« Une vie de boy » de Ferdinand Oyono, disons-le avant tout propos, est une œuvre excitante dont on pourrait deviser à longueur de journée. L’ouvrage paraît pour la première fois aux éditions en 1956 Julliard. Mais dans le cadre du présent travail, nous avons utilisé l’édiction réalisée par EDICEF en 2011.

« Une vie de boy« , relate la vie d’un jeune noir du nom de Toundi Ondoua baptisé Joseph par son bienfaiteur et vénéré maître, le père Gilbert. L’œuvre est constituée de deux cahiers laissés par Toundi. On y rencontre des thèmes tels que : la colonisation, l’arbitraire, la violence, l’injustice, l’infidélité conjugale, la solidarité, la religion, la ségrégation raciale, la haine, la méchanceté gratuite,  etc.

Révolté par le système éducatif de son père, Toundi fuit du cercle familial pour se réfugier à la mission catholique Saint-Pierre de Dangan administrée par le révérend père Gilbert. Recueilli par ce dernier suite à la fameuse bastonnade que son feu père comme d’accoutumée, aurait tenté de lui infliger pour lui arracher ses talents de gourmandise,  Toundi y exerce les fonctions d’enfant de chœur et de boy tout en apprenant à lire et à écrire. Élevé par ce père blanc qu’il affectionne beaucoup et qu’il appelle à dessein « mon bienfaiteur », il a pris, à l’instar de son maître, l’habitude de tenir un journal. Mais la mort du Père Gilbert lui fera quitter la mission catholique pour la résidence du Commandant, Robert Decazy, où il servira comme boy. Rien n’échappe à ses observations, il enregistre tout ce qui se passe dans le milieu des colons. Et ce sera la cause de ses malheurs.

Toundi découvre à la résidence du commandant, comme à l’église, que le noir est méprisé. D’abord estimé par son nouveau maître, Toundi connaîtra la traversée du désert et la descente aux enfers avec l’arrivée de madame Decazy. Ses malheurs commencent le jour où il a découvert l’infidélité de cette dernière avec Monsieur Moreau, un ami du couple. Devenant témoin gênant face à l’immoralité des blancs, Toundi est désormais la bête à abattre à tout prix.

« Une vie de boy« , fait partie des romans de contestation c’est-à-dire de dénonciation des tares de la colonisation. L’entreprise de Ferdinand Oyono a été largement au service de cette dénonciation. En effet, que ce soit à travers « Le Vieux Nègre et la médaille« , « Chemin d’Europe » ou « Une vie de boy« , c’est toujours la même marque de désaccord de l’auteur vis-à-vis de certains comportements répugnants et inhumains des Blancs. C’est le même style qui permet à l’auteur d’aborder avec une désinvolture déconcertante ces problèmes graves grinçants sur la société coloniale, les pratiques des colonisateurs et le système colonial dans sa globalité.  » Une vie de boy  » ou 《Une tragédie de Nègre》 devrions-nous dire, est indubitablement une œuvre à la fois pathétique, tragique et dramatique qui s’inscrit dans la catégorie des romans de révolte et de lutte anticoloniale. L’on ne saurait lire cette œuvre sans être sensible à l’humour noire de Ferdinand Oyono. Il suffit de lire les descriptions qu’il fait des blancs et des noms dont il  les affuble pour s’en convaincre : « Gosier d’oiseau ». Alors que TOundi était convaincu que ce sont les petits morceaux de sucre et de bonbons que distribuait le Père Gilbert qui l’ont attiré vers lui, ce dernier estimait que c’était l’œuvre de l’Esprit Saint. Ferdinand Oyono se joue du monde blanc qu’il met à nu et face à ses exactions. « Une vie de boy« , a le mérite de décrire les deux sociétés qui cohabitaient à l’ère coloniale : les riches et les pauvres. Les premiers sont les Blancs et les derniers, les Noirs piétinés sur leur propre territoire. Si la précarité et la misère sont le lot quotidien des Noirs torturés par les Blancs, le luxe dont ces derniers s’enivrent est aussi fait de luxure et de dévergondage. L’objectif ici est moins de s’apitoyer sur le sort nègre que d’éveiller les africains à une prise de conscience davantage aiguë de leur situation. L’avantage de lire et de relire « Une vie de boy« , réside en ceci que ce livre donne une certaine image du monde colonial. En outre, la qualité du style et la maîtrise de l’art de la narration qui ne sont plus nécessairement au rendez-vous dans nombre de livres publiés de nos jours, constituent un réel avantage pour qui se donne le loisir de lire « Une vie de boy ». Et au fur et à mesure qu’on évolue dans la lecture du livre et que l’étau se resserre au tour de Toundi, on se souvient de la prophétie de ses parents : « Ta gourmandise te perdra ». Mais plus fondamentalement, une question jaillit à la fin de la lecture des deux cahiers de Toundi :  » Le noir ne mènera-t-il qu’une vie de boy sous les bottes et la crosse de l’Occident ? »

Jospin YEDJENOU

  1. Magnifique description d’ouvrage!! Merci pour ce voyage dans le temps Mr YEDJENOU

    • Bonjour Joël DOHOU.Continuez de nous suivre. D’autres chroniques sont en route…