Le jour où Bidouzo fut de tour pour assurer la dernière recréation de l’année, il s’était mis dans la tête de raconter l’histoire de l’Espion-rouge et de M. Dimitri. La dernière récréation de l’année était un grand évènement. C’était l’occasion pour tous les groupes d’espionnage de déballer le scoop de l’année sur nos professeurs ou sur un administratif. Bidouzo se targuait donc d’être le seul capable de compter cette histoire, lui, un espion rouge, parce qu’il était en effet le seul à porter une tenue bien repassée. Parce qu’il était le seul dans tout ce collège à mettre une montre bracelet Adidas-Gucci. Je lui opposai une farouche fin de non-recevoir.

– Tu ne compteras pas cette histoire, lui lançai-je avec défi. Ces espions-rouges avaient fait trop de dégâts dans ce collège pour que je les laissasse se pâmer d’aise au récit de cette histoire. Lui, Bidouzo était le premier ex aequo à blâmer, pour ce qui était arrivé à M. Dimitri. Et puis c’était une tradition chez eux, Espions Rouges, de tronquer les récits des dernières recréations de l’année. Je me  souviens,  comme si c’était hier, de ce que Noukoukou avait osé sortir de sa bouche l’an dernier sur madame Sylvie. Ou encore les aventures dites du Surveillant Général dans les toilettes des filles…

Ces deux anecdotes n’ont pas encore fini de faire sensation dans le Collège Catholique Saint Michel. Je ne pouvais donc prendre le risque de laisser répandre une autre connerie du genre sur un professeur. Je le fis pour que plus jamais un con ne rie. Ils sont trop culottés, ces Espions Rouges. Je décidai donc d’arracher le rôle de conteur principal à Bidouzo. Ainsi après la dernière recréation de cette année, personne ne rentrera avec des thèses saugrenues dans la tête. Car M. Dimitri n’est pas devenu fou comme Bidouzo le laissait entendre dans les coulisses. Je n’avais que trente minutes pour accomplir ma mission, pour rendre à M. Dimitri son histoire, celle qui lui est due, l’authentique, l’originale. Pas la frelatée pour laquelle certains détracteurs avaient aiguisé leurs longues dents et apprêtés leurs langues chargées de mensonge et de médisance. Je poussai donc violemment Bidouzo et me mis à raconter l’histoire de M. Dimitri. Tous dressèrent leurs oreilles, stabilisèrent leurs esprits et laissaient mes mots les pénétrer…

 

A suivre…

 

Adebayo Adjaho