»‘’Les Tresseurs de corde’’, Jean PLIYA:  un chef-d’œuvre que doivent forcément lire tout lecteur et tout néophyte qui embrassent l’écriture. » »

Après l’époque mimétisme où l’inspiration des écrivains faisait l’éloge des bienfaits de la mission civilisatrice menée par la France en Afrique et celle de contestation, vint enfin l’époque des désenchantements au lendemain des indépendances de  1960. Ici, l’inspiration sociale continue, mais reste axée sur le vécu quotidien des africains. Il s’est agi ici de sermonner les autorités politiques, les nouveaux bourgeois corrompus qui s’enrichissent avec l’argent du contribuable. ‘’Les ‘’Les Tresseurs de corde’’,  l’unique roman de Jean Pliya s’inscrit dans ce dernier cadre. Après les indépendances, plusieurs noirs pensaient pouvoir vivre une vie tranquille où l’égalité et la paix régneraient étant donné que leurs pays seraient dirigés par leurs propres frères noirs. Mais c’était sans compter avec les ambitions démesurées et la dictature de ces dirigeants noirs remplis d’une envie indicible de devenir maitres au lieu de guides. Le roman a été publié en 1987. Dans ce livre, l’auteur renvoie le lecteur à la période révolutionnaire qu’a connue un pays en tout semblable au « Bénin du lendemain du coup d’état du 26 octobre 1972 ». Ingénieur et agronome de formation, Trabi, le héros du roman, est un militant du parti unique révolutionnaire de la République de Bokéli. Mas il fut obligé de prendre la fuite une nuit parce que son nom figurait sur la liste de ceux qui voulaient renverser le gouvernement notamment le Président Fioga. En route, il eut un accident, mais trouva refuge dans un village nommé Prékéto Tchè où il fut soigné par Myriam. Cette dernière était la sœur de Boni, le président du comité révolutionnaire dudit village. A priori, Trabi n’était pas en sécurité dans ce village à cause de ce fameux comité qui avait le pouvoir de le dénoncer s’il arrivait à connaitre sa vraie identité. Mais grâce à ses connaissances et son amour pour le village qui vivait dans une précarité et une misère sans pareilles, il soigna avec de l’argile quelques malades dans le village et s’attira ainsi la sympathie et l’amour des villageois. Il sera retrouvé plus tard par les soldats qui étaient à la recherche des comploteurs en fuite, mais le village entier le défendit contre ces derniers. A son tour, accompagné de Boni et quelques bras valides du village, ils repoussèrent ensemble les mercenaires qui attaquaient les soldats chargés de surveiller la frontière du pays. Cet acte de leur part fit venir le Président dans le village qui les félicita, pardonna à Trabi et lui proposa un nouveau poste à Dougan, la capitale de Bokéli. Mais ce dernier refusa car son cœur était déjà pris par la belle jeune fille Myriam. Il décida de l’épouser et d’aider les villageois dans l’amélioration de leurs conditions de vie. ‘’Les tresseurs de corde’’ est un livre à lire et relire pour mieux comprendre certains dessous de l’époque révolutionnaire dans notre pays. Un livre puissant et profond tissé de proverbes et de citations et où le souffle de l’oralité se fait sentir. Plusieurs thématiques y sont développées, l’hospitalité, l’amour, la rancune, la phytopharmaceutique, le pouvoir… etc. C’est un chef-d’œuvre que doit forcément lire tout lecteur et tout néophyte qui embrasse l’écriture. Le style est accessible à toute catégorie de lecteur. L’humour, l’ironie, la taquinerie, s’observent et donnent plus de saveur et d’envie de dévorer d’un trait le livre. Vous lisez une page, et quelque chose comme la gale vous gratte les doigts pour vite ouvrir la page suivante. Un roman à absolument lire, autrement, vous n’aurez rien lu de la littérature béninoise. Je recommande ce livre à ceux qui veulent parler de l’amour dans leurs œuvres et ne savent pas comment s’y prendre. Ici Jean Pliya l’a fait avec maestria sans tomber dans la vulgarité. On peut effectivement parler de l’amour sans verser dans les obscénités. Et pour ce faire, il faut une certaine dose de connaissance dans l’art de manier la langue et les images. En cela Jean Pliya, dans ce roman, s’illustre non seulement comme un maître, mais une école. Dans ce livre, est célébrée la vertu. Dans ce livre, au grand âge, est accordée la place qui est la sienne. Dans ce livre, est mise en exergue l’hospitalité, cette valeur qui bat de l’aile de nos jours du fait de la modernité avec ses corolaires d’individualisme, d’indifférentisme, d’intolérance et de la peur de l’autre. Qui lit ce livre, se réconcilie avec la nature et  réalise que vivre, c’est non seulement mourir à soi mais aussi laisser la nature respirer. L’équilibre et l’épanouissement de l’homme passe inéluctablement par son sens de l’autre et de l’environnement. Et cela, Jean Pliya, en tant que pédagogue, le montre merveilleusement bien. ‘’Les Tresseurs de corde’’ est un livre riche. On n’en sort pas comme on y est entré.
Martial Blaise AKPO