A toi qui t’en vas… : Un panaché d’émotions.

A toi qui t’en vas… : Un panaché d’émotions.

Est-ce une lettre d’amour tardive? Qui s’en va? Et pourquoi ? Est-ce une déclaration d’amour à son âme sœur qui décide de s’envoler comme un aigle? Si c’est un chagrin d’amour, « goumin » comme le dit un argot ivoirien, alors l’aigle s’est vraiment envolé. Mais qui est cet aigle? Pourquoi s’envole-t-il ? Tant de questions qui taraudent les esprits. Comme toujours l’amour reste et demeure présent dans nos relations quotidiennes. Que nous le voulions ou non, les affaires de Cupidon seront toujours au cœur de notre existence. C’est ce même amour qui est symbole de nos maux, nos peines, nos frasques, nos tribulations, nos afflictions, nos addictions, nos frustrations, nos déceptions mais aussi de nos joies et notre bonheur. Chers lecteurs, prenez garde. A toi qui t’en vas est un panaché d’émotions. En plus de sourire, vous allez pleurer de rire mais je vous avertis déjà que la tristesse, la colère, les larmes vont vous envahir. Mais de quoi s’agit-il au juste? 

Il est question d’une œuvre atypique, d’un nouveau bébé qui fait ses premiers pas sur la scène littéraire béninoise. Parue aux éditions les Savanes du Continent en août 2021, cette oeuvre est écrite par Destin AKPO, un prêtre catholique. Alors là, la question prend tout autre sens. Vous vous demandez alors sûrement comment un homme de Dieu peut-il écrire une lettre d’amour ? Mais à qui? Bien maudit, qui pourrait détruire le pauvre petit cœur d’un prêtre? Cette personne ne craint-elle pas les malédictions du tout puissant? Vous vous dites déjà voilà un prêtre qui au lieu de lire sa bible, de sonder la parole de Dieu et de prêcher l’homélie et de partager l’hostie, tombe amoureux et adresse même sans gêne aucune, un message d’amour à son tourterelles. Mais les hommes de Dieu d’aujourd’hui, ce n’est pas la peine. Sacré prêtre. En tout cas, on ne lui a pas bien brisé le cœur. C’est bien fait pour lui. Ce qui est sûr, et ce dont nous sommes convaincus c’est qu’un écrivain est un magicien, des mots; un manipulateur d’histoires. On ne sait pas là où il va et d’ailleurs on ne le suit pas. C’est tout simplement un artiste.

Recueil de nouvelles de 149 pages, Destin AKPO, avec un style amusé, voire humoristique et sarcastique, pose le regard sur une société alambiquée où la méchanceté, la jalousie, la lâcheté, la déception, la trahison et la séparation sont devenues des modes de vie. Il comprend sept nouvelles tout aussi ravissantes comme Mona Lisa et très appétissantes comme Lolita avec des personnages fulgureux.

La blague qui ne fait pas rire, C’est quoi cette histoire ? Une blague qui ne fait pas rire? Si ça ne fait pas rire alors ce n’est point une blague. Mais qu’est-ce que j’en sais? Suis-je l’auteur? Tout ce que je sais, c’est qu’il est resté proche de notre quotidien et nous fait ressasser nos plus beaux souvenirs. C’est une histoire d’amour qui finit mal à cause d’une fameuse blague. Bref, ! Qui sont ceux qui se souviennent encore de leur enseignant du cours d’initiation CI? Nos enseignants avec leurs principes confus. L’auteur nous les rappellent : que ce soit la célèbre phrase « Les deux les deux bossent » ou le fameux slogan « Il a lâché, il a lâché! », défense nous en était faite. Dans nos classes à l’école, il y avait toujours un élève récalcitrant avec sa bande de pagailleurs. Le maître Ouistiti, lui, avait dans son viseur Awajijè. Une écolière malicieuse qui deviendra son souffre douleur. Il éprouvait une haine viscérale envers son écolière. Un soir, rendant visite à son écolière malade, Ouistiti se rend compte qu’il n’est rien d’autre que son….. Antan, lorsqu’on l’avait informé enfin, du fruit de ses résultats d’expérience jouissive sur autrui, il affirma que ce n’était pas possible et qu’il en était pas responsable. Mais en réalité, il blaguait. Mais comment peut-on blaguer dans une situation pareille? Cette blague ne fait du tout pas rire. Chères lectrices, cherchez bien ceux avec qui vous validez vos protocoles d’expériences sinon ils vous refuseront les résultats et se prévaudront d’en faire des blagues aussi stupides que nazes. Que ça rentre dans vos oreilles et reste dedans. C’est pour ça dans la nouvelle « Faut pas que ça va dormir dans tes oreilles et mourir dedans », l’auteur nous interpelle à mener des actions effectives dans la lutte contre l’immigration.

En plein vol, une forte discussion s’engage entre l’auteur et son interlocuteur. Notre interlocuteur inconnu raconte les tribulations qu’il a connues lors de son aventure en tant qu’immigré clandestin. C’est un récit intriguant, triste et qui suscite de la pitié. A la page 39, l’inconnu tout triste affirme: « Chaque policier piqua une femme du lot pour partir dans la brousse avec elle ». Vous demanderez comment après avoir vécu de telles souffrances, des humiliations inhumaines, comment un être normal serait encore tenté d’effectuer une nouvelle expérience afin d’atteindre l’Occident. C’est intriguant et décevant. Décidément nos frères ont signé un pacte d’amour entre ce phénomène mortel et leurs vies qui ne tiennent qu’à un fil. On appelle cela une passion amoureuse mortelle. C’est peut être de ça l’auteur traite dans Elle s’appelait Isabelle.

 Voilà une nouvelle qui parle d’histoire d’amour véritable entre deux personnes: Isabelle et Xwélété. Ces deux tourtereaux ont fait leur rencontre sur le banc du collège, précisément en seconde C. Y a t- il des élèves de la série C ici, parmi nos lecteurs? Si oui, vous risquez de faire du mal à l’auteur lorsqu’il écrit: « les vétérans matheux et physiciens, comme nous aimions nous désigner pour nous donner un peu d’importance, même si après ce titre ronflant dû à nos notes, nous devions aussitôt après, une fois chez nous, nous pencher sur l’insoluble équation de la faim ». Lorsqu’il finit par se mettre ensemble après de rudes études réussies, la vie leur assène des coups rudes. Mais, le couple encaisse et Xwélété ne manque pas de témoigner tout son amour envers sa bien aimée. Même le mot amour ne suffisait pour qualifier cet amour infini et immense. Et bonheur dans leur vie de couple lorsque celle-ci porte le fruit de leur expériences idylliques. Mais malheur dans la vie de Xwélété lorsque le nouveau-né et la femme quittèrent ce monde. Le voici désormais seul, sans rien, vide, et sans son Isabelle chérie. Que va t-il devenir? Tout ce que je sais, c’est qu’il était une fois dans sa vie, une femme et elle s’appelait Isabelle. Xwélété, était tout simplement impuissant face à sa destinée. Voilà un autre impuissant, le Polygame impuissant.

Polygame impuissant est la quatrième nouvelle du recueil. S’il est impuissant, pourquoi est-il alors polygame? Son troisième pied est- il défaillant? Cette histoire met le voile sur deux épouses qui partageaient le même mari, Mionkan. Deux femmes jalouses, aux caractères différents, Takanon et Kraaka étaient de farouches rivales. La signification de leur nom dit tout déjà sur elles, enfin si je me trompe. Stratégies, diplomatie, acrobaties, rage, ruse étaient leurs armes pour conquérir le cœur de leur Mionkan. « Cela t’apprendra, murmura Takanon dans son cœur, à prendre deux épouses. Il n’y a que les hommes pour ignorer que les profondeurs de la femme sont aussi alambiquées et ténébreuses que l’intérieur d’une corne de taureau. Autant cette dernière est tordue et ne dévoile jamais son intérieur, autant l’est le fond de ce que vous vous trompez à appeler le sexe faible ». Mais lorsque la jalousie excessive prend le dessus, la folie et la méchanceté s’installent. Qui fait du mal à autrui, se faire du mal à soi-même. Dieu n’est pas con disait quelqu’un. C’est ainsi que lorsqu’une d’elles a déployé une attaque contre l’autre, attaque générale contre la famille. Impuissant face à cette situation, son existence dansa comme une pirouette et partit en cendres.

Danse et cendres, voilà une nouvelle archétype de la vie de nos artistes qui côtoient la gloire et le succès mais qui souffrent amèrement. Il s’agit encore d’une histoire d’amour mais cette fois avec la danse. Alougba Axwayoo, belle à sa manière comme elle le prétend vient de connaître un succès fou dans le monde de la musique après avoir connu un échec alarmant dans son village.  Après avoir connu un succès fulgurant, Alougba avait désormais l’argent et la gloire mais souffrait silencieusement et s’abîmait intérieurement. Elle n’avait aucun homme dans sa vie. La roue tourne et le passé finit toujours par nous rattraper. Elle affirme dans un message « Derrière cette beauté et ce succès professionnel, se dresse un géant monument de solitude et de souffrance ». C’est dans une déclaration similaire, qu’un certain Konnar adresse un message d’amour à son bien aimé Peter Shi.

C’est le titre de l’avant dernière nouvelle du recueil. Qui est Peter Shi? Konnar à travers une lettre ressasse leur histoire d’amour. Amour qu’il regrettre et maudit désormais. Entre Peter Shi et Konnar, c’était l’amour parfait, un amour interdit. Tout allait si bien jusqu’au jour où Konnar lui adresse un message de rupture. Il l’accuse d’avoir détruit sa vie mais aussi d’avoir réduit à néant toute son existence. 《 J’ai pensé à toi aussi, Peter Shi, à défaut de te haïr. Tu as ruiné ma vie.》 C’est après l’avoir rendu épave qu’il a connu son vrai nom 《Kpètèshi》 qui n’est rien d’autre que ….. Quel coup. Le salaud !!! Au diable Peter shi, va t’en… Est ce donc Peter Shi qui v’en va? Eh bien, non! Mais c’est qui alors ?

 La toute dernière nouvelle À toi qui t’en vas… qui porte le titre même du recueil de nouvelles est un récit pas comme les autres. C’est une nouvelle unique et spéciale où un mentor rend hommage à son fils spirituel. C’est une histoire à travers laquelle un maître rend un vibrant hommage à son élève partit aussi tragiquement que mystérieusement. C’est un message d’amour qu’adresse un père à son fils décédé très tôt dans des conditions douteuses et douloureuses. Ainsi, tous nos doutes se dissipent. À toi qui t’en vas... est alors une lettre d’un prêtre à un de ses fils bien aimés. L’aigle qui s’est envolé alors est un de ses élèves préférés. Il s’agit de Christian FANOUDAN, séminariste brillant et très talentueux qui n’est rien d’autre que son ancien élève et fils spirituel, décédé avec son ami séminariste dans un accident de circulation. Cette nouvelle est une lettre qu’il adresse à son feu ami Christian. L’auteur écrit: « Bien cher frère Christian, Comment vas-tu? Tu sais, frère bien-aimé, je n’ai jamais prévu de te laisser cette lettre, car j’étais à mille lieues d’imaginer que des circonstances comme celle-ci m’y amèneraient. J’aurais plutôt bien voulu prendre la parole en des circonstances plus joyeuses, à ta messe de prémices par exemple… Tu vas beaucoup nous manquer, cher ami. Tu demeures à jamais dans notre cœur et dans notre mémoire. Paix à toi ! À toi qui t’en vas, mes hommages et ma reconnaissance! ».

À toi qui t’en vas… recueil de nouvelles exceptionnel, est un panaché d’émotions, un mélange de sensations qui montre que nous ne pouvons en aucun cas nous passer de l’amour. Destin AKPO est un jeune écrivain à la plume prometteuse. Avec son style spécial, sa touche unique, il démontre clairement qu’il est talentueux et peut convaincre tout lecteur. Il nous est faire retenir que nous devons être toujours responsable de nos actes et comprendre que c’est chaud partout. Partout, il y a le développement que ce soit en occident ou en Afrique. Y naître et y vivre est un défi et non un sacrifice. Cette nouvelle se veut être un plaidoyer pour les hommes mariés à travers Elle s’appelait Isabelle. Qu’ils soient dévoués et aimant comme Xwélété et aux femmes d’être spéciales comme Isabelle et non comme Foukam. L’épouse de Konnar qui après de longues années de ménage lui a avoué qu’aucun des trois enfants n’étaient de lui. Ah la femme. Elle ne comprend mieux qu’une seule langue. « Le craquement du billet ». En tout cas, chers lecteurs sachez choisir vos épouses. Sinon vous risquez de tomber sur des femmes comme Takanon et Kraaka. À toi qui t’en vas… est une lettre que nous adressons à toutes ces personnes parties de nos vies. Qu’elles soient ici bas ou en haut, nous leur témoignons tout notre amour. Christian, cette chronique est à toi, à toi qui t’en vas…

Jospin YEDJENOU

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