« La plus secrète mémoire des hommes » de Mohamed Sarr ou la maturité scripturale d’un écrivain si jeune.

« La plus secrète mémoire des hommes » de Mohamed Sarr ou la maturité scripturale d’un écrivain si jeune.

Mais quel labyrinthe diégétique issu du génie artistique du grand Mohamed Sarr ! Tel est l’exclamation que poussera tout lecteur à la fin de son odyssée dans l’entrejambe de La plus secrète mémoire des hommes. Toutefois, de quoi parle-t-on dans ce livre qui fait en ce moment la une de l’actualité littéraire ? De rien et de tout. Du banal et du sérieux. De l’humour et de l’amour. De l’enquête de l’autre à la quête de soi. De la littérature et de sa puissance intemporelle. Bref, du tout-rien. La plume de Sarr n’est pas humaine, elle est tout simplement divine, raison pour laquelle il serait impossible de résumer son livre au risque de le tordre, de le transgresser, de lui enlever sa quintessence sinon sa raison d’être.

La plus secrète mémoire des hommes prend en embuscade tout lecteur qui s’y aventure dans un schéma tout aussi complexe que multiforme entre le réel et l’irréel, le passé et le présent, la fiction et la réalité. Tout se confond dans l’écriture de Sarr. Le duo que forme le lecteur et Latyr Faye, personnage principal du récit, sont chargés d’enquêter, de résoudre une équation à plusieurs variantes, de résoudre une énigme, de mettre la main sur T.C. Elimane, l’auteur de Le labyrinthe de l’inhumain, qualifié de « Rimbaud nègre » et dont le parcours rappelle étrangement celui du grand écrivain Yambo Ouologuem. S’aventurer dans l’odyssée littéraire que nous propose Sarr, c’est prendre le risque de se perdre, de se trouver, de se perdre à nouveau puis encore de se retrouver. Sarr se joue du lecteur. Il le téléporte du Sénégal en Argentine, de la France en l’Allemagne, lui faisant revisiter ainsi les plus grandes horreurs auxquelles l’humanité s’est prêtée en l’occurrence le colonialisme, le nazisme, la shoah, etc. Il est très difficile, voire impossible, de décliner la catégorie discursive du livre de Sarr qui, rappelons-le — ne craignons pas de le dire —, est un véritable chef-d’œuvre. Tout y passe dans La plus secrète mémoire des hommes. Polar, journal intime, roman d’aventures, roman historique, poésie et théâtre. Il faut le dire à haute voix, le livre de Sarr est un fourre-tout sinon un tout discursif où se conjugue une tonalité de thriller. C’est Corneille qui avait sans doute raison : « Aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre des années ». En effet, de son jeune âge de 31 ans Sarr écrit comme un ancien, un expérimenté, mieux un auteur vétéran si l’on en croit à la puissance et au plaisir que dégage son texte. Il ne fait nul doute qu’après lecture de La plus sécrète mémoire des hommes, le lecteur demandera encore et encore pour assouvir sa faim, à consommer volontiers de la soupe textuelle de Sarr chaque jour. N’est-ce pas peut-être là l’objectif de ce dernier, engager son lectorat dans une thérapie de lecture à travers un plaisir inextinguible dans l’acte de lire ? La plus secrète mémoire des hommes réinvente par là même l’acte de lecture qui se veut avant tout jouissif. Le texte de Sarr est puissant, tranchant et surtout réflexif. Chaque page questionne le lecteur sur son rapport fondamental avec la littérature. Quand on finit de lire ce livre, une question sursaute dans l’esprit : Et maintenant ? Peut-être Sarr remportera ou pas le prix Goncourt 2021 ?   Dans tous les cas, le talent du prodige sénégalais est plus qu’évident.

MONBLE AMATSIA KADEHE

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