« La poésie est courte mais son temps d’imagination est bien plus long », RAY THE PRINCE.

« La poésie est courte mais son temps d’imagination est bien plus long », RAY THE PRINCE.

Bonjour les amis. Nous recevons pour vous aujourd’hui, un écrivain camerounais, Ray Thé Prince : « Le paysage littéraire actuel au Cameroun se meuble en quantité mais pas en qualité. Je sais que ce que je vais dire va me valoir des ennemis mais je n’ai de haine contre personne, il faut juste qu’on se dise des vérités en face ; il y a plus de rédacteurs qu’il n’y a d’écrivains ».

BL : Bonjour Ray The Prince ! Nous sommes heureux de vous recevoir sur notre blog. Si on vous demandait de vous présenter en quelques mots, que diriez-vous ?

RP : Je suis Ray The Prince, descendant d’une grande lignée royale, passionnée de lettres et des langues.

BL : À votre jeune âge, vous êtes déjà éditeur. Qu’est-ce qui vous a motivé à vous lancer dans le secteur de l’édition ?

RP : Je ne me considère pas comme jeune (rires). Je suis un vieux hein ! Non pour rire. Disons que Georges Bastide a cette manie de parler de la jeunesse qui me plait. Il dit : « on peut être jeune à tout âge, on peut être vieux à tous les instants, car c’est en soi qu’on porte l’âge et non dans les papiers poudreux de la mairie. » Sauf que, partageant son avis mais n’arpentant pas dans le même contexte, je dirai que, je suis un « vieux-jeune », permettez-moi le néologisme.

Par ailleurs, pour ce qui est de notre implication dans le milieu de l’édition, c’est une décision commune entre mes confrères de LA JEUNE PLUME et moi. Je ne suis que la façade visible de l’Iceberg. Il y a Serthy Ayissi, Roland Roger, Théo (Le Griot), Espoir Mvele pour la relecture, la correction, la réécriture, Laure MaE (la distributrice), Paola Guemgne (La Directrice de l’Edition) et Sultan Ulcygne (Chargé de communication), et moi, pour la restructure.

Notre implication vient du fait que, étant à la base une association d’écrivains, nous avons essayé de nous faire éditer, mais les propositions de contrat qui nous étaient servies ne nous convenaient pas. Non seulement cela, mais aussi, nous avions constaté que les auteurs ne jouissaient pas, et c’est toujours le cas, d’un accompagnement de qualité auprès du public pour lequel leurs écrits sont destinés. Se servant de notre casquette d’agence littéraire, nous avons voulu faire d’une pierre deux coups : l’édition et la promotion. jusqu’ici, cela fonctionne plutôt bien, même si nous continuons de multiplier les stratégies et d’innover.

BL : Aujourd’hui vous êtes à la tête d’un groupe de jeunes dont la littérature est le partage. Parlez-nous de la naissance de cette association et des activités qu’elle mène sur le terrain.

RP : LA JEUNE PLUME ASSOCIATION est née le 01 décembre 2018 au sein des locaux de l’ENS de Yaoundé. A l’époque nous y siégeons dans une assez belle salle que nous avait allouée le Directeur de cette école en la personne du Pr Mbala Zé Barnabé, qui croyait en nous, et qui continue d’y croire. Notre association voit le jour du besoin qu’on a de marquer notre temps. Fatigués d’épouser les théories étrangères et surtout occidentales, nous avons voulu au départ créer un courant littéraire au nom du traumatisme, qui consistait à étudier les comportements des personnes jugées amorales et trouver le trauma, ensuite aider celles-ci à s’en débarrasser. C’est d’ailleurs dans cette optique que nos productions se rédigent. Non pas que nous justifions le mal, mais plutôt que nous essayons de faire comprendre à la société que, repousser des personnes qui auraient mal agi ou alors qui agissent mal, ne contribue pas à les changer, à les améliorer positivement. Il faudrait par contre, les approcher, les écouter, savoir déceler où se trouve le trauma et ce qui l’a causé, puis leur tenir la main pour les aider. Dans le même ordre de pensée, quelques de nos membres ont créé des courants littéraires associés à celui-là.

Serthy Ayissi a mis en place le SUBLIMISME, Espoir Mvele quant à lui a fait jaillir le MOTISME.

Concernant nos activités, elles sont de deux ordres : interne et externe. Nous faisons beaucoup d’activités internes suivant le chronogramme annuel fixé par les directeurs des techniques d’écritures. Ceux-ci comportent : la lecture, l’analyse, la critique, l’apprentissage aux techniques d’écriture et aux critères du genre, la déclamation, etc.

Pour ce qui est des activités externes nous animons à travers les ateliers d’écriture KIKO, des formations en écriture pour les plus jeunes pendant les vacances à Douala. Nous animons aussi sur notre page des activités d’apprentissage en ligne. Et pour finir, nous valorisons à travers des notes de lectures, ceux des auteur.e.s que nous aurons lu.e.s et qui nous auront marqués.

BL :  La Jeune Plume, association littéraire. La Jeune Plume, maison d’édition. Qu’est-ce qui a précédé l’autre ? Et comment s’organise-t-on en interne pour gérer les deux ?

RP : La première a précédé la seconde. Les postes dans l’association ne sont pas les mêmes à l’édition.

Dans l’association par exemple, LE GRIOT est SG, tandis que dans l’édition, il fait partie du Comité de lecture de poésie, mais aussi, il est l’un des relecteurs-correcteurs de l’édition.

BL : Vous êtes enseignant à la base. Avec une casquette aussi lourde comme celle-là sur vos épaules, comment parvenez-vous à joindre les « trois bouts », si nous pouvons parler ainsi ?

RP : Je dis merci à Dieu de m’avoir donné cette belle équipe. Pour rien au monde je ne changerai mes confrères. On peut avoir nos différends, mais c’est comme ça dans toutes les familles : on se querelle, on se tire dessus, on crie, on pleure mais on n’oublie pas l’idéal : la littérature. C’est grâce à eux que je suis encore debout et je profite de cette opportunité qui m’est offerte pour leur dire grandement merci d’exister.

BL : Étant donné que vous côtoyez depuis peu le monde de l’édition, qu’est-ce qui, de votre point de vue, fait que l’édition au Cameroun soit encore à la traîne ?

RP :  Que certains éditeurs arrêtent de se comporter comme des commerçants. Le livre n’est pas un secteur riche financièrement. Si vous plongez dans l’édition, faites le travail qu’il faut ou alors abandonnez ! Un livre ne meurt pas aux lendemains de sa parution, ça devrait être le début de sa vie !

Par ailleurs que le MINAC essaie d’encourager les acteurs du livre. C’est ce qui se prépare déjà à travers le pôle des arts littéraires, il ne manque plus que la concrétisation.

BL : Malgré ce constat sombre, nous constatons que les maisons d’éditions foisonnent dans l’espace littéraire au Cameroun. Ce que l’on observe c’est qu’il y a du bon et du moins bon. Qu’est-ce qui fait la particularité de la Jeune Plume ?

RP : LA JEUNE PLUME innove. Nous ne faisons pas que suivre la vague, nous ne sommes pas des « suiveurs du vent ». Nous aimons créer des contenus pour mettre en lumière nos auteur.e.s même si beaucoup reste à faire, le peu de moyens que nous avons, nous faisons le travail adéquat. Aussi, chaque livre est-il traité comme si c’était celui d’un de nos membres.

BL : À ce jour, combien d’auteurs la maison d’édition a-t-elle déjà publiés ? Et comment leurs productions sont-elles accueillies par le lectorat ?

RP : Nous sommes à 14 ouvrages publiés. Le public les affectionne tellement mais souvent plus, préfère les romans et les nouvelles.

BL : L’un des romans édité par la Jeune Plume est actuellement finaliste au Prix Orange du livre 2022. Comment avez-vous reçu cette nouvelle ? Et dans quel état d’esprit attendez-vous les résultats ?

RP : Sincèrement quand nous allions participer à ce prix, nous avions proposé deux auteurs. Je tenais à vous dire que moi-même en compagnie de Darren Bens, un de nos auteurs, avions participé à la 2e édition avec nos romans sans succès. Cet échec nous a permis de mieux reculer pour mieux sauter et nous ne sommes revenus qu’en 2022 avec Lorance-K avec son roman MAGUIA OU LE PRIX DE LA LIBERTE et Annette Kamga dans CHEMIN DOULOUREUX. Au final, c’est Lorance qui est passée.

La nouvelle m’est parvenue de vive voix par Anais Guhur en personne. J’étais très heureux. Je savais que son livre était de qualité, j’ai informé l’auteure et les autres membres de la maison, nous croisons les doigts pour qu’elle soit la lauréate, mais déjà, nous sommes fiers de ce parcours, il reste un des plus élogieux à notre palmarès.

BL : Entrons à présent dans votre univers littéraire personnel. À ce jour vous êtes auteur de deux livres dont un roman  « Confessions intimesd’une escort-girl » et une pièce de théâtre « Quatre tickets pour l’enfer ». Serait-il audacieux de dire aujourd’hui que vous êtes un bel exemple à suivre ?

RP :  Je marche sur les pas de ceux que je lis. J’écoute les conseils des uns et des autres. Je suis ouvert à tout apprentissage, j’en tire ce que je juge bon, mais surtout, je conserve mon identité. Alors, me prendre pour un exemple, oui ! J’en suis un. Je le revendique d’ailleurs, sans modestie aucune.

BL : Vous abordez dans votre roman une pléthore de thèmes, allant de la guerre dans les régions anglophones aux séquelles de la colonisation en passant par l’épineuse question de l’hermaphrodisme. À propos de ce dernier en effet, votre vœu était-il la déconstruction du mythe ou le tabou qui existe autour de cette maladie ?

RP : Entre autres oui ! Mais surtout, dès l’entame de mon incipit j’énumère 4 questions essentielles qui doivent conduire le lecteur et le changer ou du moins changer sa vision du monde vis-à-vis des personnes que je qualifie de « socialement différentes » et que les autres qualifient « d’antisociales ». Il faut toujours savoir d’où vient quelqu’un avant de s’empresser de porter sur lui un jugement. C’est ça mon objectif en fait.

BL : Quelle appréciation faites-vous du paysage littéraire actuel au Cameroun et en Afrique ?

RP : Le paysage littéraire actuel au Cameroun se meuble en quantité mais pas en qualité. Je sais que ce que je vais dire va me valoir des ennemis mais je n’ai de haine contre personne, il faut juste qu’on se dise des vérités en face ; il y a plus de rédacteurs qu’il n’y a d’écrivains. Parce que pour moi, il ne suffit pas de coucher 50milles mots sur du papier et se dire écrivain. Il faut du contenu. Les livres pullulent au quotidien, mais combien d’auteurs camerounais résidents pouvez-vous lire et relire avec appétit ? Pour pallier à cela, nous mettrons sur pied une très belle initiative que vous découvrirez.

BL : Qu’est-ce qui justifie, selon vous, que certaines maisons d’édition acceptent d’éditer des livres de certains jeunes qui n’en valent vraiment pas la peine au lieu de demander à ces derniers de se remettre à lire les grands auteurs et de s’instruire abondamment avant d’empoigner leur plume?

RP : L’appât du gain. Même s’il est vrai que tout métier doit nourrir son homme, il est aussi bien de savoir qu’il faut manger à la sueur de son front. Par contre, il y a aussi des auteurs impétueux qui se disent qu’après avoir édité ils seront reconnus comme Molière et aussi qu’ils deviendront multimillionnaires. Ils sont prêts à payer même des millions pourvu qu’ils soient édités. Ça aussi est tentant et peut induire en faut l’éditeur. Mais je pense que chaque éditeur consciencieux devrait songer à son image et au type de littérature qu’il veut construire pour son pays.

BL : Comment comprenez-vous la propension de plus en plus grande des jeunes pour la poésie où figurent parfois des textes inintelligibles où la grammaire élémentaire et les accords de base sont sacrifiés au profit d’une certaine quête d’esthétisme qui à la fin n’en est pas une?

RP : C’est de la paresse tout simplement. Certains se disent qu’écrire la poésie c’est juste quelques vers, de la rime et des strophes. Oh Dieu ! J’ai du respect pour les bons poètes. C’est un genre si complexes que je les vois pour des dieux, contrairement à ces jeunes auteurs qui choisissent la poésie parce que le volume des textes est moins loin. Ils oublient que la poésie est courte mais son temps d’imagination est bien plus long. 

BL : Vu votre parcours en tant qu’auteur et éditeur, dites-nous ce qui représente pour vous un livre de qualité.

RP : Un livre de qualité c’est :

  • Respect des canons
  • Imagination fertile
  • Syndrome du Booking page turner
  • Travail perceptible
  • Belle construction des phrases
  • Langage simplifié
  • Cohérence, respect de la pudeur, humanité.
  • Caractère digeste.

BL : S’il vous était donné de formuler un vœu concernant la littérature à l’endroit du ministère en charge de culture, que direz-vous ?

RP : Que le MINAC s’occupe de nous les orphelins. La musique occupe trop d’espace.

BL : Quels sont vos projets à court et long termes?

RP : La sortie de mon 3e ouvrage (un roman) dont les extraits figurent sur ma page d’auteur. Ça c’est pour le court terme.

A long terme, trouver des voies et moyens de propulser la littérature camerounaise au sommet.

BL : Quelles sont vos ambitions personnelles pour la littérature au Cameroun?

RP : Ça reste une belle surprise. On nous a déjà trop chipé de projets que maintenant nous préférons réaliser. Mais, d’ici là si tout va bien, nous comptons organiser un concours littéraire de qualité qui valorise le mérite et non les accointances.

BL: Votre mot de fin.

RP : Merci.

7 comments

Il est intéressant de savoir que la marche vers la qualité se poursuit bien… Le travail continue…

Le mot de fin en dit long sur l’humilité de l’homme…
Courage pour la suite 🤍
Un avenir fructueux pointe à l’horizon

Bel entretien, j’aime surtout les réponses proposées aux questions. Merci infiniment. Toutes les personnes qui aspirent à la littérature doivent le lire pour son auto-amélioration. Pour que le village soit propre, chacun doit balayer sa cour.

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