Il était une fois le lièvre et le lion. C’était au temps où les animaux usaient encore de la faculté du langage. Le lièvre et le lion étaient de très bons amis. Ils se disaient tout et faisaient presque tout ensemble. L’un était chanteur et l’autre chasseur. Ils vivaient tous dans le village de Madrinvidé. Un jour, alors que la famine sévissait dans le village, ils décidèrent d’aller à la chasse à Allogo, le village voisin. Ils avaient un dessein bien précis. Le lièvre, avec sa voix mélodieuse essayerait d’attirer les proies, le lion, dissimulé dans les taillis, ferait irruption pour les tuer. Ils partirent ainsi donc. En chemin, le lion sentit le besoin d’aller à la selle. Pour ne pas perdre le temps, il dit à son ami de continuer et qu’il le rattraperait en chemin. Le lièvre continua seul la route. Arrivé au milieu d’une grande forêt, avec la peur au ventre, il s’assit sous un grand arbre, essayant d’attendre le lion. Ce dernier ne venait toujours pas. Alors, il comprit qu’il ne devait que compter sur lui-même. Il se leva, racla la gorge et entonna un doux air.

« Egbè ké min mi va on biô tagba o

Nonvié, tchité nan va yi ohan kpo’o

Va douwé, va, va djihan, va kuêdè

Do, min dé on yon osuè’o, va kpon djidjouè »

‘’Cette vie n’a pas besoin de problème, frère, lève-toi, et chante avec moi Viens danser, jubiler, chanter, rire Car, nul ne connaît demain, alors viens jubiler’’.

Il chantait d’une voix voulue tantôt tendre, tantôt gutturale. Et en quelques minutes, une foule admirative et en liesse, déjà l’entourait. Devant sa prestation mirifique, les spectateurs, hébétés et éberlués ne se firent pas prier pour parer son front de toute sorte de pièce d’argent. Il sema de la joie dans les cœurs. Trouvant leur comportement très bon, il décida d’être en retour bon avec eux et sans plus trop réfléchir, leur exposa son plan de chasse précédemment établi avec le lion. Il leur conseilla de se disperser et de rentrer chez eux. Ce qui se fit. Quelques minutes après, le lion apparut. Mais tout était calme. Il ne vit qu’une fourmi qui cherchait sa pitance sur le sol. Il l’apostropha. Cette dernière l’ignora un moment puis lui lança qu’elle savait bien l’objectif de sa venue. Le lion se rendit compte que son ami avait vendu la mèche. Il rougit de courroux, car il se sentit trahi. Il courut au village dans l’intention de faire payer à son ami le prix de sa trahison. Depuis sa case, le lièvre sentait déjà le danger qui le guettait. Dans sa peur, il fit appel à son ami Kangourou pour que ce dernier lui porte aide et assistance.

– Je n’ai pas la force du tigre, je n’ai pas la taille du dromadaire. Comment veux-tu que je t’aide ? lui répondit le Kangourou. Mais vu la désolation de son ami, le Kangourou se laissa attendrir. C’est ainsi qu’il prit un coutelas et fit une poche au bas de son ventre. Il y dissimula le lièvre et son argent, et se couvrit le corps d’une grande parure. A peine eût-il fini que le lion, écumant de rage, les crocs agressifs et prêts au carnage, fit irruption dans la case.

– Où est ce satané de lièvre ? demanda-t-il.

– Je ne sais pas. Je l’attends aussi, lui répondit le Kangourou. Le lion se jura de le chercher et de lui faire payer sa trahison.

Quelques mois plus tard, alors que la sécheresse continuait de sévir et que la famine régnait sans pitié, le lièvre, après avoir fini de dépenser tout son avoir, alla voir le tigre qui était gravement malade. Ce dernier le reçut avec joie et lui exposa les recommandations de son guérisseur qui lui a dit qu’il ne pouvait recouvrer la santé qu’en buvant une décoction réalisée à base des viscères et du sang du kangourou. Or le tigre, malade, ne pouvait aller à la chasse et le kangourou était non seulement son beau-frère, mais aussi son ami et son conseiller.

– Ne sois pas triste, chef tigre. Rien n’est impossible dans cette vie. Et puis, retiens, Oh grand chef, que ceux dont il faut se méfier le plus, ce sont ses amis. Je sais que tu me croiras difficilement, mais retiens que la source de ta maladie, c’est justement ton meilleur ami. Et si tu tiens à vivre, écoute simplement ton guérisseur et fais comme il a dit. Et si je peux t’être utile, tu n’as qu’à me dire ce que je peux pour toi. Je t’offre mon entière disponibilité. Et une seule chose m’intéresse : que mon cher tigre recouvre la santé.

Devant les arguments du lièvre, le tigre, saisi d’émotion, se mit à pleurer.

– C’est la première fois de ma vie que quelqu’un se fait si proche de moi. Merci à toi, frère lièvre. Si tu m’aides à recouvrer ma santé, je te donne la moitié de mes biens. Car, vois-tu, malgré la sécheresse, il y a encore à manger chez moi. Je suis le plus riche des animaux, tu le sais bien.

– Dis-toi que tu es guéri, et demande à ton guérisseur de passer ce soir te préparer la potion prescrite.

En sortant de chez le tigre, le lièvre alla voir son ami kangourou et le supplia de l’héberger. Ce dernier accepta. Et dès que le lièvre se retrouva dans la poche où le kangourou l’avait préalablement dissimulé, il lui enfonça dans le corps des aiguilles trempées dans du poison. A la tombée de la nuit, alors qu’ils étaient à quelques minutes de la maison du tigre, le kangourou perdit connaissance et trépassa. Le lièvre le transporta dans la maison du tigre. Ce dernier lui donna une grosse caisse d’argent. En sortant, il se retrouva nez à nez avec le guérisseur du tigre : le roi lion. Ce dernier bondit sur lui et le dévora sans autre forme de procès. Il ne soigna plus le tigre qui mourut quelques jours après. Il s’empara de tous les biens de son patient. Il s’assit dans son fauteuil et s’endormit. La fourmi qui était venue saluer son ami le tigre, eut un serrement au cœur en voyant son cadavre et le lion dormant dans son fauteuil. Elle sortit et revint avec toute sa famille et elles s’engouffrèrent dans les narines du lion et se répandirent dans sa robe. Quelques minutes plus tard, il rendit l’âme, lui aussi.

RICARDO AKPO

 

  1. Très émouvant. Leçons à tirer :

    ==>Ne jamais faire preuve d’ingratitude; si le #lièvre était reconnaissant vis_à_vis du #kangourou,il ne l’aurait jamais assassiner.

    ==>Ne j’ai jamais trahir,si le #lièvre n’avait pas trahis son ami le #lion,ce dernier ne l’aurait pas tuer.

    ==>Ne jamais être méchant est ce qu’il faut également retenir car si le lion ne l’avait pas été,il n’aurait tuer son patient le tigre,de même il ne serait pas tué par la famille FOURMILLE.

    • Bell BADJOGOUNME, belle analyse. Le mal est une spirale. Il vaut mieux s’en éloigner