«L’amour m’a tuée»(3/4) BACHOLA Amoni

«L’amour m’a tuée»(3/4) BACHOLA Amoni

Rose avait quoi de plus que moi ? je me sais plus belle qu’elle ; et si tu penses le contraire c’est sûrement à cause de ses maquillages, de ces peintures qu’elle passe à la bouche, de ses laits de soins qu’elle est capable de se procurer grâce à l’argent de son père, ce riche politicien qui ne cesse de mentir au peuple lors des campagnes électorales et ne cesse de gruger, dévaliser et de détourner l’argent du pays. C’est ce que tu préfères ? Un beau-père riche mais gros menteur et voleur ? Et Rose, cette fille aux mœurs légères, dans des tenues très peu décentes et aux tresses très encombrantes ? C’est elle que tu choisis ?

J’aurais dû faire attention à tes regards toujours posés vers le bas. Ce sont ses cuisses laissées à découvert que tu contemples avec tant d’admiration et de satisfaction. Cela explique encore mieux tes jets de sourire sans la moindre blague de ma part. Cette fille, tu ne la connais pas assez ; et si je le dis c’est par ce que c’est vrai. Sais-tu combien de fois elle a déjà avorté ? La frivolité coule dans ses veines. Je me demande bien ce que tu lui as trouvé ; entre l’amour que je t’offrirai et le sexe, la frivole et dévoyée vie que tu mèneras avec elle ; tu n’as pas pu choisir le bon côté. L’amour est un atout très important dans toute vie, le savais-tu ? Et je t’en prie, ne pense pas que je la dénigre par ce que j’ai perdu la bataille. Je t’ai aimé et je t’aime toujours. C’est pourquoi j’ose mettre sur la sellette ma personnalité et ma qualité de bonne confidente. Je viens de te dire des choses devant rester entre deux copines de classe, entre elle et moi. Mais je ne m’en veux pas trop car, je l’ai fait pour ton bonheur.

 

 

Et comment pourrais-je oublier ce jour où par inadvertance, je suis tombée sur elle nue dans la galerie de tes photos…pouah ! Comment en êtes-vous arrivés-là ? Moi, je pleurnichais pour ton bien-être et toi tu te tapais ma meilleure copine. C’est quand même légendaire ta sale habitude. Quelle hardiesse ! Tous ces moments où elle manquait les cours, c’était donc pour des scènes de jambes en l’air. Or, moi je la défendais en classe, je me tenais responsable de ses mensonges, de ses alibis de mauvais état de santé et de convalescence au moment même où elle se faisait le luxe de me laminer le cœur en secret.

Mais je n’avais rien vu venir dans toute cette sale histoire. Si j’avais su tôt, je ne serais jamais venue chez toi ce 31 décembre soir.

Peut-être que c’est le destin qui m’est réservé. Des fois, il est préférable de prendre le malheur qui nous arrive pour le coup du destin. Puisque maintenant je n’y peux rien.

Et si Rose n’avait pas voyagé sur la France pour fêter la Saint Sylvestre avec sa grand-mère, c’est sûrement elle qui serait dans ‘’pain’’ actuellement. Mais, elle avait l’argent de ses parents, elle pourrait se tirer d’affaire. Vois-tu, elle et moi sommes deux filles du même âge, de la même génération, de la même classe, de la même société mais n’ayant pas les mêmes chances de vivre, de manger, de penser, de solutionner nos problèmes, d’être jugées ou d’être traitées. Il faut comprendre donc que nous ne sommes pas tous égaux sur terre. Il y aura toujours quelque chose qui nous différencie sur cette terre.

J’ai mal d’écrire tout ceci…j’ai mal de me rappeler ce jour où tu m’as déchirée, m’a connue. C’était ma première fois, vois-tu? Non, tu ne verras jamais. Qu’as-tu d’ailleurs jamais voulu voir ou savoir de moi?

Et pourtant ce sont ces souvenirs que j’emporterais avec moi. Ces souvenirs amers…

Si j’étais passée chez toi ce 31 c’était pour m’assurer que tu allais bien et que tu fêtais bien…en aucun cas, ce ne fut pas pour que tu me fisses la fête. Ma venue t’a réjoui et pour une fois je me suis sentie importante, très importante à tes yeux. Je n’ai pas pu douter de tes bonnes intentions. J’étais également éblouie. Tout avait l’air si beau entre nous. Les rires s’enchainaient, les clins d’œil se poursuivaient, nos gestes se comprenaient jusqu’aux moments où avec ta douce et tendre dextre main, tu m’empoignas avec un mouvement d’allée et venue doucereux sur mes jambes toutes éprises de la sensation que cela faisait. J’étais perdue, fiévreuse, frissonnante. Tu profitas de l’effet pour rallonger la sensation jusqu’au flanc de la belle jupe en soie que j’avais portée pour te plaire. A ce moment, je compris que ça finirait mal si je te laissais continuer sans agir. Alors, je me décidai à t’interpeller quand intérieurement fit en moi une voix: « peut-être c’est ce qu’il manque pour qu’il t’aime. Donne-toi à lui et il sera à toi. » Mais c’était plus fort que moi. Je ne puis garder cela. Il me fallait te prévenir.

 

Viglégblé, chez moi, dans ma famille, la famille des Gogosa, il est formellement interdit à une jeune fille de connaitre d’homme avant sa nuit nuptiale et surtout avant ses 23 ans. Les dieux que nous adorons en ont décidé ainsi et punissent qui s’en va contre leur volonté. A partir de mon âge nubile, mes parents me l’ont chanté afin qu’en son temps je ne sois tentée de baisser mes armes le jour où je rencontrerais quelqu’un qui voudra me souiller. Car selon eux, le faire avant le mariage, c’est se souiller. C’est souiller sa dignité de femme, c’est souiller son âme. Donc, le mariage légitime cet acte qui pourtant est très enivrant et jouissant. J’ai toujours rêvé le faire avec toi. Un rêve qui occasionnellement se veut réalisé ce jour où nous entrons dans une nouvelle année… L’embarras me vint. Car à peine l’idée de me laisser-aller fut définitive que l’histoire de ma cousine, la fille au frère de l’oncle Djossou rumina à mon esprit.

Assiba avait défié nos ancêtres et leurs dieux en s’alliant avec un homme du village voisin ennemi au nôtre. Vu la haute trahison, les dieux dans leur courroux la déchargèrent du titre de fille des Gogosa. Or, un tel déshéritement ne peut conduire qu’à la mort certaine. En effet, elle devint insupportable pour son amant qui fut obligé de la congédier. Au fil du temps, elle perdit la vue le jour même où elle a accouché son fils devenu un fils sans père. Vois-tu, l’enfant désiré qu’elle ne voulait qu’avec l’homme du village voisin, elle ne pourra jamais l’admirer, le voir. Ainsi  fut-elle condamnée. Elle mourut peu de temps après laissant le petit en ce monde sans aucun soutien. Eh bien…quand on fâche les dieux… ça se paye. On le paye à tout prix voire même au prix de sa vie. Tu t’imagines un peu combien de barrières ma tradition m’impose dans cette vie. Et pourtant, ce n’est pas elle qui décide qui on va aimer. Nos cœurs s’éprennent à l’insu de nos amants et pour vivre ce qui nous est personnel…on nous impose un canevas.

Nous ne décidons pas donc de comment jouir libéralement de notre bonheur mais ce sont les traditions qui font les lois. Ça fait flipper de savoir qu’on sort avec une fille de vieilles traditions comme moi …et peut-être tu n’avais pas cru tout ce que je racontais…tu te moquais bien de ces choses par ce que pour toi, on n’est plus au siècle de l’obscurantisme où il faut vivre selon les totems de sa famille. Mais tu t’es trompé, on s’est trompés. Et on devrait assumer ensemble.

Te souviens-tu de tout ce que je raconte là ?… Il le faut bien… Et même si tu ne t’en souviens pas, moi si… Et il fallait que je m’en assure avant ma dernière volonté sur terre.

 

 

 

Les jours ont trépassé après mon baptême sexuel à la Saint sylvestre avec toi. Les semaines s’en sont suivies et le mois prit fin. Le nouveau mois débuta comme d’habitude, tout était revenu en ordre dans mes pensées et en moi sauf mes menstrues. Je ne les ai pas eues, Vigblégblé. Et dans de telles circonstances, je ne pouvais que t’aviser. Ce qui fut fait. Malheureusement pour moi…tu manquas à peine de me gifler à la nouvelle.

Voilà où m’ont conduite ces quelques minutes de plaisir et de désir.

Or, que le fœtus ait une grosse tête ou pas, qu’il soit gros ou gras ou chétif, il ne reste pas inaperçu. Il se dévoile présent toujours. Ceci étant, mes parents s’enquirent de la situation dans la plus grande désolation. Mon père très mécontent faillit m’étrangler, ma mère très en colère me méprisa plus d’une fois mais resta compréhensive. Tous mes proches étaient contre moi, même mon propre vieux lit qui céda sous le poids que je faisais désormais avec le fruit de notre nuit d’amour, nuit fatale.

Puis étant donné que j’ai désobéi aux règles coutumières de ma famille, le conseil familial se réunit et délibéra que je sois congédiée de la famille. Ainsi je fus reniée. Désormais, je suis de nulle origine. J’ai trahi leur confiance en un jour si mémorable où j’étais censée être au milieu de ma famille pour fêter la dernière nuit de l’année. Personne ne pourrait même me défendre car tous vivent sous les influences de la tradition.

Mon papa, avant de me faire quitter sa cour, me clamait à chaque minute:<< les règles sont dures mais ce sont les règles ; j’espère juste que tu pourras mieux éduquer cet enfant qui nous honnit>>. Je n’avais pas bien compris ce qu’il voulait signifier par cela.

Sortie une dernière fois de la chaumière paternelle, je n’avais nulle part autre où aller que chez toi. D’ailleurs tu es l’initiateur de ce plaisir, conséquence de mon malheur. Et de plus,  j’ai pris la peine de t’informer des conditions. Mais tu étais abasourdi par le bruit du plaisir qui nous a conduits à ceci. Tu n’avais qu’à me recevoir chez toi et me traiter dignement tout au moins. C’est le minimum que je pouvais attendre de toi. Puisque j’optai laisser les études pour m’occuper de toi, toi mon chéri.

Mais le comble m’attendait chez toi.

 

Ma venue chez toi t’a rendu aigri, grincheux, ajouté au fait que tu ne m’offrais rien à manger si cela ne venait de mes propres efforts. Je me réveillais tôt pour te mettre l’eau en douche malgré mon état mais tu n’étais jamais satisfait. Je faisais mon possible pour te rendre heureux. C’est paradoxalement ma rivale jurée, mon ex copine de table que tu estimais mieux à gérer au lit même en ma présence dans la maison. Quel horreur ! Quel gâchis de ma vie pour un rien du tout ! J’ose te remercier quand même pour avoir décidé m’héberger après chez ta grand-mère par pitié. Tu peux en être rassuré, je vous aurai tués tous deux.

J’ai rêvé et pensé  plusieurs fois aller avorter ce fœtus mais j’ai gardé espoir que sa venue te changerait.

Cependant, voilà bien 10 mois sans écographie que je traîne cette masse avec moi et sans répit suivi des cris de nuits liés à des picotements sur tout le corps.

La consultation du Fâ  chez mon oncle maternel, le seul qui essaie bien encore de m’écouter me fit savoir que les dieux ne me veulent pas impunie. Raison pour laquelle ils m’ont remplacé le fœtus par un gros caillou à porter pendant encore quatre ans avant ma délivrance. Une délivrance qui m’ouvrirait assurément les portes pour les rejoindre au plus tôt.

Tu es pourtant la cause de mon malheur mais puisque ce n’est pas toi qui portes la grossesse, tu te foutais pas mal de mes douleurs.

J’aimerais te haïr mais à quoi bon?

 

BACHOLA Amoni

 

3 comments

Triste…. Une véritable perte pour elle. La femme est celle qui perd très souvent dans ces histoires d’amour mal parties….

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