« Bonjour mon cœur ?

Comment bats-tu ?

Au fond de mon être en feu

Tu entretiens la vie. »

Ce sont par ces quatre premiers vers que le poète nous introduit dans son ouvrage ‘’FRAGILES’’.
Si pour certains, il s’agit de poésie, pour le préfacier Habib DAKPOGAN, c’est «un florilège de chansons enjouées, légères, sans rien en elles qui pèse ou qui pose, selon les caprices de Verlaine » page 11.
Ecrit par le béninois Méchac ADJAHO, linguiste et didacticien des arts, après son premier recueil de poésie ‘’Eclats de vers’’, cet actuel répertoire est une nouvelle expérience, le « fruit de ces lueurs, subtiles et vulnérables qui succèdent à toute explosion de lumière, à tout éclat de verre »
« Fragiles » est un mélange de douceur, de sensualité et de mélancolie, un recueil au titre désarmé de 31 poèmes repartis en 3 parties.
La première partie ‘’Etre en feu’’ regroupe 11 poèmes, je dirais plutôt de chansonnettes d’amour où tout s’exprime par la beauté des mots (Ophtamot, page 25), la beauté des personnages décrits (Esthernelle,  page29, Noire Venus, page 45) et où le romantisme trouve tout son sens.
La deuxième partie ‘’sans toi’’ constituée de 11 poèmes est le prolongement du romantisme mais où l’expérience est tout autre, où la solitude (Seul, page 63) conduit à la chance (page 67) et au ciel (page 71), où la mort inspire des vers et les hommages sont rendus. Et comme, sans toi, sans une amie (page 93), sans l’autre, un peu comme rejeté (page 103), les larmes fatales (page 99) peuvent couler, elles peuvent nous rendre fragiles « comme…un doigt qui tremble; un corps qui tangue comme une rosée qui descend; un cœur qui se fend » (page 97); comme les ailes d’un papillon qui s’effritent à chaque volée. D’ailleurs,  la première de couverture l’illustre si bien..
La dernière partie baptisée ‘’Transfuser l’oubli’’ recueille 9 poèmes qui vous transfusent plusieurs émotions selon votre disposition à la lecture. De Sandra (page 117) à L’enfant noir (page 129) ou du Rêve ailé (page 113) au Zeste de vie (page 125 ), le sentiment est différent. Les images défileront devant vous comme des clichés vivants pour vous frotter à la réalité et ensuite vous plonger dans l’abstrait où il n’existe que la beauté des mots.
Sil m’est permis d’émettre une opinion sur ce recueil, je dirai volontiers que cet ouvrage ne cherche pas à être compris mais à être ressenti, à être contemplé, à être vécu en chanson comme le dirait aussi Michel Sardou.
« Fragiles« , publié aux éditions plurielles et lancé le 19 janvier 2019 a toutes les chances de réussir en récompense au travail méticuleux de son auteur. C’est à juste titre que Habib DAKPOGAN finit par écrire dans la préface: « l’homophonie travaillée, l’imagerie dorée comme l’or des alchimistes, la paronymie digeste et sensée, la rimique décomplexée, quasi impertinente, te dompteront au cœur de l’émerveillement » page 11.
De l’amour et de ses acolytes à d’autres thématiques comme la perte d’un être cher, l’espoir et l’espérance, l’amitié, la solitude, l’accident, la mort, le musicien des mots les porte au seuil de la beauté idéale, là où le sens et le son se confondent en une osmose, ou le calembour vous éprend avec un sentiment de joie et le sourire en lisant. La fréquence des jeux de mots créés à dessein rend cet ouvrage particulièrement riche avec des figures de styles telles que l’anaphore, la métaphore, l’assonance, l’hyperbole…Tout est conjugué pour révéler le génie de l’auteur.
On se rend à l’évidence dès le premier poème que tout n’est pas donné au premier sens, que même les mots simples peuvent devenir compliqués et surtout que l’expérience de lecture sera épique
– « Je bénis d’un signe de croix Ce jour où j’ai croisé ton regard Allez ! Luis ! Là ! Amen » Addict, page 19
– « Nous sommes deux Pour voir mieux Et atteindre les cieux Car l’amour est un jeu Une bonne chose en soie » La croisée des rêves page 21
– «Mon ciel est d’or

Tu es dans ma vie

La vie a tort

De m’éloigner ton sourire

Personne n’est assez fort

Pour ne pas aimer à la folie » page 73
– « Le sang est ce petit mur Qui ne sépare pas la famille » page 123
Il est difficile d’avoir un coup de cœur particulier dans un tel recueil mais le mien porte sur « La croisée des rêves »:

Tu croises tes jambes

Du coté ou le soleil

Rêve de la lumière

Comme le début d’un poème

Ecrit à même le sable

A fleur de paume
Je croise les doigts

Pour une foi

Qui surpasse

La superstition

Et je les croise

Pour mieux y croire
Nous croisons nos yeux

Comme eux

Nous sommes deux

Pour voir mieux

Et atteindre les cieux
Car L’amour est un jeu

Une bonne chose en soie« 

 » Fragiles« , c’est du spectacle choisi pour cœurs sensibles, de petits morceaux éthérés sous lumière bleue, plus proches de cénacles souriants que de foules éberluées, évoquant plus le cabaret que le show au stade ». Page 11

Amoni BACHOLA.