Bonjour les amis. Nous recevons pour vous aujourd’hui une écrivaine camerounaise Titha EYANGA: » Pour moi, cet exercice de la parole est thérapeutique et j’ai vu quelques miracles dans ces moments intenses de partage dans le cadre du conseil conjugal. Les mots réparent, la parole sauve. «
BL : Bonjour Madame Titha EYENGA. Nous vous remercions d’accorder cette interview à notre blog. Veuillez vous présenter à nos lecteurs.
TE : Bonjour à vous pour le privilège accordé de me présenter à vous et aux lecteurs par cette belle initiative de blog en ligne, qui permet de toucher les amoureux de la lecture. Je m’appelle Moi, fille de la mère Nature, ainée de plusieurs, mère aimante et servante de ma nation.
Je suis convaincue que l’anonymat permet une meilleure expression de la bienveillance dans le service que la notoriété. Alors, permettez-moi de rester Titha EYENGA.
BL : Vous êtes médecin humanitaire et conseillère conjugale. Comment arrivez-vous à combiner ces deux occupations qui semblent tout de même opposées ?
TE : Les deux occupations sont intimement liées, raison pour laquelle je suis allée compléter ma formation dans ce sens pour mieux comprendre les maux du cœur et ceux du corps qui peuvent rejaillir les uns sur les autres. Une crampe abdominale peut être d’origine médicale ou de l’angoisse d’une femme battue qui craint le retour de son bourreau. Le temps m’apprend au travers de cette diversité des patients, de mieux voir leurs urgences de vie et de cœur, c’est complexe, mais compréhensible.
BL : Pourquoi avez-vous choisi de devenir médecin humanitaire et conseillère conjugale ?
TE : L’humanitaire vous donne une vision plus holistique de la condition médicale des peuples, de la condition multidimensionnelle de l’humain. Cela vous donne l’humilité dans l’apprentissage selon les réalités du terrain tant luxueuses que précaires. L’humanitaire vous permet de garder les pieds sur terre et d’aller vers l’autre en anonyme pour soulager les maux et partir. Le conseil conjugal me permet d’aider à réparer ce qui est réparable et à faire prendre conscience aux personnes qui peuvent choisir la liberté du bonheur que les carcans des diktats qui régissent nos sociétés; le conseiller conjugal est un réceptacle, des oreilles et un émetteur. Il renvoie ce que les clients disent afin de les aider à se retrouver avec eux-mêmes.
Pour moi, cet exercice de la parole est thérapeutique et j’ai vu quelques miracles dans ces moments intenses de partage dans le cadre du conseil conjugal. Les mots réparent, la parole sauve.
BL : Pour un écrivain, votre parcours est tout de même spécial. Rien dans votre cursus ne vous destinait au monde littéraire. Comment est alors né cet attrait particulier pour l’écriture ?
TE : Je crois aux dons de l’esprit, certains sont capables de sourire d’autres d’écrire et ceux qui ont les deux iront au paradis (rire).
Écrire a toujours été avec moi pendant toutes ces années, mais la jeune fille et la femme africaine en particulier n’a pas les outils de l’émancipation de sa pensée. Plusieurs fois, j’ai crains de dire les choses, puisque mon monde imaginaire ne correspondait pas à mon monde matériel, j’ai repoussé le naturel, il est revenu au galop.
BL : À en croire vos propos, vous avez toujours écrit, et ce, depuis toute jeune. Mais pourquoi avoir attendu 2020 pour paraître pour la première fois sur la scène littéraire ?
TE : Une amie m’a dit un jour, « Titha, après 40 ans, la liberté frappera à ta porte et tu ne pourras plus la laisser partir… »
Mais rien ne se fait si les astres ne s’alignent pas pour faire accomplir le destin. Le mien a eu la chance de croiser au détour de la salle d’attente de ma clinique, la fée qui a su décoller mes yeux de mes feuilles pour me faire prendre mon destin en main. Je pense que j’ai été catapultée par la charismatique éditrice des Editions Lakalita, qui a cru en moi et m’a permis de faire le pas vers la publication de mon premier ouvrage, tout l’honneur lui revient.
BL : Vous êtes l’auteure de « Monologues pour survivre ». Pourquoi avoir préféré publier cet ouvrage en premier et pourquoi avoir choisi ce titre ?
TE : Dans ce récit, il y avait un besoin de parler de cette femme à la première personne, revisiter son univers avant de se lancer dans la diversité de sa plume, ce sont des mots simples qui définissent les sentiments divers qui la tiraillent. Ses peurs, ses combats, son besoin de rester droite face aux injustices ou à la solitude. Il fallait que cette femme guérisse de ses propres blessures et trouve la force de voir le monde différemment et les autres autant.
BL : Quand on sait que vous êtes médecin humanitaire et conseillère conjugale, on est tenté de se demander si « Monologues pour survivre » ne raconte pas, en fait, votre propre histoire. Ou bien, est-ce seulement de la fiction ? Bref, d’où vous est venue l’inspiration pour écrire cet ouvrage ?
TE : La fiction est la sœur cadette de la réalité, elle explique le côté imaginatif de la réalité refoulée puisque tout le monde n’aime pas regarder les autres comme ils sont. La fiction apporte l’extravagance de l’esprit et sublime la réalité atténuée par les diktats des règles de la société. A la fin, chacun conclut si ce récit est une fiction ou un vécu…Mystère.
BL : Quel est le message central que vous voulez faire passer à travers cet ouvrage,vu la kyrielle des thématiques qu’il aborde ?
TE : LA RESILIENCE dans les combats choisis, l’Espérance dans les épreuves qui enferment dans la solitude, les droits de la femme, cette femme qui est fille, femme, mère et vieille. Quand vous les lisez dans les mots tels que vécu par « JE » qui raconte cette histoire, vous verrez le combat de la résilience
BL : Dans quel contexte avez-vous écrit cet ouvrage ? Était-il lié à une situation personnelle que vous traversiez à une période donnée de votre vie ?
TE : Pas forcément, c’était dans un contexte du besoin de mettre les mots sur les maux, vécus en brides et amassés dans la révolte de mon esprit emprisonné dans mes rôles de soignante, de mère et d’épouse. Je devais créer mon monde sur terre. Sachant que la création prend du temps, j’ai tressé les idées, les vieilles dans les nouvelles et bien sûr la relecture par les sages a formaté ce que les lecteurs ont lu
BL : Pourquoi avez-vous jugé bon à certains endroits, de donner à ce roman des allures poétiques ?
TE : Il y a des sujets qui nécessitent la poésie, le slam ou la SLOESIE (mélange de slam et de poésie pour mieux s’évader). La sloésie ici déclinée transportera le lecteur là où il veut aller, se retrouver avec lui-même sans le regard inquisiteur du colonisateur (l’autre) prompt au jugement des styles, des genres et des valeurs. La sloésie ici rapporte le vécu de chacun dans sa colère ou sa recherche identitaire.
Je me rends compte que dans ma communauté, nous suivons les choses sans forcément les comprendre pour les répliquer… nous vivons pour les yeux d’autrui et nous perdons notre essence…mais qui sommes-nous sans nous ? La sloésie pour moi apporte un autre chemin pour mieux se retrouver dans son imaginaire et vivre toutes ses vies.
BL : Quelle est la place de l’écriture et de la lecture dans votre quotidien ?
TE : L’écriture est mon autre moi, j’écris tout et à tout vent, je suis curieuse et tout me fait germer l’idée d’un nouveau bouquin, j’ai des chantiers en cours, certains vers la fin, d’autres dans la recherche et même ma prière je la décline par écrit juste pour mieux savourer mon contact avec l’immatériel. L’écriture est le vœu à tout être qui veut être multiple.
BL : Vous pensez que vos nombreux voyages ont eu de l’influence sur vous et sur la rédaction de « Monologues pour survivre » ?
TE : Absolument ! Le voyage commence en nous, le voyage vers l’autre se fait quand tu acceptes de vivre son monde dans l’esprit et dans les yeux, tu veux des arcs-en-ciel.
Ce bouquin a été écrit dans 5 pays, chaque pays a apporté sa saveur dans mes voyages en avion ou en voiture, dans la forêt ou en ville, les arbres m’ont chuchoté des vers, les hommes aussi… les fleurs m’ont parlé d’abeilles, les cœurs aussi. Le voyage offre l’humilité et ouvre les yeux vers l’humanité. « Monologues pour survivre » fera naitre certainement « monologues pour sourire ».
BL : Quels sont vos projets littéraires ? À quoi aurons-nous droit prochainement ?
TE : Mon thème de base reste l’humain dans sa diversité et mon rêve est d’écrire sur tous les sujets, mais surtout sur le respect de l’humain sans son genre, son sexe ou sa religion. J’espère que bientôt, vous me rappellerez avec le plaisir de vous donner le prochain titre.
En ce moment, je collecte les récits pour mon nouveau livre narratif, mais si intéressant puisqu’il touche un sujet qui touche l’humain dans son rapport avec l’autre.
BL : Pour vous qui avez beaucoup voyagé, quel conseil pouvez-vous donner à la jeunesse africaine pour le développement du continent ?
TE : Commencer à vivre ses rêves localement, construire son monde avec le peu déjà en main, tout est à notre portée pour réussir. J’ai quitté l’Afrique après mes études universitaires, j’ai trimé là, j’ai appris là, mais la hargne de réussir était plus forte que la galère, les épreuves, la faim et la soif. J’ai pu m’en sortir, alors tout le monde peut s’en sortir.
BL : Quel est votre souhait pour la littérature africaine ?
TE : Alimenter d’abord la littérature en permettant aux filles et aux garçons d’avoir accès à la curiosité littéraire dès l’école primaire et qu’ils grandissent dans cet environnement. Ces grains vont s’enfouir dans leur inconscient et germer pour revenir en son temps quand ils feront face à la vie. Une bibliothèque pour chaque école
BL : Merci Madame Titha EYENGA d’avoir répondu à nos questions. Quel est votre mot de la fin ?
TE : Je vous remercie de m’avoir permis de revisiter mon esprit et vous trouver ces quelques modestes mots. Mon mot de la fin ? Aimer c’est un livre ouvert !