• – Conte !
  • – Récit d’aventures…
  • – Conte !
  • – L’imaginaire croise le merveilleux…
  • – Conte !
  • – La muse s’amuse : plaisanterie !
  • – Conte !
  • – Raconte !

Le vieillard Waniyilo était bien habitué à ces paroles. Les enfants et les jeunes assis non loin de lui, aiguisaient leur curiosité vorace, ergotaient leurs oreilles pour avaler crues ces paroles qui allaient sortir de la bouche avisée. Waniyilo, la bouche qui ne ment jamais même quand elle invente ses récits, reprit :

  • Aujourd’hui, mon conte est fatigué de rouler. Il ne roule pas trop et ne tombe pas dans les méandres d’un passé très lointain que j’ignore. Mon conte marche légèrement en arrière et se perd dans quelques brindilles d’années. Mon conte s’éclot et veut se conter à tout âge. Mon conte ne commence pas aujourd’hui par “Il était une fois….Conte !
  • Raconte !
  • Le Danxomé était un village riche en terre argileuse à double facette. Dans les périodes pluvieuses, cette terre se faisait appeler « pɔtɔ-pɔtɔ » et en saison sèche, les anciens l’appelaient « afoun toun-toun ». Les villageois savaient bien profiter des richesses de cette terre versatile, à la fois maligne et bénigne. Dans ce village vivaient plusieurs familles. Ces familles se rangeaient en deux catégories : la Noblesse et la Royauté. Dans cette dernière, on retrouvait les dynasties familialestelles que Ahossou, Ahossi, Honménou, Migan, Kpanligan, Gnonnu-Django, Sunnu-Django et toutes les familles qui travaillaient d’une manière ou d’une autre avec les Rois. En face de cette catégorie se trouvaient en nombre réduit les familles de la noblesse : Yovovi, Akouègnon, Akowé.

Un jour, Danxomé connut une célébration de noces qu’il n’oubliera jamais parce que cet événement est inscrit dans les annales de terre « pɔtɔ-pɔtɔ » et terre « afoun toun-toun ». Ce jour-là, la famille Ahossou avait donné l’un de ses brillants fils appelé “Sunnu-Kpɔ“ à “Gnonnu-Klébété“, l’une des filles ambitieuses de la famille Akouègnon. Sunnu-Kpɔ épousa avec son courage Gnonnu-Klébété et Gnonnu-Klébété épousa Sunnu-Kpɔ avec sa ruse. De cette union noble et royale naquit un fils qu’ils nommèrent “Politiki“.

Terre « pɔtɔ-pɔtɔ » et terre « afoun toun-toun » virent grandir ce garçon qui n’avait pas besoin d’exhiber sa force avant qu’on ne lui amène de toute part des dizaines de femmes à épouser. Les parents du village voulaient qu’il ait juste une nuit féconde avec leurs filles pour que celles-ci donnent naissance à des enfants de bonne race, de race métissée comme ça courait toutes les rues : « Politiki est un Homme. Il possède l’eau qui donne vie aux enfants de race tamisée et raffinée. Noblesse et Royauté en un seul sang. Le sang de Politiki. » Ces mots étaient devenus des chants et des panégyriques que toute bouche sans être griot, proclamait. Politiki en devenait célèbre et s’imposait comme l’’unique digne héritier aussi bien de la famille des nobles que des royaux. Cela advint. Politiki devint régent de Danxomé et assura une succession à sa progéniture. Sa descendance devint une lignée puissante et caractérisée par le courage, la richesse et surtout la ruse. Politiki fonda une famille indépendante qui avait droit au pouvoir légitimé par les villageois.

Conte !

  • La muse s’amuse !
  • Conte !
  • Raconte !
  • De génération en génération, de règne en règne, les Danxoménou connurent un Roi Politiki très différent qui avait pour emblème le Caméléon et pour devise « Tout change ! Politiki aussi ! ». Cette devise et cet emblèmeeffrayaient tous les villageois à qui la crainte dictait le respect à l’égard du nouveau Roi Politiki. Ils avaient peur c’était à raison, parce que ce Politiki était venu au pouvoir par un autre chemin que celui emprunté régulièrement. Ce Politiki avait chassé son Père de la chaise royale et l’avait pourchassé dans tout Danxomé avec un fusil de chasseur. Dès qu’il prit le pouvoir, tout changea vraiment.

La famille Politiki ne marchait plus avec la loyauté ni la fidélité. Ses descendants se prostituaient avec toute autre race ; ils négociaient des affaires de vile crédibilité ; ils ne travaillaient que pour leurs propres intérêts et non pour ceux des villageois ; ils mentaient pour avoir accès au plus petit poste de chefferie. Les Politiki se mariaient désormais entre eux prenant à témoin les Danxoménou pour se tromper gaillardement quelques temps après devant les mêmes Danxoménou. La famille s’élargit sauvagement et partout on entendait parler des Politiki. Ils grugeaient les villageois en leur arrachant leurs pauvres ressources pour s’enrichir encore et encore. La famille Politiki perdit toutes ses vertus d’origine sauf sa richesse et sa ruse qu’elle maniait pour toujours être à la tête du pouvoir. Le cœur des Danxoménou retient que le règne du fameux Politiki à l’emblème du Caméléon changea beaucoup de choses dans leur village. Tellement la famille étendit sa célébrité que les Yovovi introduisirent dans leur gros livre de mots la famille Politiki qui donna aujourd’hui « Politique » dans leur langue et le nom du village Danxomé qui sonne Dahomey dans leur langue.

Voilà pourquoi, jusqu’aujourd’hui à Dahomey, les Politiques respectent très rarement un serment venant de leur bouche et ils ne sont pas intégralement dignes de confiance parce que « Tout change ! Politiki aussi ! » a prophétisé le Caméléon.

 

Fabroni Bill YOCLOUNON