Je restai de marbre. Elle en lut quelques passages et regarda fixement ma bouche qu’elle prenait plaisir à comparer avec la gueule du chien méchant de la couverture de son livre. Je ne réagis pas. Elle me sourit. Je regardai ailleurs. Elle toussa. Je me raclai la gorge. Elle cracha. Je la toisai. Elle ferma son livre. Je soupirai bruyamment. Elle remua la tête, puis remit son Johnny dans son sac. Je soupirai de nouveau. Un vent léger se mit à souffler. Je respirai à plein poumon. Je voulus me lever quand elle me tira par la manche droite et me fit asseoir. C’est alors qu’elle sortit de son sac un second livre, une Bible et ouvrit ensuite une large bouche puante pour me dire:
– Comment t’appelles-tu ?
– Afokou, madame; lui répondis-je.
– Afokou quoi? Tu n’es pas un animal, quand même! m’avait-elle dit.
Je la regardais avec dédain, et sans savoir pourquoi, je lui répondis.
– Afokou Agbélé.
– C’est bien mon frère, tu vois cette Bible? Partageons alors ensemble la Parole du Seigneur, le Dieu Miséricordieux; le Dieu Amour… Bientôt, nous aurons encore la naissance de son fils Jésus, qui viendra nous sauver. Tu sais, Jésus…
Je la regardai droit dans les yeux, sans savoir pourquoi encore, pendant un bon moment, et des larmes commencèrent à couler de mes yeux sans que je leur en eusse donné la permission. Elle me dévisagea toute souriante et je compris sous le coup que ces larmes qui sortaient de mes yeux, étaient des larmes de déception, de dégoût, d’échec, de désillusion. Oui, j’avais pitié d’elle, pitié de cette pauvre âme devant moi qui pensait partager la parole de Dieu avec moi, mais qui avait oublié les fondamentaux. Aime ton prochain comme toi-même, et s’il y en a à manger pour un, il y en aura pour deux. Je me disais quelle mère elle pouvait être pour ces enfants. J’avais pitié d’elle. Je me levai et partis, la laissant là assise. Elle trouvera sûrement un autre avec qui elle allait partager, pour de vrai, non pas la parole du Seigneur, mais sa parole. Quand je retournai mon visage, je la vis entrain de rire. Je me dis tout bas: « Pauvre Dieu…. ». En son nom, beaucoup de choses se passent. Sur mon chemin de retour, toujours à jeun, ma visibilité devenait de plus en plus faible. Ma respiration,n’en parlons plus; j’avais la cage thoracique qui brûlait. Je vis un jeune homme dévorant une longue baguette de pain. J’aurais bien aimé lui demander, mais mon éducation ne me le permettait pas, même si la condition dans laquelle j’étais m’y obligeait. Je traversai au mieux la voie en prenant soin cette fois-ci de faire beaucoup attention et je revins à la maison.
Le soleil tardait à se coucher. Dans le ciel, on pouvait voir les oiseaux, au retour de leur randonnée, toujours en bandes organisées. A l’intérieur de la chambre, j’avais l’impression que quelqu’un était venu déplacer les meubles. Les choses qui étaient placées à gauche se retrouvèrent à droite et vice versa. Je ne compris pas ce changement encore moins celui qui pouvait faire cela, d’autant plus que ma femme n’était pas encore revenue du marché….
A SUIVRE…
Claude K. OBOE
La résolution de la diète et de la disette de notre personnage n’apparaît pas encore à l’horizon…..Mais les plans de coupes sur la société montrent que Dieu doit avoir un énorme chagrin sur le coeur…..ce ne sont pas tous les lecteurs de la sainte écriture qui font les bons samaritains..