Sounoukpo sortit la tête basse des locaux de la Direction. Mais comment pouvait-on demander le diplôme du BAC pour juste écarquiller les yeux sur de pauvres femmes et empocher leurs maigres bénéfices de la journée? C’est un boulot pour lequel point n’était besoin d’être « intello », se lamentait-il. Même Aladji qui parle, le diplôme qu’il a, c’est la licence professionnelle de vente de mouton. Mais loin de blâmer Aladji, Sounoukpo s’en voulait à lui-même. Il se rappela les dix années qu’il passa au collège. Mais dont il sortit sans aucun diplôme. Ces pitreries de jeunesse l’avaient rattrapé. Le poids des regrets alourdit ses pas. Il s’assit à même le sol, sous un arbre et là il pleura chaudement. Lui, Sounoukpo, le play-boy, le dandy de l’époque, le « show gars »….
Pour trouver la cause de sa chute, il fallait remonter vingt ans en arrière. Sounoukpo venait fraîchement d’avoir son CEP. Son père était un richissime commerçant mais qui n’avait pu franchir le seuil de la classe de CE1. Il était donc très fier de ce fils qui irait plus loin que lui. On tripla son argent de poche en guise de récompense. Il commença donc le collège dans la peau d’un petit pacha. Nanti de ses vingt mille francs d’argent de poche hebdomadaire, il était la coqueluche de la cour de récréation. Financièrement, rien ne lui manquait. Sur le plan des études, on lui prit des répétiteurs dans presque toutes les matières, même en sport et conduite. Mais Sounoukpo se demandait pourquoi étudier toutes ces choses compliquées si tant est que son père était autant riche sans avoir vu la couleur du tableau de CE2. Lui n’avait point besoin de travailler et il gagnait déjà plus que le salaire de bon nombre de ses professeurs. Il apprenait donc ses leçons au gré de ses humeurs, venait en classe selon la météo à son réveil. Il accumulait les mauvaises notes. Mais cela semblait n’être la préoccupation, ni de son père, ni de sa mère, trop occupés à gérer leurs affaires. Ils ne les voyaient quasiment jamais. Il aurait aimé qu’on lui dît qu’il s’égarait. Il aurait tant voulu que ses géniteurs s’inquiétassent pour lui et le remissent sur le droit chemin. Trop tard maintenant.