« Destin froissé »(3/5) Claude Kouassi OBOE
Dehors, la pluie continuait de tomber. Les gens s’étaient réfugiés sous les rares hangars qui ont résisté à l’opération de déguerpissement. Dans les rues, sur les pavés submergés par les eaux, il n’y avait pas une âme qui vive. Il ne faisait pas d’ailleurs bon de s’aventurer dehors, tellement il faisait froid et noir. Le seul distributeur national de courant remplissait merveilleusement son office en coupant l’électricité. Partout régnait une obscurité totale. Vu le contexte et pour des raisons de sécurité, Atamin-Vivi se leva et s’approcha d’Alida blottie contre la porte: – Ecoute, ma belle, il se fait tard, et avec cette pluie, je ne pense pas qu’il serait bon et prudent que tu rentres à la maison. Tu vas donc devoir dormir ici et demain, tu pourras aller au cours. Elle trouva réfléchie cette idée, mais une étonnante peur s’empara d’elle : « Et s’il me demandait de coucher avec…
« Destin froissé »(2/5) Claude Kouassi OBOE
La sœur d’Alida vendait des vêtements. Atamin-Vivi l’ayant appris, fit comprendre à Alida qu’il en était intéressé et qu’il serait heureux qu’elle lui en livre quelques-uns. Cette dernière, voulant aider sa sœur, accepta de rendre service à son professeur. Pour la première livraison, le professeur demanda que son étudiante lui apporte les vêtements commandés dans sa maison, dans un coin perdu d’Agla où les habitants disputent l’espace avec les crapauds et les moustiques. Alida se fit indiquer la maison et s’y rendit avec le paquet d’Antonin Atamin-Vivi. Ce fut aussi pour elle l’occasion de connaître la maison de son professeur. Toutes les autres les livraisons qui suivirent eurent lieu aussi à la maison, chez le professeur. Mais chaque fois qu’elle s’y rendait pour ses livraisons, le professeur ne manquait jamais l’occasion de lui dire qu’elle est belle, gracieuse, vraiment féminine, qu’elle a un beau corps, de belles jambes…. Le professeur…
« Destin froissé »(1:5) Claude Kouassi OBOE
Du haut de ses vingt-deux ans, Alida est de la catégorie de ces filles qui ne laissent personne indifférent. Teint clair, cheveux bruns, un visage angélique, elle est d’une carrure disons, femme canon. Avec son sourire envoûtant, il n’est point rare qu’elle constitue un sujet d’attraction pour ces nombreux jeunes de son quartier, surtout de sa classe. En 3ème année de Marketing Action Commerciale, elle fait la fierté de sa famille et de ses professeurs, surtout le trentenaire Atamin-Vivi Antonin. Quand on dit que les noms suivent les individus qui les portent, ce n’est pas toujours faux. Comment un homme peut-il s’appeler ainsi: Atamin-Vivi? ». Qu’est-ce que son aïeul avait fumé en choisissant pour sa descendance un tel nom? Atamin-Vivi? De toute façon, Antonin Atamin-Vivi était tellement obsédé par sa propre étudiante qu’il avait mis en demeure tous les garçons de l’université de converser, ne serait-ce que durant quinze secondes avec Alida…
«La première marche ratée»(5/5) Gildas ZINKPE
Je fermai les yeux quelques instants, convaincu vraiment cette fois que je remarcherais. Dès le lendemain, une charmante kinésithérapeute se mit à mon service. Nous faisions de longues heures d’exercice matin et soir. Cela m’harassait. Mais je tenais bon. Mes progrès tardèrent à venir. Dans la thérapie, quelque chose n’allait pas. Nous faisions de longues heures d’exercice mais ma thérapeute ne croyait nullement en moi. Elle faisait juste ce qu’on lui avait demandé de faire et je la sentais battue d’avance. Un soir alors que nous finîmes nos exercices, j’eus le courage de lui demander : Madame, croyez-vous que je remarcherai. Elle marque un long silence avant de dire : Votre cas est désespéré. Puis elle sortit. J’étais effondré. Je voulais tout arrêter. Rester seul jusqu’à ce que la mort m’emporte. Quand Sènami vint me rendre visite ce soir-là, ma mine était déconfite. Eh mon champion, qu’as-tu ? Laisse-moi tranquille. Même toi tu…
«La première marche ratée»(4/5) Gildas ZINKPE
Sènami. Que ne fut ma surprise? Celle que mon cœur n’a cessé de désirer se tenait là devant moi! Quand nos regards finirent par se croiser, un torrent d’émotion m’inonda, elle aussi probablement. A la fin de la cérémonie, je m’approchai d’elle, accompagné de ma femme. Quand je fus assez près d’elle, la gorge nouée, je lâchai : Sènami, c’est bien toi ? Oui, mon cher. Que fais-tu ici ? Lui dis-je. C’est ma fille qui se marie. Cicamè est ta fille ? Bien sûr. Elle s’étonna tout comme moi et fut davantage surprise que ce fût moi ce fameux patron de sa fille. Je compris à cet instant là que le destin m’avait fait un bon retour de bâton. J’étais à mille lieues de penser que celle à qui j’étais prêt à laisser l’œuvre de toute une vie était sa fille. Nous présentâmes nos familles respectives et échangeâmes nos contacts. Ce n’était pas le…
«La première marche ratée»(3/5) Gildas ZINKPE
Et la vie m’offrit cette chance d’une façon plutôt inattendue. Après le BAC, j’ai des études en architecture. Au terme de ma formation, j’ai ouvert un cabinet qui, en quelques années, s’était fait une réputation certaine. Ces années passées à concevoir des plans de bâtiments et à conduire des travaux de construction, m’avaient épuisé. L’âge avançant, je finis par engager une jeune et brillante architecte, Cicamè. C’était ma muse. Elle m’épaula dès son arrivée, fit preuve d’un esprit d’initiative incroyable. Elle était comme ma fille. Je ne tardai pas à lui confier de plus en plus de responsabilité dans le cabinet. Je savais désormais que quand arriverait le jour où il faudra me retirer, la relève était assurée. Je voyais en elle mon héritière dans ce métier, aucun de mes enfants n’ayant voulu embrasser la même carrière que moi. Cicamè n’était pas encore mariée quand je l’avais connue. Je rêvais…
«La première marche ratée»(2/5) Gildas ZINKPE
Mes copains me jalousaient quelque peu d’avoir autant accès à cette fille qui leur semblait une cité imprenable. Mais pour moi, elle était ma Sènami, ma complice de toujours. Les nouvelles hormones aidant, ceux qui se sentaient désormais hommes se jetaient à l’eau. Mais le refus qu’ils essuyaient était sans indescriptible. Je m’amusais un peu de tout ce manège. Bientôt, je fus soupçonné d’être la cause de ses refus et de son entêtement à n’accorder son cœur à personne. Certains me voyaient donc comme le propriétaire de ce cœur qu’elle ne voulait offrir à personne d’autre. Même certains professeurs n’hésitaient pas à nous taquiner sur notre probable lien amoureux. Les soupçons grossissaient, les regards soupçonneux devenaient de plus en plus persistants, et les blagues de mauvais goût nombreuses. J’étais perdu. Sènami comptait plus que tout pour moi, mais aussi précoce que je sois, côté cœur, c’était la première fois que…
« La première marche ratée » (1/5) Gildas ZINKPE
En ce dernier jour de classe, une joie indescriptible se lisait sur tous les visages. Malgré la pluie de ce matin-là qui rendait l’atmosphère quelque peu maussade, nous étions heureux de déposer pendant trois mois nos cahiers, de pouvoir enfin faire la grasse matinée, jouer et nous promener à longueur de journée. Cette ambiance bon enfant contrastait avec les sentiments qui animaient les rares d’entre nous qui ne savaient pas s’ils allaient en classe supérieure ou non. Qu’importe, leur mauvaise humeur ne pouvait avoir raison de la gaieté de la majorité. Des groupes d’élèves se formaient çà-et-là, conjecturant sur des voyages les plus improbables. Même ceux qui savaient qu’ils ne quitteraient pas le rayon de leur quartier, pouvaient rêver aller où ils voudraient. A beau mentir qui n’a point besoin de prouver ses dires. Certains se déchainaient sur la musique endiablée que vociférait la sono. C’était aussi l’heure pour les…
« Une journée dans la vie de Afokou » (4/4 ) Claude K. OBOE
Je m’endormis. Mais pendant combien de temps? Seul mon ventre et ses interminables gargouillis le savent. Quand je me réveillai, les meubles avaient rejoint leur place initiale. Une personne serait venue mettre de l’ordre dans la chambre. Mais qui ? Alougba n’était toujours pas de retour. Est-ce la faim qui me jouait de mauvais tours ou était-ce déjà la fin ? J’étais dans mes réflexions lorsqu’on frappa à la porte. Je partis ouvrir. C’était un enfant de la maison qui était venu me dire que ma femme était dehors et avait besoin d’aide. Je bondis dehors et faillis marcher sur un bébé qui s’amusait encore dans la cour à cette heure-là. J’avais même oublié de cacher mes os saillants avec une chemise. A mon arrivée, je restai bouche bée, incapable de parler. Le spectacle qui s’offrait devant moi me dépassait. Les larmes commencèrent à couler de mes yeux comme ces gens . J’étais au portail. Tout mon corps…
« Une journée dans la vie de Afokou » (3/4 ) Claude K. OBOE
Je restai de marbre. Elle en lut quelques passages et regarda fixement ma bouche qu’elle prenait plaisir à comparer avec la gueule du chien méchant de la couverture de son livre. Je ne réagis pas. Elle me sourit. Je regardai ailleurs. Elle toussa. Je me raclai la gorge. Elle cracha. Je la toisai. Elle ferma son livre. Je soupirai bruyamment. Elle remua la tête, puis remit son Johnny dans son sac. Je soupirai de nouveau. Un vent léger se mit à souffler. Je respirai à plein poumon. Je voulus me lever quand elle me tira par la manche droite et me fit asseoir. C’est alors qu’elle sortit de son sac un second livre, une Bible et ouvrit ensuite une large bouche puante pour me dire: – Comment t’appelles-tu ? – Afokou, madame; lui répondis-je. – Afokou quoi? Tu n’es pas un animal, quand même! m’avait-elle dit. Je la regardais avec dédain, et…