Chers amis, Biscottes Littéraires vous propose pour cette semaine, une étude plus ou moins détaillée du livre Le lion et la perle. Allons ensemble à la découverte de ce livre de Wolé Soyinka.
Introduction
L’Afrique s’identifie par des réalités socioculturelles qui définissent sa civilisation. Mais la colonisation et son école ont créé chez beaucoup d’Africains la perte de leur identité culturelle. On pourrait oser dire que plus rien n’est comme avant, l’Afrique n’est plus l’Afrique authentique. Les valeurs sont foulées au pied, les coutumes désacralisées, les us « démythologisées », des civilisations diabolisées, la vie elle même dévitalisée… Le constat est amer. La désolation est grande. Le cri de révolte se fait automatique et instinctif… De tout cela, à travers son ouvrage « Le lion et la perle« , Wolé Soyinka rend compte avec l’ironie et la franchise qu’on lui connaît, et même qu’on ne lui connaît pas toujours…
Un mot sur l’auteur :
Wolé Soyinka est un écrivain nigérian. Il est né à Abéokuta le 13 juillet 1934. Ecrivain engagé, il est l’auteur de la tigritude, qu’il oppose à la négritude des Césaire et Senghor. Il s’est essayé à tous les genres littéraires. On lui reconnaît une immensité d’œuvres dont:
Le Lion et la perle (1958) qui dépeint la vie de villageois ordinaires sur un mode humoristique ;
La Danse de la forêt (1960), écrite en l’honneur de l’indépendance nigériane, la comédie
Les Tribulations de frère Jéro (1960) ;
La Route (1965) qui met en parallèle accidents de voiture et forces divines et la satire politique ;
La Récolte de Kongi (1965).
Suivent Un sang fort (1966) qui prend pour figure centrale le bouc émissaire ;
Fous et spécialistes (1970) qui évoque la guerre du Biafra ;
Bacchae (1973), transposition en Afrique des Bacchantes d’Euripide ;
La Métamorphose de Jero (1973) ;
La Mort et l’écuyer du roi (1975) ;
Opera Wonyosi (1981) s’inspire de L’Opéra de quat’sous de Bertolt Brecht.
Soyinka est aussi l’auteur de nombreux recueils de poésie et de romans comme :
Les Interprètes (1965), satire féroce de la société nigériane pleine d’humour et d’ironie.
Une Saison d’anomie (1973)
A propos de l’œuvre.
Le lion et la perle appartient au genre dramatique (théâtre). L’image de la première de couverture est biscornue, avec l’utilisation des couleurs noir, rouge et jaune. Le noir indique le contexte sombre dans lequel se passe la scène, les idées machiavéliques qui attendent le lecteur. Le rouge évoque le conflit, le danger entre traditionnalistes et modernistes. Quant au jaune, il évoque le contexte joyeux dans lequel l’histoire se termine, ou aussi le courage.
Structure dramatique de l’œuvre
La scène se déroule à d’Iloujinlé, un village Yorouba, au Nigéria occidental. La pièce est en trois actes, correspondant en trois étapes de la journée.
Acte I (Au matin) : nous avons la demande en mariage de Sidi, la perle de la pièce, par Lakounlé, l’instituteur (pp 7 à 27)
Acte II (A midi) : Sadikou, la première femme du roi informe Sidi de la volonté de son mari de la prendre pour épouse. Elle avoue aussi son échec à Baroka, qui prétend être devenu impuissant. (pp 29 à 42)
Acte III (Le soir) : Sadikou révèle le secret du roi à la jeune Sidi qui tombe dans le piège. N’étant plus vierge, Sidi se marie avec le lion sans dot (pp 43 à 78).
Bref résumé du livre
Dans le village d’Iloujinlé, Sidi, la beauté du village est demandée en mariage par le jeune instituteur Lakounlé. Mais elle refuse, car Lakounlé ne veut pas payer la dot. Une pratique que l’instituteur trouve désuète et inutile. L’amour seul devrait suffire, selon lui. Dans le même temps, la vieille Sadikou, la femme principale du roi Baroka (le lion) annonce à Sidi, le désir de son mari le roi de la prendre en mariage. Mais Sidi refusa à cause de sa célébrité. Apprenant la nouvelle, le roi lui tend un piège en prétendant être impuissant, et fit promettre à Sadikou de garder le secret. Mais cette dernière, incapable de le garder, le révèle à Sidi. Elle se rend au palais pour taquiner le roi, mais à sa sortie, elle perd sa virginité. Lakounlé, apprenant la nouvelle, ne se voit donc plus en mesure de débourser la dot avant d’épouser Sidi. Il ne reste à cette dernière d’autre choix que celui d’épouser le roi.
Etude des personnages
Sidi : C’est elle l’objet du livre. Lakounlé a désiré l’épouser. Traditionnaliste pure, elle ne veut pas rentrer sous le toit d’un homme tant que ce dernier n’aura pas payé la dot. C’est pour cela elle l’exige à Lakounlé. Malheureusement, son ambition et son égoïsme finissent pas la trahir, car elle va épouser le roi sans justement la dot.
Lakounlé : le prétendant de Sidi, instituteur de son état, il ne comprend pas qu’on tergiverse encore devant certaines réalités, surtout en ce qui concerne le mariage. Il est contre la dot. Façonné par l’école occidentale, il s’oppose à la tradition sur certains points. C’est un moderniste.
Baroka : le roi du village. C’est lui le lion. Homme traditionnaliste et très rusé, il réussit à prendre Sidi des mains de Lakounlé. Il utilise son titre de roi pour désirer ce qu’il veut. Il est polygame.
Sadikou : c’est la femme principale du roi. Elle réussit à faire épouser au roi Sidi. C’est un genre de femme traditionnaliste qui pense que l’homme peut prendre plusieurs femmes.
ETUDE DE QUELQUES THEMES
La modernité : Les conservateurs rejettent tout progrès, par peur de perdre les privilèges et les modernistes veulent effacer toutes les traditions. Lakounlé, trouve dégradantes certaines pratiques traditionnelles, et ne comprend pas trop, pourquoi il faut imposer la dot, quand on sait que l’amour est déjà présent.
La tradition : Fondement de nos ancêtres, elle est incarnée par le village d’Iloujinlé à travers le roi et sa femme Sadikou. La dot constitue aussi l’autre élément important de la dot. C’est une pratique séculaire, qui a toujours son importance. C’est un signe de respect vis-à-vis de la belle famille.
L’amour : ce sentiment si noble et affectueux, ressenti depuis les entrailles pour quelqu’un se retrouve partagé entre Lakounlé et le roi pour Sidi. Quand on aime, on est prêt à tout pour avoir ce qu’on veut. Le roi l’a compris et passe par la ruse pour posséder Sidi. Quant à Lakounlé, malgré son amour pour Sidi, il n’a pas voulu payer la dot, car amour et dot font deux choses différentes selon lui.
Conclusion
Le lion et la perle est une comédie de mœurs, une pièce satirique vis à vis de certaines de nos réalités traditionnelles. En effet, l’homme traditionnaliste est accroché à certaines valeurs qu’il ne veut pas perdre, et le moderniste ne l’entend pas de cette oreille. Pour lui, les choses ont suffisamment évolué et pour cela, certaines pratiques soient ignorées, mieux supprimées. Comme, Birama dans Sous l’orage de Seydou Badian qui affirme : « Tout change et nous devons vivre avec notre temps », ils sont aujourd’hui nombreux à s’opposer ouvertement à ces pratiques. Virginie dans La secrétaire particulière de Jean Pliya affirmait aussi à propos de ces pratiques, qu’elle juge dégradante : « Si mon mari veut payer la dot, je refuserai tout net ». Mais au fond, à y réfléchir, les jeunes qui se disent modernistes, pour avoir goûté un peu à l’école étrangère feraient mieux de comprendre que « Le séjour d’un arbre dans l’eau, ne le transforme pas en crocodile ».