L’ancien testament regorge de personnages dont les parcours de vie sont racontés un peu trop brièvement à mon goût. On entrevoit une partie de l’histoire d’un roi, un pan du parcours de tel prophète, un bout de l’existence d’une servante, reine ou prostituée, etc.

Il n’est pas toujours aisé de retracer la vie complète d’un personnage biblique sans que cela ne se transforme en dur labeur mental. Cela est particulièrement vrai pour ceux qui ont vécu dans l’ombre de figures illustres qui à elles seules se sont mérité un ou plusieurs livres.

Maintes fois, j’ai éprouvé de la frustration lorsque m’étant intéressée à des personnages, ils ont disparu aussi furtivement qu’ils étaient apparus. Combien de fois, pour me consoler, ne leur ai-je alors pas inventé une vie entière pour les faire subsister dans mon imagination ! C’est probablement la raison pour laquelle je me suis littéralement jetée sur cet ouvrage de Marek Halter dès que j’en ai lu le résumé.

Tsippora ! Le fait que le rôle de l’épouse du libérateur des hébreux ne se soit pas limité à circoncire leur fils cadet m’a plu. Il fallait que j’en sache davantage quand bien même j’étais consciente du caractère très romancé de l’histoire. Qu’importe ! J’aimais assez Tsippora pour la suivre dans un monde imaginaire.

Marek Halter décrit l’environnement avec force détails qui transforment la lecture en une véritable odyssée. On change rapidement de décor et d’époque pour faire corps avec le récit. On parcourt les champs, les montagnes et les vallées avec les différents protagonistes. On prend part au quotidien des bergers. La simplicité de leur vie nous attire et nous fait repenser la nôtre. Que de révolutions se sont faites pour qu’on en arrive à notre monde contemporain !

L’histoire se passe en terre madianite. Jethro y est berger et prêtre. Il vit paisiblement avec ses trois filles dont Tsippora, une kouchite abandonnée par les siens et qu’il a recueillie. Il l’aime comme si elle eut été sa véritable fille. On se laisse attendrir par l’amour inconditionnel de ce père pour sa fille qu’on devine très vite être sa préférée. Toutefois, une des filles de Jethro supporte mal cette situation et use de subterfuges pour lui mener la vie dure. Alors, notre sens de la justice nous pousse instinctivement à prendre le parti de Tsippora et à l’aimer encore plus que pour ses traits de caractère. Car Tsippora est belle, intelligente, aimante et travailleuse. Le lecteur est donc particulièrement ravi lorsque le beau et fort Moïse se prend d’amitié, puis d’amour pour elle, alors qu’en face de lui se trouve sa mégère de sœur qui fait des pieds et des mains pour attirer son attention. En vain, heureusement ! C’est Tsippora que Moïse aime, le sentiment est réciproque. On aime le jeu de séduction entre les deux amoureux. Les regards furtifs ou appuyés, les charmes discrets, les indifférences feintes, etc.

Altruiste et défenderesse des droits et libertés, Tsippora se soucie du sort que Pharaon fait subir aux hébreux en Égypte. Elle encourage son homme à aller les délivrer, démarche qu’il finit par entreprendre avec elle à ses côtés.

Mais une fois en Égypte, Myriam et Aaron, frère et sœur de Moïse voient cette union d’un très mauvais œil. Comment leur frère peut-il accorder autant d’importance à une étrangère, une kouchite de surcroît ! Tsippora doit affronter la félonie féminine, mais c’est une femme de caractère que notre héroïne. Elle ne se laisse pas démonter pour si peu. Elle a de la détermination à revendre. Elle soutient donc son mari et continue de le conseiller, n’en déplaise à sa belle-famille. On imagine aisément la profondeur des sentiments de Moïse à son endroit puisque, bien que tiraillé, il brave tout de même sa famille pour demeurer avec l’élue de son cœur.

Moïse profite de son séjour en terre égyptienne pour revoir une personne particulièrement chère à son cœur. Cette rencontre ne se fait pas sans danger puisqu’il est activement recherché par l’armée de Pharaon. Le cœur haletant, on le suit dans cette dangereuse aventure, déjouant habilement les pièges de l’ennemi.

La libération du peuple d’Israël suscite tribulations et trahisons. Heureusement, grâce à certaines personnes loyales telles que le jeune Josué, les sacrifices quoique très coûteux ne seront pas tous vains.

Cette lecture très intéressante en suscitera probablement une autre chez le lecteur. Ce fut mon cas. Aussitôt le roman savouré, je me suis empressée de lire le livre de l’Exode pour faire la part des choses entre le roman et le récit biblique, mais surtout pour m’imprégner davantage de cet illustre personnage que fut Moïse.

Tsippora reste certes un roman, mais il a le mérite de  nous faire revisiter certains thèmes récurrents de la condition humaine, l’amour, la séduction, la voix de l’épouse, l’altruisme, la loyauté, la jalousie, la trahison, le racisme et la sempiternelle inimitié entre la femme et sa belle-famille. À travers l’histoire du peuple d’Israël dépeinte par Marek Halter, c’est un large tableau de la vie qui nous est offert.

Annie-Josiane SESSOU