Bonjour les amis. Voici l’intégralité de la nouvelle de la semaine du  11 au 16 Septembre 2017 sur votre blog : « X Y » de Bill F. YOCLOUNON . Bonne lecture à tous et à chacun en compagnie de http://biscotteslitteraires.com/.

 

 

 

X Y

 

 

L’alphabet français contient vingt-six lettres. Monsieur Yindéssou et Madame Xavière se disputent juste pour deux d’entre elles.Aussi vrai que leur nom commence par Y et X, le couple se lorgne depuis des jours pour une question de X et Y. Ce matin, leur garçon ainé a surpris leur discussion pas très amicale ni consensuelle. Il rapporte ici les paroles et les actes :

M.Y : Tu sais chérie, des fois je regrette amèrement de t’avoir choisie comme élue de mon cœur à mes élections sentimentales. Je donnerais tout pour repousser le temps de quinze ans en arrière. Comme cela, j’aurais pris au sérieux la campagne sentimento-électorale de tes rivales de l’opposition à cette époque. Je regrette de t’avoir élue te permettant un K.O qui vaut aujourd’hui un chaos dans ma vie.

Mme X :Je suis habituée à tes blagues aux couleurs injurieuses. On appelle ça des railleries et des taquineries. A force de me les faire entendre chaque fois que je ne te donne pas ce que tu rampes pour demander, je me suis trouvée vaccinée et donc je préviens déjà mes sauts d’humeur.

M.Y :Et qu’est-ce que je demande en rampant déjà si ce n’est pas que tu quittes ma maison avec tes enfants afin que j’aille refaire ma destinée que tu as conjuguée à l’imparfait et au passé compliqué ? Tu veux que je rampe encore pour te demander cela maintenant ?

Mme X :Ce que tu viens de dire, on appelle ça de l’ironie. Je suis vaccinée aussi contre tes ironies et ta mère m’a toujours dit que tu excelles en cela. Si tu penses vraiment que je suis ton actuel rabat-joie, pourquoi n’attends-tu pas ce soir pour me le redire quand tu auras ce que tu demandes en rampant ? Quand tu seras en train de gémir de plaisir comme un gamin à qui l’on fait des papouilles ? Je crois que tu aurais le mérite d’attendre ce soir pour me qualifier. Tu es plus lucide la nuit après nos habituels voyages.

M.Y :Ce que tu dis, on appelle ça du détournement d’attention et de l’amadouement. Je suis assez averti et laisse-moi te dire que tu ne me feras pas dérouter aujourd’hui. Je suis fatigué de cette vie de couple que tu me fais mener depuis quinze ans. Je ne me sens plus homme, tu m’as usé et je me sens abêti. Dis-moi simplement que tu m’as faire boire un philtre. Sinon que je ne trouve rien en toi de spécial qui puisse me maintenir en couple avec toi.

Mme X :Je ne suis pas étonnée. Tu m’as toujours chanté les mêmes airs. Mais il est temps que je te chante les miens. S’il y a quelqu’un qui ait jeté un sort d’amour à l’autre, je crois dur comme fer que c’est toi. Sinon comment un homme du 21èmesiècle peut-il expliquer que moi, une femme intellectuelle, une diplômée de deux licences et d’un master de la période révolutionnaire, une fonctionnaire d’Etat sous le règne du gouvernement des compétences, comment expliquer qu’une telle femme élite, puisse se retrouver sous le toit trop modeste d’un meunier comme toi ? Dis-moi ! Tu es meunier d’enfance, je suis intellectuelle d’enfance, tu es meunier de jeunesse, je suis diplômée de jeunesse, tu es meunier de l’âge adulte et je suis fonctionnaire de l’âge adulte. Qui peut jeter un sortilège à quelqu’un pour obtenir son amour ?

 

 

M.Y : Ce que tu dis là, on appelle ça de l’intimidation. Tu exhibes ton CV pour me désorienter et me faire perdre mes arguments. Ma devise est simple et tu la connais : Meunier et fier. J’en suis fier parce que je suis intelligent. Au cas contraire, je n’aurais jamais su comment t’avoir dans ma chambre comme épouse. Je suis aussi courageux car j’ai eu la force de tenter ma chance en te faisant une drague que n’aurait jamais pu faire un jeune homme aussi intellectuel qu’il fût en ce temps-là. Je défie quiconque. Je t’ai courtisée de la plus belle des manières dans ma meunerie.

Mme X : On appelle ça de l’estime de soi et de l’orgueil. Qui te dit que personne ne m’avait servi une meilleure drague que toi ? Toi qui étais décoré de farine de maïs jusqu’à la tête ?

M.Y : Et pourtant tu as pu kiffer. Personne ne t’aurait courtisée comme moi ! Je le réaffirme. J’étais beau et très galant même en tant que meunier.

Mme X : Heureusement que tu as mis le verbe à l’imparfait, tu étais, tu ne l’es plus.

M.Y : On appelle ça de l’attaque à ma personne. Tu m’injuries pour m’affaiblir mais je suis assez intelligent. Et tu sais très bien que si je ne t’avais rapidement pas doté et volé en accordailles avec toi, tu serais encore là à tourner autour de ma meunerie en train de chercher un potentiel prétendant que tu ne trouverais guère. Je suis le libérateur et le christ de ton cœur : tu devrais me louer avec des cantiques d’action de grâce chaque matin au lever et chaque soir au coucher. Ce serait une bonne prière de ta part. Mais je t’en épargne parce que je connais la miséricorde. Tu n’as pas besoin de me dire merci.

Mme X : Tu sais ? Chacun de nous a ses forces et ses temps forts. Ce matin, tu as la bouche très inspirée et semblable à l’arrière d’une poule. Tu en profites pour me bombarder de tes horreurs tout juste parce que la nuit d’hier, mon corps ne s’est pas porté favorable à tes désirs quotidiens. Demain ce sera peut-être mon tour. Non, ce soir est tout proche, ce sera sûrement mon tour d’être inspirée. Tu vas beaucoup ramper, je t’avertis.

M.Y : On appelle ça de la fuite du contexte de débat. Tu fuis le débat et c’est un hors-sujet, madame l’élite.

Mme X : Ton inspiration me séduit toujours. Mais tu dois peut-être te rendre à l’évidence que je suis le pilier de ce foyer. L’électricité, c’est moi ! L’eau, c’est moi ! La nourriture, c’est moi ! Les fournitures et les besoins des enfants, c’est encore moi ! Tu as été capable de me courtiser jusqu’à me marier mais tu n’as jamais été capable de me nourrir, de te nourrir ni de nourrir tes trois enfants. Tu n’as fait que ramener de ton pauvre boulot de la farine de maïs volée dans les kilogrammes des clients. Tu pèches et tu nous as fait longtemps participer à ton péché de vol.

M.Y : Et maintenant je désire corriger mes torts et me repentir de tous ces péchés en te libérant. Tu peux sortir de ma maison parce que tu ne m’as apporté aucun grain de bonheur dans ma vie de mari. Je ne veux plus vous faire participer à mes péchés, ni toi, ni tes enfants. Sortez !

Mme X : Tu mourras de faim et de manque de plaisir. Tu es un frère en humanité et Dieu nous demande de nous aimer les uns et les autres. Pour cet amour, nous resterons ici pour te nourrir.

M.Y : Quelle nourriture, bon sang ?! Avec de l’eau chaude sucrée et coloriée chaque matin, du riz trop compact après la cuisson et inondé de sauce manche longue à midi, de la pâte avec de grosses boules le soir, c’est cela que tu appelles nourriture ? Non c’est pour ce mensonge que j’exige encore ta sortie de cette maison sans préavis….

La femme se tut et laissa un silence de questionnements posséder toute la chambre. Elle était à court d’arguments et de démonstrations pour ramener son homme à de meilleurs sentiments. Une idée hasardeuse la conduit vers le guéridon sous lequel il y avait des albums photos consultés par la poussière. Elle saisit deux albums qu’elle alla nettoyer au dehors. Son mari la surveillait des yeux pour anticiper ce qu’elle voulait faire.

M.Y : Où va madame avec les albums ? Quand on renvoie quelqu’un sans préavis, ça veut dire qu’il ne ramasse rien pour sortir. Venez ici déposer les albums, il y a mes photos dedans.

Elle revient avec les albums plus propres à consulter.

Mme X :Regarde cette photo, tu étais plus calme et gentil. C’est toi ça, le vrai toi ! Tu disparais actuellement, on dirait. Va à ta propre recherche je t’en prie. Ne te perds pas !

M.Y : Je suis déjà perdu, tu m’as dérouté et j’ai perdu ma boussole. Je ne sais plus où je vais ni où je dois aller.

Mme X : Je sais où tu vas, suis-moi et je t’emmènerai.

M.Y : Quoi ? Moi, te laisser me conduire ? Tu es bien méchante, tu me conduis déjà vers ma perte, tu me feras échouer cette fois-ci au tombeau.

Mme X : Mais qu’est-ce que tu racontes ? Quel démon t’a possédé aujourd’hui ?

M.Y : Les démons de la femme qui se trouve devant moi en train de parler.

Mme X : Mais que se passe-t-il avec toi ?

M.Y : Ah bon ? Tu ne sais pas encore ? Tu veux vraiment savoir ?

Mme X : Oui je sais que tu me reproches autre chose que toutes ces insultes dont tu viens de me couvrir. Que se passe-t-il ?

Il la laissa au salon et alla appeler ses deux plus jeunes enfants dehors et appela l’aîné qui suivait toute la discussion depuis la chambre à coucher. Les trois enfants se mirent debout à côté de leur mère.

M.Y : Eh bien chère madame et ses enfants, il se trouve que vous faites véritablement ma honte !

Mme X : Comment ça ?

 

 

Il l’interrompt :

M.Y : Hé madame ! Tu vas me laisser finir. Il se passe que tu fais ma plus grande honte. On est ensemble depuis quinze ans et toi tu ne fais les choses que de la même manière. Mon père est considéré dans mon village comme un homme riche parce qu’il a eu ce que moi je n’ai pas encore. Ma mère est vue comme une bonne épouse, parce qu’elle a eu ce que toi tu ne veux pas avoir. Parmi tous mes frères et sœurs, je suis le seul malchanceux ou le seul idiot ayant pris une femme qui n’a jamais su et ne saura plus jamais comment lui donner le bonheur entier. Il y a quinze ans tu m’as donné ce garçon avec de gros yeux comme les tiens ; tu as préféré le nommer Yémalin. Il y a douze ans, tu m’as mis au monde un garçon qui est parti dans l’au-delà deux jours après ses premiers cris. Il y a dix ans, tu as donné vie à ce garçon ici présent que j’ai nommé Essɔlèwa. Il y a quatre ans tu me donnes encore un couillard que tu as nommé Vignon. Tu sais, quand je repense à tout cela, je me sens impuissant et très en colère. Je ne comprends pas comment une bonne femme peut mettre au monde rien que des garçons en quatre gestations ? Je ne comprends pas et je ne veux même pas comprendre. J’ai désormais peur de t’enceinter une cinquième fois pour que tu me donnes encore un quatrième gosse. Non c’est impossible. Dans ma lignée, toutes les fratries sont mixtes. Toi, tu es née sûrement d’une famille homosexuelle si je n’abuse. Je ne peux plus accepter cela car tu fais ma honte. J’ai besoin d’une fille dans mes enfants et je ne veux plus prendre ce risque de croire que tu me la donneras prochainement. J’ai donc pris ma décision : tu prends tes enfants et vous sortez de ma maison avec votre poisse. Je vais prendre une autre femme et quand elle me donnera au moins une fille, je vous ferai moi-même appel de revenir. J’ai fini et je ne reviens plus ma décision !

La femme déclencha soudain un rire bruyant à déboucher les oreilles d’un sourd. Les enfants contaminés par ce rire maternel, l’imitèrent. L’homme s’éreinta et voulut intervenir par la force quand madame prit la réplique :

Mme X : Stop, monsieur le meunier ! Haha, je vais rire toute cette matinée c’est sûr !  Les enfants, allez-vous occuper, j’ai quelque chose à expliquer à votre papa.

 

 

Ils s’en allèrent en prolongeant leur rire. Yémalin se réfugia derrière la porte de la chambre pour mieux suivre la suite de l’épisode. La femme continua :

Chéri, je ne veux pas me moquer de toi devant tes enfants. Ton métier est la seule cause de tout ce que tu as pu raconter dans ce discours vide et dépourvu de sens. Mais je vais corriger ton tir et tu vas comprendre. Estime-toi heureux d’être tombée sur une femme intellectuelle comme moi ta femme. Quant à moi, je m’estime heureuse parce que Dieu a créé la femme avec l’homozygotie. C’est sûr, tu ne comprends encore rien et tu ne comprendras pas grande chose parce que tu n’es pas allé à l’école comme moi. Tu sais, j’ai fait les cours de biologie en classe de terminale. La femme a une paire de chromosomes sexuels identiques nommée XX et vous les hommes vous en avez une paire non identique, XY. Et lors des relations sexuelles, la femme ne libère qu’un X alors que l’homme a la possibilité involontaire de libérer soit un X soit un Y. Quand l’homme libère un X fusionné au X de la femme, l’enfant qui nait est une fille. Mais quand l’homme libère un Y fusionné au X de la femme, c’est un garçon qui nait. Si monsieur Yindéssou n’a donc que des garçons dans sa progéniture, ce n’est ni la faute de sa femme, ni de l’organisme de cette dernière. Il n’y a que les illettrés comme toi qui puissent penser de la sorte. Si donc tu n’as que des garçons jusque-là, c’est parce que tu ne libères jamais ton chromosome sexuel X. Si vous n’avez rien compris de tout ce résumé d’un chapitre de mon cours de biologie terminale, je vous appellerai cher sieur, mon professeur de biologie ; il est bien vieux maintenant mais il pourra mieux vous l’expliquer. La balle est uniquement dans votre camp. A vous de jouer.

Elle se dissimula dans la chambre à coucher avec une crise de rires qui laissa son mari perplexe, désabusé, plus que honteux et ignorant.

M.Y : Tout ce que tu viens de dire, on appelle ça l’art de vaincre sans avoir raison.

Dis-moi plutôt que c’est parce que ton nom a une initiale en X et le mien, une initiale en Y qu’on ne libère que les X et Y. Je trouverais cette hypothèse plus fondée et proche de la vérité. Jamais je ne, permettrais à Yémalin, mon garçon ainé de prendre une femme dont le nom débute par un X. Ils ne feront que des garçons. Plus de couple XY dans ma lignée.

 

Fabrony Bill YOCLOUNON