Être une femme et n’avoir jamais eu de retard menstruel : une cruelle expérience dont Lydie Biby MEGHUIOPE, auteure du roman « Ma beauté… ma souffrance !« , responsable des ressources humaines dans une entreprise et militante au sein d’une Association de Lutte contre les Violences faites aux Femmes(ALVF) nous fait le témoignage en 162 pages à travers une autobiographie éponyme qu’elle intitule Mackenzie… (Paris, Éd. Jets d’encre, 162 p.) Dans ce récit paradoxalement tragique et bienheureux, Lydie Biby peint la douleur qui  hante les femmes naturellement incapables de procréer et l’irresponsabilité congénitale et incurable de la gent masculine. Une fois encore, elle nous livre la douloureuse histoire de sa vie, ensoleillée par l’enfant que sa sœur a bien voulu lui faire.

Unique enfant à sa mère et très maternelle, l’auteure de Mackenzie… promet à sa grand-mère en route pour le pays des ombres de perpétuer la lignée en faisant beaucoup d’enfants. Pour faire cette promesse, Lydie se base sur sa jeunesse plutôt bien rangée pendant laquelle elle a gardé son corps aussi pure et digne que le temple du Seigneur. Lydie est une puriste, elle veut faire les choses bien, selon que le recommandent son éducation et ses principes. Alors, elle contracte un mariage par amour, mais surtout pour donner à la ribambelle de bouts de chou qu’elle compte accoucher, un foyer sain où grandir. Après cinq années passées à essayer de donner un sens à son mariage, le foyer de Lydie va voler en éclat, son partenaire n’en pouvant plus d’attendre que l’arbre porte le fruit pour lequel il existe. Doublement déçue, elle passera beaucoup de temps à faire le deuil de ce mariage qu’elle a appelé par la suite « une véritable erreur ».Mais sa soif d’être maman ne s’estompe pas pour autant. Alors elle se fera plus régulière à l’hôpital que les infirmiers. Très assidue dans la prise de ses cachets et plus que jamais regardant de son hygiène, Lydie ne néglige aucune piste et s’adonne aussi aux conseils de ceux qui lui recommandent la pharmacopée africaine.Pour que l’enfant vienne, elle a besoin de se construire une relation stable, ce qui s’avère être trop demandé aux différents affamés autant de sexe que d’argent qui jonchent sa vie sentimentale. La quarantaine sonnée, Lydie apprendra qu’elle ne pourra peut-être jamais faire d’enfant du fait d’une hormone alors insuffisante. Cette situation brise Lydie au point de faire tarir ses larmes.

Contrairement à Lydie, Michelle sa sœur a été insouciante pendant sa jeunesse. Quand a sonné l’heure de se caser, elle n’a eu droit qu’à une série de goujats plus irresponsables les uns que les autres. Mais à chaque déception tout comme Lydie, Michelle veut croire qu’il existe encore sur cette terre des hommes intègres, croyance qui lui donnera à chaque fois la force de s’engager à nouveau.  Après avoir donné deux enfants – dont elle a perdu le premier à la naissance du fait d’une négligence gynécologique – à un Médecin-Colonel marié, elle fera un enfant au frère d’une amie choriste. Quand elle tombera enceinte d’un ami à ses frères qui prendra ses jambes à son cou en l’apprenant, Michelle décidera de conduire cette ultime grossesse à son terme pour Lydie qui deviendra devant la loi et les hommes, la maman de cette petite fille merveilleuse qu’elle baptisera Mackenzie. Plus que toute femme qui a porté dans son ventre un enfant, Lydie sait décrire et comprendre un enfant, de son regard bénin à ses pleurs expressifs en passant par son sourire lumineux et chacun des mouvements de son corps. Devenue maman grâce à sa sœur, Lydie se sent revivre. Et elle prie pour sa fille, sa confidente, son rayon de soleil ; non pas pour qu’elle ne tombe jamais, mais pour qu’elle trouve la force de se relever à chaque fois. Convoquant des auteurs tels que Donald Winnicott et Fabienne Marsaudon, Lydie nous dit tout le bien qu’elle souhaite à cette enfant qui aura su la combler.

À travers cette autobiographie d’un style simple, fluide et digeste, Lydie Biby nous présente le ressenti d’une femme africaine condamnée à la stérilité et brisée par la cruauté des hommes. Frustration, déceptions, souffrances psychologiques et émotionnelles : des termes qui décrivent le quotidien de ces femmes qui doivent chercher ailleurs leur féminité et leur épanouissement que dans la maternité. De façon on ne peut plus directe, Lydie tire à bout portant sur cette race de chiens-porcs qui désormais se trouve dans les coins de rue, dans nos bureaux, dans nos vies, dans nos cœurs. Ce n’est qu’avec des couleurs ternes qu’elle dessine l’éternelle vulnérabilité des femmes de tout âge quant à l’idée de mariage. Consciente de sa petitesse et de ce que tout a été écrit par la même Main, Lydie prie pour que la volonté de Dieu se fasse.

Kelly Yemdji