Chronique sur « Le dernier mot des dieux » de Robert Asdé

 

Le moment est-il déjà venu pour qu’on parle du développement du continent africain ? A en croire Robert Asdé, c’est non. Nous serons donc encore à des années lumières si certains comportements de ceux qui nous dirigent ne changent point. Depuis les indépendances obtenues de hautes luttes pour se libérer de l’oppresseur blanc, le constat aujourd’hui est tout autre : c’est le Noir qui devient l’oppresseur du noir. Habités par une jalousie et une mégalomanie terrible, leurs premières pensées se trouvent dans leur poche, plutôt que la quiétude et la vie de ceux qu’ils dirigent. « Le plus grand défaut de ce monde, est que le créateur, en créant les hommes, à son image, croyait qu’ils resteraient toujours à son image. Et le séjour sur la terre est devenu une épreuve où l’on échoue plus qu’on ne réussit, un purgatoire où même un millénaire ne suffirait pas à l’homme pour expier ses péchés. Tout simplement parce que toute la création baigne dans le mal et dans le péché. », p 13. C’est cette conception que Robert Asdé partage avec nous dans « Le dernier mot des dieux », un recueil de deux pièces théâtrales paru aux Éditions Plurielles dont la première portant le titre de l’oeuvre est structurée en trois parties et la deuxième intitulée  »Tu es trop belle pour mourir  » en deux parties.

« Les promesses électorales n’engagent que ceux qui les reçoivent », disait Charles Pasqua. Et c’est ce que semble démontrer Robert Asdé dans ce livre. En effet,  »Le dernier mot des dieux » est l’histoire d’un président de la République qui gouverne par la ruse. Au cours de son mandat, il n’a su tenir ses promesses, réduisant ainsi le peuple à son propre sort…

« Awadagbé: Le pays se meurt! Plus rien n’est vivant ici. Animaux, végétaux s’abiment au même titre que les objets.

Assouka: C’est le résultat des changements climatiques (Rire). Et dire qu’il y a un élu dans ce pays. Il y a un président, des ministres et malgré ça, nous mourons… »  p. 15.

Mais le président de son côté, ne fait nullement de cette préoccupation une priorité. Il prétend cependant organiser à Cica sa fille unique, son vingt-cinquième anniversaire dont « Le budget est d’à peu près un milliard » p.26. Tout le nécessaire était mis à la disposition de la précieuse Cica pour que la fête soit belle. Car « Même si une boule d’akassa coûte un million de francs, toi Cica, tu te feras toujours plaisir… » p 28, conclut le père au cours d’une discussion avec sa fille. Cette nouvelle ne laissera pas cependant quelques victimes indifférentes face à leur condition de vie, car « L’action appelle la réaction », dit-on. Et partout où le peuple est opprimé, il y a toujours des personnes, au prix de leur vie, qui n’hésitent pas à prendre des initiatives pour lutter contre le mal.

« Awadagbé : Alors, il nous faut agir. Et vite !

Assouka : Agir contre qui? Et en faisant quoi ?

Awadagbé: Il faut qu’on soulève le peuple contre cette pagaille. » p 21

Aux grands maux les grands moyens. Les choses ne tardèrent pas à se mettre en place. Du jour au lendemain, dans la maison du président, « bouteilles de vin, verres, assiettes, tout ce qui peut contenir du liquide dans cette maison est rempli de sang. » p 31. Ayant pris peur, le président décide d’aller consulter les dieux auprès de Fagbé. Ce dernier n’hésite pas cependant à lui étaler la vérité. Mais de quelle vérité s’agit-il ? Bien malin qui le saura sans lire le livre.

 

Dans la deuxième pièce  »Tu es trop belle pour mourir », Robert Asdé dénonce les vices qui tuent de nos jours le monde du showbiz où l’éthique et la raison n’ont plus leur place: la corruption, l’abus du pouvoir. Il s’agit là d’un vice cultivé par des personnes de mauvaise foi, qui sont guidées plus par l’âpreté aux gains et la satisfaction de leur bas instinct que l’intérêt des acteurs qu’ils entendent promouvoir. Ils détruisent ainsi non seulement le milieu culturel mais aussi la vie des artistes. En effet, Liz une jeune fille de 17ans vient d’être violée. La raison, elle est très simple : la pauvre ne veut pas céder aux assauts de Dave son interlocuteur, qui était auparavant son promoteur et l’avait aidée à réussir sa carrière. Ne voulant pas retourner dans ses griffes, elle s’oppose et devient victime de la sale besogne de son maitre.

« Liz : Je pourrais être votre fille. Je vous en supplie, ne me faites pas de mal.

Dave : Ne me sermonne pas, petite. Garde tes leçons de morale pour tes parents. L’amour, même mal fait, est mieux que la guerre.

Dave essaie de bâillonner liz. Elle se défend. Ses vêtements en lambeaux. Cris et pleurs étouffés envahissent la loge. Dave empoigne Liz et l’immobilise. Noir… Dave mugit de plaisir », p 55, laissant la petite dans un état de choc.  A-t-elle rendu l’âme ?

Combien sont-ils dans ce milieu à subir de tels actes sans pouvoir réagir ? Dans un style simple et clair, l’auteur se met dans la peau d’un éveilleur de conscience pour attirer notre attention sur un mal qui empêche le développement de notre continent. L’éducation devient l’arme avec laquelle ces maux peuvent être combattus. Un livre à lire et à relire…

Sibelle Djihouan