Dans un village, vivait une famille riche. Elle était composée du père, de la mère et de leurs quatre enfants. L’aîné, Djossoubèè, était d’une stupidité exceptionnelle, alors que les trois autres faisaient la fierté de la famille.

Un jour, Djossoubèè convoqua une réunion familiale et fit part à ses parents et à ses trois frères d’un problème qui, depuis longtemps, lui taraudait l’esprit :

– Père, à mon âge, je ne peux plus rester à la maison avec vous. J’ai besoin d’autonomie. J’ai envie de faire ce que je veux. Prendre une femme et fonder moi aussi une famille. Et c’est une décision irrévocable.

Devant cette décision inattendue, les trois frères fondirent en larmes, car ils l’aimaient sincèrement. Et ne plus le retrouver à la maison était vraiment pénible pour eux. Ils n’étaient pas en réalité prêts à se séparer de lui. Sa mère était inconsolable. Après quelques minutes, le père prit la parole:

– Mon fils, regarde l’état dans lequel tu viens de mettre ta mère juste à cause de tes paroles. Pourquoi veux-tu partir de la maison de sitôt ? Nous sommes conscients que tôt ou tard, t partirais, mais vois-tu, la vie n’est pas ce que tu crois. Tu n’as pas encore assez d’expérience pour voler de tes propres ailes. Je te conseille de rester encore un peu avec nous, pour nous permettre au moins de préparer ton départ.

– Non père, j’ai décidé de partir. J’irai avec des amis, qui eux aussi, ont décidé de se libérer du joug familial. Nous irons voir les merveilles de la ville et faire notre vie. Je vous remercie de tout ce que vous avez fait pour moi, même si ce n’est pas assez. Je ne l’oublierai pas.

Ces propos étaient comme des aiguilles plantées dans la chair de la pauvre mère qui, jusque-là  était incapable de prononcer un mot. Son visage était devenu très lourd de tristesse et de désolation. Le père reprit la parole, mais cette fois, avec un ton doux, calme mais solennel :

– Je suis sincèrement désolé si nous avons échoué dans l’éducation à te donner, puisque c’est ce que tu penses. Dieu nous est témoin que rien ne te manque ici. Ta mère et moi, nous t’aimons. Tes frères t’aiment aussi. La ville n’est pas toujours ce que tu crois. C’est un lieu où les valeurs morales n’existent que pour être foulées au pied. Là-bas, le père peut renvoyer ses enfants de la maison pour vivre seul. La mère peut abandonner les enfants pour des promenades inutiles, vaines. Elle peut insulter son mari au point de vouloir lever la main sur lui. Les enfants peuvent comploter pour tuer leurs parents, histoire de prendre l’héritage. La vie en ville, ce n’est pas comme ce que tu as connu ici. C’est chacun pour soi. Quand tu seras dans le malheur, tu ne trouveras personne autour de toi pour t’aider. Ceux qui se disent tes amis, ne le seront que le temps où tu as quelque chose à leur apporter, à leur donner. Si tu n’as plus rien, à leurs yeux, tu ne sers plus à rien. Et gare à toi s’ils pensent que tu deviens pour eux un handicap. Ils n’hésiteront pas à t’abandonner ou à te liquider. Fais donc attention. Ce n’est pas facile de trouver du travail en ville. C’est un monde sauvage où seul l’intérêt compte. Tu es encore jeune et immature. Je ne vois pas ce que tu peux leur apporter pour qu’ils te laissent en paix. Les amis ne sont pas forcément ce qu’on croit. Il te faut vraiment…

– Ecoute père. Quoi que tu dises, je ne changerai pas d’avis. Beaucoup sont partis d’ici et sont allés en ville. Ils ont réussi. Moi aussi je réussirai. J’en ai les capacités.

C’est sur ce ton décidé qu’il sortit et partit avec ses amis laissant ses frères et le reste de la famille hébétés et choqués. Sa mère n’ayant pas pu supporter ce départ, rendit l’âme un mois plus tard. En ville, Djossoubèè apprit rapidement la dure réalité. N’ayant aucun qualificatif, il dut se contenter de suivre les amis qui, à la fin, réussirent à l’abandonner. A cause de son arrogance, personne en ville ne voulut l’aider, car chaque fois qu’on lui donnait un travail à faire, il échouait toujours. Pour ne pas mourir de faim, il décida de s’allier à des voleurs. Et c’est lors d’une casse qui a mal tourné qu’il a été appréhendé. Les autres éléments de la bande ont pu se sauver.

La nouvelle se répandit partout. Son village natal en fut informé. Ses frères et son père en furent profondément bouleversés. Après six mois de prison, il fut libéré grâce aux diverses tractations de son père.  Une fois revenu, il s’excusa auprès de ce dernier père et promit ne plus se comporter ainsi dorénavant.

Moralité : « Un vieillard assis voit mieux qu’un jeune homme debout ».

 

Kouassi Claude OBOE