L’Occident a ses attraits. Mais ce qui luit peut être aussi de l’oripeau. Le problème de la migration est un sujet qui, actuellement et de façon virale, fait le tour des toiles et des pays. Chacun y va de sa manière pour donner son opinion après analyse. Les écrivains ne sont pas restés de marbre et accouchent à travers leur plume les fruits de leurs réflexions. Même si Fatou Diom dans « Celles qui attendent » nous explique mieux ce phénomène, d’autres l’ont précédée et ont décrit sans langue de bois les côtés obscurs de ce mal. C’est le cas de Sembène Ousmane. Cette figure emblématique de la littérature négro-africaine française nous plonge dans un monde dramatique et terrible avec son roman célèbre et inquisiteur « le docker noir ».

« Le docker noir » de Sembène Ousmane paru en 1973 aux Editions Présence Africaine (223 pages) est un roman qui nous raconte l’aventure combien pathétique vécue par Diaw Falla. Notre héros, Diaw Falla, 24 ans, en vue d’un bien être quitte sa patrie le Sénégal pour séjourner à Marseille en France.  La réussite et le bonheur se trouvent-ils toujours hors de chez soi et en l’occurrence en occident ? C’est une réalité qui trompe nombre de jeunes africains de nos jours. Ayant trouvé refuge dans un hôtel de fortune à son arrivée à Marseille, Diaw Falla devenu docker mène une existence difficile, misérable et sans repos au quotidien. Face aux nombreuses difficultés pour assurer sa subsistance : « il résolut de vendre un complet. Aucun de ses compatriotes n’était en mesure de lui venir en aide. Se défaire d’un vêtement lui faisait mal, car il se rappelait les longues heures de peine d’épargne et de privation qu’il avait fallu pour se l’offrir, mais il ne voyait aucune autre solution » (p.162). Il lutte alors avec quelques amis dockers pour l’amélioration de leurs conditions de vie et de travail, mais leurs efforts furent vains.  A quoi sert un travail lorsqu’on n’est pas épanouis ? D’aucun pour pallier cette situation trouve leur satisfaction dans leur passion. C’est le cas de notre héros qui, épris de Catherine une jeune française et amoureux des lettres avec l’espoir de devenir un grand écrivain, se donne tout entier à sa passion d’écriture à ces heures libres pour rédiger un roman : Le Négrier Sirius. Celui-ci traite de la justice et des questions relatives à l’esclavage et à la liberté des Noirs. Dans sa quête de publier son roman, il fit la rencontre de Ginette Tontisane, auteure et écrivaine française. Lui ayant remis ses manuscrits en vue de la publication du roman, dame Ginette Tontisane   publia Le Négrier Sirius en son nom propre. Le succès fulgurant du roman fit gagner à dame Ginette Tontisane le prix de littérature française. Que faire face à une telle félonie ? Se rendre justice soi-même ou se confier à la justice ? Quel sentiment vous anime quand quelqu’un bénéficie illégalement des fruits de vos efforts ?

 

Sembène Ousmane à travers « Le docker noir » rédigé dans un style séduisant et en trois parties, peint des scènes relatives aux préjugés raciaux vis-à-vis des Noirs. Diaw Falla a été un parfait victime de cet état de chose. La marginalisation dont sont victimes les Noirs en occident l’a privé de sa liberté : « autrefois, lorsque je me trouvais du côté de la société, je me croyais un homme parmi tant d’autres, je pouvais penser à ma guise » (p. 205). L’auteur à travers son œuvre nous exhorte à repenser nos conceptions de la personnalité des Noirs. C’est un cri de cœur face aux mouvements migratoires qui ne cessent d’accroitre de plus en plus de nos jours. Le bonheur et la réussite dans la vie ne sont pas que chez les autres notamment en occident comme le pensent bien de jeunes. Dans la vie, il ne faut pas faire ce qu’on veut pour être ce qu’il faut mais il faut faire ce qu’il faut ; autrement dit, il ne faut pas user de tous les moyens pour réussir. Vous lisez le livre et une ire vous monte à l’esprit, une douleur vous frappe l’âme, l’émotion et la compassion vous inondent le cœur. Vous vous posez des questions tant subjectives que réelles.

Au demeurant, « Le docker noir », plus qu’un roman, est une invite à une prise de conscience des jeunes surtout africains en quête de mieux être à tout point de vue en se projetant sur l’occident. Il est aussi « un avertissement, un document de première main sur la vie des minorités noires perdues dans les grandes villes européennes » (Sembène Ousmane).

Louis BADA