portai mon assistance et ma compassion dans ce complot ourdi contre elle. Elle ne faisait que pleurer.

Le mercredi comme convenu, je me rendis à l’école pour les travaux manuels mérités à cause des exercices non faits. Emma fut contrainte à y venir également à cause de son cas de tricherie sur lequel le personnel administratif statuera samedi en conseil. Ce laps de temps nous permit de discuter un temps soit peu :

– Tu sais, Emma, je crois en ton innocence. Je sais que tu n’aurais jamais pu faire une chose pareille.

– Merci de croire en moi. Si tout le monde était comme toi, on trouverait les vrais coupables.

– Oui, c’est mon souhait. Je ferais tout mon possible. D’ailleurs je souffre autant que toi car mon cœur aboie face à tout ça. Tu es mon alter ego.

– Hum ! Voilà, l’autre fois, je fus très émue que tu puisses m’avouer ce que tu avais sur le cœur. J’avais senti que ce fut très difficile pour toi. Et nous avions été interrompus dans le processus. Tu me plais bien aussi et depuis mon arrivée dans l’école tu es le seul qui arrive à me braver en classe. Nous avions des ambitions communes et nous pensons comme deux personnes connectées. Mais, je ne pourrais honorer ce bouquet d’amour que tu me présentes. Car j’ai déjà un homme dans ma vie, mon premier amour que je n’arrive pas à oublier et que j’aime réellement. J’ai connu certaines expériences en amour, et laisse-moi te dire que dans une relation, l’amour seul ne suffit pas, encore moins s’il est unilatéral. Ça ne sert à rien. J’ai mal de te dire la vérité mais il vaut mieux que tu souffres maintenant que de souffrir toute ta vie. Samedi, sera décidé le mortier dans lequel je serai pilée. Et tu sais bien que je serais renvoyée de l’école. C’est la tradition. Donc, il ne servirait à rien qu’on entame quelque chose qu’on ne saurait finir ensemble.

À l’entendre, j’étais devenu bizarre. J’étais déçu, mais le raisonnement tenu et le timbre de la voix me firent voler vers un univers paradisiaque. J’aurais voulu que ces moments fussent une éternité.

– Mais, Emma,  je pourrais supporter ton absence, répliquai-je. Puisque ce ne sera que question de temps et de lieu. L’amour supporte tout et surpasse les contraintes.

– Je le sais. L’amour peut tout. Mais je ne saurais te promettre être tienne alors que je suis tout le temps tentée et attirée par l’autre. Tu m’aimes, moi j’aime un autre. La chaîne d’amour ! D’ailleurs, ça m’étonne beaucoup que ce soit sur moi que tu jettes le dévolu. Car, secret de femmes, j’ose te dire qu’Ariane est éperdument amoureuse de toi. Elle craque pour toi et tient beaucoup à toi. C’est parce que tu es peut-être habitué à elle que tu ne décèles pas ces sentiments. Elle pourrait tout pour toi.

– Emma, c’est bizarre ! Nous sommes ensemble depuis l’enfance, elle et moi, mais je ne nourris pas pour elle la même affection que j’ai pour toi. Tu es ma préférée, celle que mon cœur a choisie.

– C’est la règle de l’amour. Il ne prévient pas. On peut vivre assez longtemps avec quelqu’un et n’en être pas amoureux et voir en deux jours un autre et en tomber sauvagement amoureux au point d’en devenir addict.

– C’est vrai. Tu as raison. Mais mon cœur saigne.

– Comprends-moi et restons bons amis.

Ainsi prit fin notre conversation. J’étais détruit et complètement passif. Je rentrai froid. Je n’eus envie de rien et je ne voulus rien faire. C’est terrible !

Le lendemain matin, Emma était venue à l’école toute souriante et paraissait davantage belle. Notre conversation l’a libérée. Quoi que déçu, j’entrai dans la danse du sourire avec elle. Tout le monde s’étonna de notre euphorie. Ariane en était amère. Pour elle, la soirée d’hier au cours de laquelle nous étions punis, nous a permis de nous amouracher. Je sentais le vif de son sang monter. Telle que je la voyais, elle pourrait commettre un crime. Je m’approchai pour quérir de ses nouvelles quand soudainement du revers de sa main gauche elle me colla une baffe chaude et sonnante puis courut hors de la classe. Je restai coi les deux mains à la joue espérant que quelque câlin sur la surface atteinte en réduirait la douleur. Le mutisme gagna la classe. Les cours se déroulèrent dans une atmosphère de vive tension.

Cette baffe me rappela tout le mal que je fis à Ariane depuis l’arrivée d’Emma. Je ne lui portais plus aucune attention. Je négligeais sa présence et nos programmes  d’antan. Je péchais contre elle. Je me rappelai tous les beaux moments passés ensemble et tous ses sacrifices pour moi. Je me rendis compte qu’il n’avait pas meilleures preuves d’amour. (Est-ce trop tard pour moi ?).

J’attendis 19h pour essayer de me faire pardonner et essayer de la convaincre de mon errance sentimentale. Mais, elle n’était plus réceptive à mes mots. Ariane s’est fermée à moi. Plus rien de moi ne lui importait. Elle me voyait en traître.

Rentré bredouille, j’avais besoin d’affection. L’appétit voyagea loin de moi et aucune envie ne me conviait. Pour faire court à tout ceci, j’entrepris de vite me coucher quand Monia me fit venir une note venant d’Ariane. Je l’ouvris :

« Bonsoir…

Il est vrai que les épluchures se jettent après l’utilisation du fruit et pour jouir de l’orange il faut la dénuer de sa peau. Toi et moi, depuis tout petits, nous étions des amis inséparables. On a vécu de nombreuses expériences ensemble. Nous avions connu des moments inoubliables. On partageait tout. Pour toi, j’étais prêt à tout sans que tu ne fusses mon tout. Il m’arrive de me rappeler les instants de prises de photos, de nos petites séditions, et j’en pleure. Mais depuis le jour où cette fille a fait irruption dans nos vies, tu as pris tes distances. Tu l’as choisie et m’as délaissée. Tu ne pourrais le nier. J’entrevoyais ta flamme pour elle et je faisais tout pour l’éteindre mais hélas ! Le destin comme pour me faire témoin de ta traîtrise me permit de me blottir derrière les persiennes écoutant attentivement vos échanges d’amoureux heureux. Tu avais de ces expressions qui emportent,  tu sais: « d’elles toutes, tu es la seule que j’apprécie le plus ». Eh bien ! Je croyais que j’étais celle qui te faisait languir. Et pourtant, tu diras que tu es mon meilleur ami. J’étais amoureuse de toi. Je t’aimais. J’avais assez de prétendants mais à cause de toi, je reléguais tout le monde au second degré. Tu étais mon étoile, mon protégé.

Ce jour-là, je n’ai pas pu contenir mes larmes en moi. Je t’ai vu partir loin de mon cœur mais j’espérais encore. J’ai pensé qu’en la discréditant et en la honnissant devant la classe, tu la laisserais pour me revenir. Oui, je l’avoue, c’est moi qui ai créé ce malheur à Emma et je ne regrette point. Tellement je la hais ! Pour toi, je pouvais commettre un crime.

À cause de toi,  je suis devenue amère. Croyant régler les choses par les punitions, vous vous êtes retrouvés et aviez célébré ma défaite.

Désormais,  je ne ressens que de l’amertume quand je vous vois. Même si je ne te hais pas encore, cela ne saurait tarder. Je fais l’expérience de ces auteurs qui stipulent que la haine nait d’un amour profond antérieur. S’il va de l’ordre de ton bonheur d’être avec elle, bonne chance à toi. Mais toi et moi, ça colle plus, sache-le. Ça ne collera plus jamais. C’est fini. Fini.

Ps: Oublie-moi pour toujours. Garde-toi de m’aimer

Ariane».

Après la lecture, je ne pouvais plus réfléchir. Il fallait me faire pardonner. J’espérais qu’elle revienne sur de meilleurs sentiments. Je m’endormis sur le coup.

Arrivé le premier à l’école, j’avais imaginé tout ce qui pourrait plaire à Ariane. Me mettre à genoux ? Lui faire des câlins à son arrivée ? J’étais perdu dans les réflexions au point où je ne l’ai même pas vu entrer. Devant le fait accompli, je n’ai pu que lui jeter un bonjour aussi insipide qu’inodore et sans effet de reconversion.

Je la remerciai pour la note et lui demandai qu’on essaie pour voir le maximum de chance que nous avions. Mais elle m’avoua qu’elle n’en pouvait plus. Que tout a changé pour elle et plus rien ne pourrait redevenir comme avant. « Je suis prise désormais » m’asséna-t-elle au visage. J’avais gâché notre amitié. Quand l’amour tue l’amitié !

Néanmoins, je voulus forcer les choses. Je la dérangeais partout et en tout temps ne sachant pas que je me faisais guetter.

Après l’EPS du vendredi, j’essayais de la cajoler quand une troupe de trois garçons s’exécutait vers nous. C’était son petit ami et ses amis. À leur vue,  elle me quitta sans mot dire et sans chercher à expliquer les choses. Ces derniers m’ont encerclé et roué de coups me laissant à même le sol, exténué. J’étais à demi mort. Cet accrochage engendra un sérieux problème de santé. Je devins cardiaque. Je ne pourrais plus courir sans sentir mon cœur vouloir me lâcher. Quelques mètres de course suffisaient à m’esquinter. Je devins inapte pour les activités sportives et un accro des médicaments. Le mal est fait. L’amour m’a conduit loin.

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Il est déjà 23h30 environs. Je me dois d’oublier ces anciens événements et vivre pleinement le présent. De plus, mon intuition me révèle que c’est Emma qui m’a sauvé ce soir. Serait-elle revenue pour moi ? Un amoureux sait attendre. Elle est mon premier amour.

Avant de m’endormir, je me dis que l’amour vient sans prévenir et quand il veut partir, on ne peut le retenir. Si l’on force, il revient pour ternir l’image joviale du début, et on finit par haïr.

Amoni BACHOLA