« Cupidon en guerre » (2/2) Léa Ovidio de SOUZA

« Cupidon en guerre » (2/2) Léa Ovidio de SOUZA

Le monde change mais on ne vit toujours pas avec son temps. Il y a encore en ce monde des conservateurs et je peux te dire que cela existe encore dans ma famille. On raconte chez moi qu’une de mes tantes avait perdu la vie par la faute de son mari de l’ethnie Adja qui la battait, l’affamait et l’enfermait. C’est au cours d’une bastonnade, qu’elle perdit connaissance et mourut. Depuis lors, ma famille se méfiait des Adja et nous interdisait de mener des relations avec eux. Ma cousine avait trouvé en Codjo l’amour de sa vie et pour rien au monde, elle ne voulait se séparer de son Roméo. Ils se voyaient en cachette. Mon oncle l’ayant appris, après remontrances, menaces et même bastonnades, dut la renier. Il lui coupa les vivres et refusa de solder sa scolarité du semestre 5-6. Se sentant désormais étrangère chez son père qui lui dit un jour : « Je suis ton père. Ou tu m’écoutes et tu demeures mon enfant, ou tu ne m’écoutes pas et tu ne l’es plus. Si tu ne te détourne pas de cette sale idée à sortir avec ce vilain de Codjo, tu sais ce qui t’attend : la porte et le portail sont ouverts. Je ne peux tolérer un tel affront chez moi. Si parmi tous les autres garçons de bonnes familles que je t’ai présentés ici, tu n’en trouves aucun qui plaise à ton cœur, eh bien ma fille, je suis désolé de te dire que je n’ai plus rien à foutre avec toi. C’est Codjo ou ma volonté. Tu as à choisir aujourd’hui même. Il n’y a pas deux capitaines dans un même bateau. »

Elle fondit en larmes. Devant l’insistance de son père qui attendait une réponse, elle lui dit qu’elle aimait Codjo, le premier garçon pour qui son cœur a battu et que même si elle le quittait pour un autre homme, elle ne l’oublierait jamais. Ce serait vivre jusqu’à la fin de ses jours un martyre intérieur. Après cette déclaration, son père lui asséna une paire de gifles sonore et menaça de la tuer si elle continuait de soutenir qu’elle aime ce fils maudit nommé Codjo. Ma cousine comprit qu’elle n’avait plus sa place chez son père. Et ce jour-là, elle quitta la maison en larmes. Alors que son père pensait qu’elle était juste sortie comme d’habitude, elle ne revint retourna plus à la maison. Elle entreprit de s’installer chez Codjo. Ils habitèrent ensemble pendant un moment. Ma cousine conçut.

Son père l’ayant renvoya sa mère. Ensuite il assigna Codjo en justice qu’il accusa d’avoir kidnappé sa fille. Le procureur, un ami de mon oncle se saisit du dossier. Le jour du procès, Codjo fut découvert mort dans sa cellule.

Ma cousine Perside ne connaissait aucun membre de la famille de Codjo. Elle était seule face à sa grossesse. Que faire ? Retourner chez son père ? Non. Le jour de l’enterrement de Codjo, elle fit une crise cardiaque et depuis deux mois, elle est dans le coma. S’en sortira-t-elle ? Sa mère, accusée par son mari de la soutenir dans sa désobéissance, dut vendre tout ce qu’elle avait pour payer ses soins. Elle s’est même vendue pour, après avoir contracté dettes sur dettes, juste pour sauver sa fille unique. Mais le cas de Perside empirait de jour en jour. Et son père est toujours campé sur sa position. Les médecins, à plusieurs reprises ont demandé à le rencontrer, mais, en vain. Faute d’argent, ma cousine mourra. Mon père a pris en charge certains produits mais la situation continue de se révéler délicate aussi bien pour Perside que pour son fœtus… Quand je pense que la famille est faite pour nous porter, et que choisir son compagnon de vie devait être une décision libre et responsable… Comment peut-on décider des choses du cœur à la place d’un autre ? L’amour prévient-elle ? Est-ce parce notre tante a mal fini que tous les Adjas sont mauvais ?

Ce matin, mon papa m’a réveillé alors que je discutais dans mon rêve avec Perside qui me demandait un service. Je l’ai vue tout de blanc vêtue, les yeux rouges de larmes. Elle était à genou devant deux tombes qu’elle nettoyait de sa robe. Elle n’avait pas fini de me parler quand surgit papa.

Actuellement, je n’ai qu’une envie : aller tuer mon oncle. Mais cela arrangera-t-il la situation de Perside ?

Pauvre cousine… Ton amour t’a tuée. Mais tu n’as pas à regretter ton acte. Tu as été courageuse et honnête avec toi-même. Merci pour cette preuve d’amour et de détermination. Si tu survis, tu vivras pour Codjo, le seul amour de ta vie. Si la mort ne t’épargne pas, tu le rencontreras dans l’au-delà, là où aucun parent ne t’imposera sa volonté.

Léa Ovidio de SOUZA

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