De même, Abdoulaye SADJI, ne s’est pas gêné pour dessiner avec sa plume les méandres douloureux de l’amour. L’auteur dénonce les tares que colportent depuis des siècles nos traditions africaines où la jeune fille est mise à prix.
Plus que jamais, l’histoire de Maïmouna narrée par Abdoulaye SADJI, dans son ouvrage qui porte le nom de la jeune fille, n’est actuelle. Cette histoire combien réelle et mélancolique retrace les grands moments de l’adolescence effervescente de Maïmouna. Celle-ci, en effet, nourrissait longuement le désir d’aller séjourner en ville. Elle satisfit effectivement cette envie après plusieurs refus de sa mère et se rendit chez sa sœur à Dakar. Son séjour se sustenta d’expériences édifiantes aussi bien joyeuses qu’éprouvantes. « Étoile de Dakar », elle fut objet de convoitise et de concupiscence. Ainsi devint-elle la cause d’une lutte rude et de déploiement financier entre les riches hommes de la capitale sénégalaise ; cela l’enorgueillissait et elle s’en rassasiait. Consciemment ou non, elle fut chosifiée par sa sœur et le mari de celle-ci, mais s’en réjouissait merveilleusement. Et même amoureuse de Doudou Diouf, elle fut amèrement contrainte à s’unir à Galaye, ce riche homme polygame. Cependant, au cours des préparatifs lointains du mariage, elle voyait clandestinement son amoureux. Les conséquences seront au rendez-vous.
Comme Ebinto, Maïmouna commit des frasques. Elle connut une aventure ambiguë à l’instar de Samba Diallo, mais entre son village et Dakar. Comme Ahouna, elle fut piégée incessamment par sa beauté, ce moment éphémère et par les promesses d’amour de son amant.
Abdoulaye SADJIa peint l’histoire d’une jeune fille belle et gracile sous les tropiques. Il n’a rien à envier à ces auteurs qui s’attelaient plus à dénoncer les méfaits des pouvoirs dictatoriaux ou les nocives conséquences des guerres après l’indépendance des pays africains. Son livre se démarque du CERCLE DES TROPIQUES d’Alioum Fantouré, d’EN ATTENDANT LE VOTE DES BÊTES SAUVAGES ou d’ALLAH N’EST PAS OBLIGÉ d’Ahmadou Kourouma. De même, il ne s’est pas attelé à nous faire part de ces conflits-là qui ont surgi entre des employés et leurs employeurs après l’indépendance des pays africains comme dans LES BOUTS DE BOIS DE DIEU d’Ousmane Sembène. Lui, en fait, a pris le soin de nous peindre les différentes autres réalités qui se vivent dans nos villages et villes et qui colorent d’emblée l’existence humaine de leurs nombreuses couleurs. De par cet ouvrage, pour lui, il ne faudrait pas se fourvoyer en pensant que la vie citadine vaut mieux que celle campagnarde. Il a, en effet, peint les abus dont peut être victime une belle fille noire en ville. Parce que la ville étant un milieu influent où la prodigalité de l’éducation n’est plus soignée, où le laisser-aller est manifeste, où la pensée tropicale vis-à-vis de la culture cède progressivement sa place à celle occidentale qui promeut une autre forme de colonisation sous les traits assez appétissants de la mondialisation et de la modernisation. Il n’a pas hésité à décrire les comportements désobéissants et insultants de Maïmouna face à sa maman. Comportements caractéristiques de la plupart des jeunes filles aujourd’hui qui veulent faire elles-mêmes leurs expériences, se montrant dès lors sourdes et fermées aux conseils des parents. Car à comprendre l’auteur, la fille, à l’âge pubère, veut valoriser tous ses atouts notamment physiques. Plus particulièrement, la fille noire veut s’affirmer en tant que femme à cette étape qu’est la puberté. Elle considère donc tous ceux qui, pour elle, à cette étape, la conseillent vertueusement comme une entrave à son plein épanouissement.
De même, Abdoulaye SADJI, ne s’est pas gêné pour dessiner avec sa plume les méandres douloureux de l’amour. L’auteur dénonce les tares que colportent depuis des siècles nos traditions africaines où la jeune fille est mise à prix. Il déplore ce comportement un peu trop tyrannique de la tradition qui réduit la femme à une marchandise. De surcroît, ildévoile avec consternation les actes meurtriers de ces aînés-là qui arrachent aux adolescents leur innocence. Actes meurtriers mus par la jalousie, l’avidité et l’intérêt personnel.
Plus que jamais, Maïmouna est présente, à cette époque, dans la plupart des sociétés humaines. Aujourd’hui, Maïmouna n’attend plus de quitter le village pour la ville dans le but de vivre une expérience citadine. Elle, en effet, déjà en ville depuis sa tendre enfance est moulée par son entourage dans ces faits-là qu’elle considère désormais comme normaux et s’empresse à l’âge pubère de satisfaire ses désirs corporels brûlants. Ainsi, Maïmouna bafoue l’éducation qu’elle a reçue des parents. Maïmouna continue à se faire berner par son Doudou Diouf. Mais le choix de ce Doudou Diouf n’est plus véritablement conditionné par l’amour, mais très souvent par le statut financier. Maïmouna est toujours encouragée par ces aînés-là à jouir de son adolescence comme elle le voudrait. Car ceux-là légifèrent des lois comme l’avortement d’un enfant qu’elle ne désirerait pas éventuellement élever.
De fait, l’ouvrage MAÏMOUNA d’Abdoulaye SADJI, plus qu’un simple roman, est un avertissement, une leçon pour tous. C’est dire clairement que la fille noire de même que le garçon, tous deux doivent intégrer l’éducation rigoureuse de leurs parents. Cet ouvrage en appelle aussi à la prise de conscience immédiate et effective des aînés censés conduire sur le bon chemin les jeunes.
Géraud Mahudjro YOCLOUNON