Laminé par la faim cet après-midi-là, je sortis de la maison sans savoir où j’allais en réalité. Mais tout ce dont j’étais sûr, c’est qu’il fallait coûte que coûte que je trouve quelque chose à manger. Ma femme, en partant au marché, ne m’avait rien laissé comme repas. Je ne sais même pas pourquoi, car ce n’est pas son habitude d’agir ainsi. J’avais toujours quelque chose à manger à mon réveil. Je ne savais pas si c’est parce que j’ai mis du temps à me lever contrairement à mes habitudes que j’ai eu autant faim. Une fois à la cuisine, du moins, ce qui nous servait de cuisine, j’avais fouillé un peu partout, dans les moindres recoins sans rien trouver. Même, le repas qu’on a préparé hier était fini. Aucune trace. On avait érigé la cuisine derrière la maison, en palissade. Il fut un moment, chaque fois qu’il il pleuvait, elle était inondée. De l’intérieur, malgré l’existence du toit, on pouvait parfois voir dans le ciel les oiseaux voler. La nuit, je m’amusais à compter les étoiles. Le toit n’était pas troué, oh non, mais les tôles étaient fatiguées, rouillées et au moindre coup de vent, le sol était jonché de débris. Plusieurs fois, j’avais promis réparer ce fichu toit, plusieurs fois aussi, j’avais échoué. On manquait d’argent pour manger, ce n’est donc pas dans le toit que j’engloutirais le peu qu’on parvenait à rassembler. Ma femme s’en plaignait souvent, mais elle non plus ne réussissait à résoudre ce problème. Un vrai problème, surtout en temps de pluie.
Une nuit, nous avions oublié de ranger les restes du repas avant d’aller au lit. Nous avions dormi profondément après avoir fait l’amour trois fois de suite. Mais je me rappelle que ce fut ma femme qui était pressée que nous allions au lit. Le lendemain, désolation, consternation et stress étaient les mots qui pouvaient traduire nos sentiments. La farine de maïs, chèrement acquise, formais une vase blanche sous l’eau de pluie. La casserole de sauce, était inondée, car le couvercle était renversé et l’eau y avait trouvé refuge, comme si l’intérieur de ma cuisine ne lui suffisait point. Chose extraordinaire, après réflexion, nous avions pris cette situation de façon positive. A qui irons-nous nous plaindre ? Nous avait-on obligés à ne pas être attentifs ? Ce jour-là, Alougba, ma femme, était restée à la maison avec moi. Je l’avais aidée au nettoyage de notre domicile. Nous venions de perdre, par cette pluie, une semaine de repas. Il fallait recommencer à zéro. C’était le détonateur qui nous avait stimulés pour réparer le toit. Aujourd’hui, point d’étoile ni oiseau quel que soit le moment de la journée ou de la nuit. Nous y restions même quand la pluie nous narguait. Plus aucune goutte ne s’amusait à nous rendre visite.
J’étais dans mes souvenirs quand mon ventre fit un bruit sec. S’il y avait un micro, je crois que tout le quartier aurait su que j’avais faim. Je mis la main dans ma poche. Rien. Je fouillai les poches de tous mes habits, toujours rien. Moi qui d’ordinaire, laissais des traces d’argent pour des situations d’urgence, je n’avais rien trouvé. Comment faire ? Je refouillais toutes les poches, habit après habit, avec minutie et grande attention. C’est d’ailleurs la première fois que je prenais soin de mes poches. J’en profitai pour en vérifier les longueurs, les profondeurs. Je les comparais, attendant un miracle, qui malheureusement ne vint pas. Très déçu de cette défaite, je rangeai à la va-vite mes habits en les entassant dans un sac, en attendant que Alougba les range plus tard. Un autre tas était déjà là et attendait. Je regardai l’heure à la pendule, la seule montre que nous avions dans la chambre. On me l’avait offerte à mon anniversaire. Le jour-là même déjà, elle était tombée. L’écran s’était cassé. Et pourtant, je l’installai là, car c’était le seul souvenir de cet anniversaire. Rarement je trouvais de l’argent pour remplacer la pile. Dès fois, la pendule reste deux à trois mois à la même heure, 12h16. Tous ceux qui venaient se moquaient, quand après avoir levé la tête, constataient et comparaient l’heure. Quel que soit le temps, il sonnait toujours chez nous 12h16.
Je sortis en effet de la maison telle une furie, espérant rencontrer une âme généreuse : un ami, un parent, ou quiconque pouvant me gratifier d’un sourire alimentaire. Rien. Je continuai de déambuler, le nez en l’air, un grand ouragan dans le ventre. Mes viscères qui s’échauffaient. Mon cœur qui battait plus fort et plus vite que d’ordinaire. La fatigue qui s’installait progressivement. Je ne fis pas attention aux enfants qui jouaient dans la rue. Pan!….
A SUIVRE…
Claude K. OBOE
Une de ces narrations qui vous laisse sur la jubilation d’une suite croustillante…et pan…..on saura si c’est l’impact du ballon sur la figure d’un ventre aux aboies ou si c’est une balle perdue d’un braquage en chute libre……
Une de ces narrations qui vous laissent sur la jubilation d’une suite croustillante…et pan…..on saura si c’est l’impact du ballon sur la figure d’un ventre aux aboies ou si c’est une balle perdue d’un braquage en chute libre……