Mon conte vole, roule, trébuche, se lève, court, continue son vol pour atterrir dans la lointaine contrée de Zankodo. Zankodo était la dernière région située à l’horizon non loin de la ligne qui séparait le ciel de la terre. Dans cette contrée, vivaient tous les habitants de la terre, hommes, femmes et enfants. Le matin était moment de fête car chaque famille préparait le petit déjeuner et conviait ses voisins immédiats au partage du repas. C’était l’entraide et la fraternité. Le bien était une religion et la bienveillance un mode de vie. Tout aîné prodiguait des conseils aux plus jeunes et les femmes étaient des êtres protégés et respectés. Nul ne connaissait l’existence du mal dans le cœur des hommes. À l’origine, les habitants décidèrent de choisir un roi en questionnant dada Sègbo à chaque décès du précédent roi. La vie à Zankodo était des meilleures car étant proche des quartiers de dada Sègbo, tout leur était donné (la nourriture, les vivres, l’air…). Rien ne manquait aux gens de Zankodo à part l’eau de vie qu’ils allaient souvent chercher dans l’arbre de vie située à quelques kilomètres de la région.

Depuis quelques années, un drame faisait fléchir et réfléchir les habitants de l’horizon: c’était le décès précoce et prématuré des gens de la région. Pour peu qu’un jeune homme décidait d’émerger, il attrapait une petite maladie et mourait. Pour peu qu’une jeune femme décidait de vivre un bon mariage, la mort la fauchait à la fleur de l’âge. Au début, on pensait au renouvellement des lignées et l’on remerciait dada Sègbo de décider ainsi du bonheur de Zankodo. Des libations furent souvent faites pour célébrer le créateur de l’univers qui de son trône était fier de ses créatures. À Zankodo, vivait pioun-pioun, jeune fille très belle, chaleureuse et agréable. Elle était jeune et gracieuse. Intelligente et joviale. Dada Sègbo avait usé de son pouvoir suprême pour emplir pioun-pioun de tant de grâces car il la promettait à son fils Nouvivi.

Les jours passèrent, les mois aussi qui se muèrent en années. Zankodo fut frappé par une grave sécheresse, une sècheresse rude et atroce. Personne n’avait jamais vu une telle sécheresse tellement la chaleur étouffait toute vie et l’arbre de vie dont dépendant l’eau bienfaitrice s’asséchait de plus en plus. Les habitants de Zankodo désespérés par cette catastrophe rendaient de plus en plus l’âme. Les notables étonnés par ce phénomène étrange décidèrent d’envoyer un émissaire à dada Sègbo. Le voyage de l’émissaire prit encore des mois et des mois. Des lunes qui durèrent et devinrent des années. Pendant ce temps, les habitants de Zankodo mouraient de plus en plus. Les notables de la contrée décidèrent alors de provoquer la mort du plus grand nombre pour dire leur mécontentement à dada Sègbo qui restait depuis tant de temps sourd à leurs supplications. En une journée, la moitié de la population passa de vie à trépas. Pioun-pioun attendait sa dernière heure avec résignation. Elle avait perdu toute joie de vivre et nageait dans l’inquiétude. Dada Sègbo d’abord étonné puis furieux que des humains qu’il a lui-même créés le défient autant, gronda son ras-le-bol.

Il renvoya l’émissaire de Zankodo dire qu’il était mécontent des habitants chers à son cœur. La belle pioun-pioun, la promise de Nouvivi le fils de dada Sègbo fut violée une nuit par un des notables de la ville. Dobligodo, méchant jusqu’aux os vivait en retrait de la région. Il avait l’œil mauvais et usait de pouvoirs maléfiques pour agir. Il avait envoûté le roi qui le nomma notable de Zankodo. C’était lui qui avait violé Pioun-pioun un soir lorsque la jeune fille rentrait chez ses parents. Ce drame fut gardé secret par tous les habitants et fit voir à dada Sègbo à quel point ses protégés pouvaient être maléfiques et le trahir. Affligé, le Créateur suprême se retrancha dans son indifférence et l’arbre de vie tarit. Ce qui entraîna cette grande sècheresse. La mort s’alignait dans le quotidien de chaque homme. Au lever du jour, le visage hagard empreint de désespoir, chacun attendait sa dernière heure. Une région autrefois prospère se transformait en mouroir. Le Créateur intraitable vit l’émissaire rendre compte aux habitants de Zankodo. La seule solution qui se présentait à eux était d’implorer l’ultime pardon du Créateur qui dans sa magnanimité accueillit leur mea culpa. Néanmoins, dada Sègbo décida désormais de bannir toute aide gratuite aux habitants. C’est ainsi que chaque habitant travaillait à la sueur de son front pour gagner son pain de vie.

Depuis ce jour, plus rien n’était plus comme avant, les habitants de Zankodo immigrèrent sur toute la terre à la recherche du bien-être et peuplèrent toutes les régions du monde, s’éloignant ainsi de leur bienfaiteur.

Le mal fait de nous les humains, des esprits errants sur la terre.

Myrtille Akofa HAHO

 

    • M. Marcel, parfois, entre un conte et la réalité, il n’ y a qu’un petit pas. vous ne croyez ps?