MILLE MOTS A BISCOTTES LITTÉRAIRES

Toi qui, depuis deux ans, ô répands la lumière
Dans les esprits caducs, forts remplis de chimère ;
Toi qui sors l’âme du pauvre lare obscur,
Et l’aiguilles vers la clarté du bel azur ;
Toi qui guides le pas qui flanche et qui tombe,
Sur le macadam de l’inscience près la tombe ;
Toi qui ramènes bien aux premières années,
Les cœurs sans vraie ardeur, comme les fleurs fanées ;
Toi qui, en les parant comme d’un astre d’argent,
Chasses des gens l’hydre et la stryge au cœur dolent ;
Toi qui, -le soir où rase la terre de son aile,
Porte au ciel des plaintes, la petite hirondelle-
Pousses l’homme à s’évader, à aller vers la cime
Du plaisir juste à travers quelque ligne infime ;
Toi qui rends bien –par ta force divine- rose,
La vie remplie de drus spleens et toute morose ;
Toi qui emportes, de l’oubli, vers la vaste plinthe,
L’existence se murant tout jour dans la plainte ;
Toi qui fais voyager sur d’autres charmants cieux,
La veuve, l’orphelin, le pauvre, l’homme anxieux ;
Sais-tu ce que dit la veuve en te visitant ?
Ce que chante son cœur, de joie, en s’éclatant ?

« Voici l’ange bienheureux envoyé du ciel,
« Qui vient mêler à mon fiel un peu de son miel.
« Il, -comme sur l’herbe tout fraiche la rosée-,
« Verse sa coupe de joie en mon âme épuisée.
« Il comprend et chasse le deuil qui me déchire
« Par son visage divin et son beau sourire.
« Avec lui, je sens que mon spleen n’a rien d’impur,
« Car nous sommes de la fange et aussi d’azur ».
Sais-tu ce qu’en te voyant pense l’orphelin ?
Qui croit être délaissé sur un dur chemin ?
« Ma douleur est sainte. Je bénis le Seigneur.
« Qui, dans mon affliction m’apporte la douceur.
« Il suffit que ce doux ange adorable passe,
« Pour que le doute en mon cœur éponge sa trace.
« Dieu lui-même sait donner au vil cœur qui souffre,
« Son pur bonheur d’un instant même dans le gouffre.
« Sans haine, sans mépris, je ne plains plus mon sort.
« Car même dans mon mal, je trouve réconfort ».
Ô ! pour parler du pauvre homme, ce malheureux,
Sais-tu bien ce qu’il dit dans sa fripe de gueux ?
« Voici quelqu’un qui m’aime et qui me console,
« Qui change mes idées juste par sa parole.
« Quelqu’un qui donne à ma carcel une flamme,
« Flamme nouvelle : la nourriture de l’âme.
« Ce mets qui enrichie, et le corps et l’esprit,
« Comme le Pain Vivant, qu’est le doux Jésus-Christ.
« Je ne me sens plus pauvre quand je le visite.
« Car je reçois lumière, et c’est ma réussite ».
Et sais-tu ce que chuchote l’anxieux, le blême ?
Celui-là qui n’espère plus en la vie même ?
« Voilà qui ramène ma pauvre vie à l’enfance,
« Où tout est beau et rose, et même où la souffrance
« N’a de racine. Où, tout gai, on contemple les fleurs,
« Avec de sourire, et de joie, les purs pleurs ;
« Où, au coucher du soleil, à la belle campagne,
« On admire les vols d’aigles sur la montagne.
« Voilà qui donne à mon cœur un brin d’espoir,
« Moi pour qui le jour, ô, n’est comme que le soir ».

Voilà ce que dit ce monde qui te contemple,
Lui pour qui tu restes, l’autel pieux et le temple.
Pourquoi ? Parce que tu lui donnes le précieux.
Le Mot. Force divine qui nous vient des cieux.
Car le mot est puissant, c’est un être vivant.
C’est le jonc près de l’eau, c’est le pur lys mouvant.
C’est le bon grain qui résiste aux trous du crible,
Domine les mauvais d’une force terrible.
Le mot est comme un arbre. Et nous sommes ses fruits.
Il fait le silence. Il fait aussi les bruits.
Il console. Il va, du zénith au nadir,
Parlant, chantant, dansant, et fait bien resplendir
L’intérieur opaque de l’âme humaine.
Il va tendre et clair comme l’eau de la fontaine,
Trainant de nos cœurs les mornes débris étiques
Qu’il fourvoie dans l’éther, et les panse d’éthiques.
Il fait la mer, ses polypes et ses dorades.
Il fait le bois, ses chênes, ses buis, ses dryades.
Le mot pénètre bien l’homme par tous ses pores,
Scrute fort son esprit, tue les gris polypores,
Qui ne sont que nos doutes, nos peurs, nos tristesses.
Il porte aux cœurs la plus noble des richesses.
Lance un mot sur un homme. Il le prend, le soulève,
Le détruit. Tout comme il le magnifie et l’élève.
Car ce qu’un mot fait taire, un autre le dévoile.
Il est la parole. Du firmament, l’étoile.
C’est la fleur, l’éther, le globe, l’astre, la sphère.
Il a fait Hugo grand, et fait chanter Homère.
Il a fait Cicéron célèbre et éternel.
Il lie avec le sort inconnu un lien fraternel.
Il fait rajeunir le cœur des jeunes pensives,
Qui attendent de l’amant, quelques douces missives.
Il fait suer le jeune amoureux, qui d’un tas
D’écrits, peint son lit au parfum de taffetas.
Il est le souffle pieux qui anime le monde.
C’est par lui que furent faites la terre et l’onde.
Il est avant la création de toute chose.
Le père d’Adam et d’Ève sa belle rose.
Le mot nous faits et fait les lois universelles.
Il est le verbe, Dieu. De nos yeux, les prunelles.
Car au-dessus des passions et des ambitions,
Ton fond ne sait que faire de bonnes actions.
Au-dessus des idées et de simples désirs,
Ton cœur ne nous procure que de bons plaisirs.
Des rochers purs, il ne peut que couler d’eau blanche.
Pour sa vie, Oiseau ne se pose sur toute branche.
Tu nous donnes la grande joie par la lecture.
Alors, que cette obole pour l’âme perdure.
Que ce front où scintillent des flots luminaires
Brille encore ! Ô ! Biscottes littéraires.

Ricardo AKPO