« Les personnes qui harcèlent les autres ont un problème mental. Ce sont des psychopathes qui se baladent dans la nature. »
Bonjour les amis, ainsi s’exprime celle que nous recevons pour vous en interview cette semaine. Elle s’appelle Merveiline TAPI et nous vient du Cameroun. Elle est journaliste-écrivaine.
BL : Bonjour madame Merveiline TAPI, c’est un plaisir pour nous de vous recevoir sur notre blog. Veuillez, vous présenter.
MT : Bonjour à tous et merci encore pour l’intérêt porté sur ma modeste personne. C’est un réel honneur pour moi ; mais, surtout un plaisir de répondre à vos questions. Je suis Merveiline Tapi, journaliste et auteure de deux romans. Je suis passionnée de voyages et de toute activité qui permet à mon esprit aventurier, de s’évader sans cesse.
BL : Vous êtes écrivaine et journaliste, vous baignez littéralement dans un univers de mots. Vous devez en être très passionnée. D’où vous vient cet attrait pour les lettres ?
MT : Je suis en effet très passionnée par cet univers. Cette passion remonte à ma tendre enfance. J’ai toujours voulu être journaliste, écrivaine ou hôtesse de l’air. Je n’ai pas réalisé mon troisième rêve juste parce j’étais frustrée par ma petite taille et j’avais très peu confiance en moi à une certaine époque. Mais je m’estime chanceuse d’avoir pu réaliser les deux premiers.
BL : Depuis quand écrivez-vous et qu’est-ce qui vous y a motivée ?
MT : J’ai commencé à écrire très jeune ; d’abord des poèmes et parole de chansons. J’étais membre d’un groupe (les JEM’S), constitué de trois de mes camarades de lycée. Nous étions passionnées par la musique et j’étais celle qui écrivait nos textes. Le groupe n’a malheureusement pas émergé ; mais, mon amour pour les lettres n’en a pas pris un coup.
BL : Écrire, qu’est-ce que cela représente pour vous ?
MT : Tout ! Je ne saurais me définir sans l’écriture. Il m’est difficile, voire impossible, de garder des feuilles blanches autour de moi. J’écris tout et n’importe quoi. Que cela ait du sens ou non, j’écris d’abord et je mets en forme plus tard. Aujourd’hui encore j’aide mes proches à préparer leurs mémoires et autres travaux d’études, nécessitant une action rédactionnelle.
BL : Quelle appréciation faites-vous du paysage littéraire camerounais contemporain ?
MT : Je salue les efforts consentis par la jeune génération d’auteurs camerounais. Ils sont de plus en plus nombreux à s’intéresser à cet art. Dans un contexte comme le nôtre, où ils sont abandonnés et pas vraiment accompagnés par les pouvoirs publics, c’est extrêmement courageux.
BL : Quelle place y est réservée à la femme ?
MT : Je dirais qu’elle tient le flambeau comme d’habitude. Je trouve que la femme joue un rôle capital dans l’univers littéraire camerounais. Qu’il s’agisse de Djaili Amadou Amal, Leonora Miano, Francine Rochelet Ngo Iboum, Djhamidi Bond, Elizabeth Tchoungui… pour ne citer que celles-là, leur travail est remarquable et fait la fierté du pays à l’échelle internationale.
BL : Quel sentiment a-t-on d’être femme de lettres dans un univers littéraire à prédominance masculine ?
MT : On se sent simplement fière ! Personnellement, je pense que nous formons une équipe. Nous luttons pour la même cause : laisser un bel héritage littéraire à la future génération. Alors on se soutient mutuellement.
BL : Quelle est la cible privilégiée de vos écrits ? Pourquoi?
MT : Jusqu’ici, j’écris prioritairement pour la femme. Je pense qu’elle porte sur elle le poids du monde. Elle a la lourde charge d’éduquer et de bâtir la société. Elle est celle sur qui tout repose ; alors, c’est ma façon à moi de la célébrer, de lui rendre cet hommage qu’elle mérite tant.
BL : Quelles sont vos sources d’inspiration ?
MT : Tout m’inspire ! La nature, la vie, les faits de société, une gifle, un simple mot. Il suffit d’un rien pour que naisse une histoire dans mon esprit.
BL : Vous ne vous êtes jusque-là affirmée que dans le genre roman. Pourquoi cela? Envisagez-vous de toucher à d’autres genres ?
MT : J’aime beaucoup cette liberté qu’offre le roman. C’est un univers dans lequel on peut tout se permettre. On y peint le monde tel qu’on aurait souhaité qu’il soit. C’est un moyen de fuir de temps en temps la réalité. J’aimerais bien essayer l’épistolaire dans un prochain ouvrage. C’est un exercice pas facile ; mais, si Mariama Bâ l’a fait… pourquoi pas moi ?!
BL : Vous semblez avoir un faible pour la femme, en témoignent vos deux premiers romans dont les intrigues tournent autour de personnages principaux féminins. Pourquoi cela ?
MT : Comme je l’ai dit plus haut, j’ai une profonde admiration pour la femme et je lui rends hommage à travers mes ouvrages. Je considère chaque femme comme une reine. Elles ont le pouvoir de donner la vie et consacrent leur existence à faire de nous de meilleures personnes. Je pense qu’en retour, elles méritent leur heure de gloire. Elles le valent bien, ces lionnes !
BL : On y affaire à des héroïnes faibles, victimes des gens et de la société, tantôt farouches et triomphantes, tantôt vaincues par les événements, véritable portrait de la femme africaine, en proie au quotidien à des péripéties multiples. Qu’en dites-vous ?
MT : Je peins simplement la femme dans toute sa splendeur et sous toutes ses facettes. La vie d’une femme est un combat perpétuel. Elle porte la misère du monde ; alors, soit elle triomphe, soit elle se noie dans les larmes de l’humanité.
BL : Merveiline TAPI, féministe ?
MT : Je vais sans doute me mettre les féministes à dos ; mais, il n’y a pas et il n’y aura jamais d’égalité entre l’homme et la femme. On ne peut pas aller contre la nature. A force de courir après une cause perdue, de nombreuses femmes ne réalisent même pas que c’est elles qui détiennent le pouvoir. Il lui suffit d’être un brin futé, et la femme peut obtenir de l’homme, tout ce qu’elle veut. Dieu nous a nous a donné le pouvoir, mesdames, nul besoin d’égalité !
BL : Comment définissez-vous alors le féminisme ?
MT : Mais j’émets des réserves par respect pour les « féministes » mais personnellement je trouve que c’est combat mal orienté. Rechercher l’égalité entre l’homme et la femme c’est comme demander à un homme de porter une grossesse pendant 9 mois. Nous savons tous que c’est impossible. Tout comme il est impossible à une femme d’enfanter toute seule.
L’homme et la femme sont complémentaires et non égaux. Chacun à son rôle à jouer et au lieu de courir après cette cause perdue, chacun devrait se concentrer sur ce qu’il a à faire.
BL : L’émancipation de la femme, aux dires de certaines féministes, est fondamentalement synonyme de féminisme. Votre avis sur cette interprétation
MT : Je ne parlerais pas d’émancipation; mais, d’éducation. Il est bien d’éduquer la femme, mais surtout la jeune fille, afin qu’elle sache quelle est sa part de responsabilité dans la construction de notre société. Étant donné que l’émancipation relève d’une décision juridique, elle ne peut être automatiquement assimilée au féminisme. On peut être émanciper sans pour autant être féministe !
BL : Et pourtant Chimamanda Ngozi Adichie a dit que « Nous devrions être tous des féministes »…
MT : C’est son point de vue et je le respecte. Entre l’égalité et le pouvoir… Moi je choisis le pouvoir ! Je suis contre le féminisme. Personne ne me fera changer d’avis à ce sujet. Jamais nous ne serons égaux entre humains. Nous n’avons pas les mêmes prédispositions.
BL : L’égalité des genres tant prônée, comment la comprenez-vous ?
MT : C’est une forme déguisée du féminisme ! Nous sommes complémentaire mais pas égaux.
BL : Quelle opinion avez-vous des mouvements féministes qui se multiplient dans le monde ?
MT : Chaque lever de boucliers a sans doute un fondement. Elles militent à leur façon, pour des causes nobles ; alors, je respecte leur combat.
BL : « Eva: Tranche de vie ». Parlez-nous de la genèse de ce roman qui a marqué votre entrée dans l’arène littéraire.
MT : Tout part d’un mal être profond que je vivais à une période importante de ma vie. Ma meilleure amie avait quitté le pays, je venais d’intégrer l’école de journalisme et j’étais rejetée par mes camarades de classes. Je vivais un bizutage indescriptible. J’avais besoin de me confier à quelqu’un. Ma meilleure amie étant absente, j’ai commencé à écrire dans un journal intime qu’elle m’avait laissée en souvenir. Au fil du temps, l’histoire a évolué et un beau matin… Eva est née !
BL : Votre second roman titré « Biographie d’une femme partie trop tôt… » raconte la bouleversante histoire d’une certaine Barbara, histoire basée sur des faits réels. Qu’est-ce qui vous a motivée à l’écrire ?
MT : L’histoire de Barbara est une belle leçon de vie pour moi. Je ne l’ai malheureusement pas connue ; mais, même morte elle reste un bel exemple de réussite. Lorsqu’il m’a été demandé d’écrire son histoire, j’ai accepté en me disant que sa vie pourrait en inspirer d’autres.
BL : L’héroïne est morte à 27 ans, « partie trop tôt » donc. L’ouvrage que vous lui dédiez porte néanmoins le très curieux sous-titre « Pourtant elle y est parvenue », véritable contraste avec la trame de l’histoire qui finit de manière plus ou moins tragique. Expliquez-nous.
MT : Barbare, l’héroïne, a réalisé ses rêves avant de s’en aller. Elle a vécu chaque jour comme si c’était le dernier. Elle a cru en chacun de ses rêves. Même mourante, elle y a cru et est allée jusqu’au bout. Oui, elle est partie à la fleur de l’âge, mais elle est parvenue à réaliser chacun de ses rêves, avant de s’en aller.
BL : Est-ce qu’il vous est arrivé, dans l’exercice de votre profession de journaliste, de vous sentir harcelée ?
MT : Oui, oui, plusieurs fois j’ai été victime de harcèlement. C’est monnaie courante dans le milieu de la presse. J’ai été victime alors que j’étais en stage de vacances dans une radio de la place. Je puis dire que l’un des plus gros chocs que j’ai vécus en termes de harcèlement de toute ma carrière remonte en 2005, quand je démarrais. J’avais à peine 20 ans et je venais d’avoir mon Bac. On m’avait alors offert un stage de vacances dans un média de la place. J’étais toute jeune, mais alors toute jeune. J’aimais cependant beaucoup le métier et j’ai accepté toute suite. Je me rappelle qu’au début deux de mes encadreurs m’ont vraiment pourri la vie. Ils voulaient tous les deux que “je sorte avec eux”. Mais j’étais tellement naïve à l’époque que je ne comprenais pas tout de suite ce qui se passait. Ces deux encadreurs qui m’ont fait vivre un véritable enfer. Ils sont allés jusqu’à me dire qu’ils m’interdiraient le passage à l’antenne si je ne cédais pas. Et ils l’ont fait. Ce qui, évidemment, intriguait d’autres collègues qui me trouvaient talentueuse et qui ne comprenaient pas cette décision de m’interdire d’antenne. Il s’est ensuivi presque une bagarre, une sorte de conflit à la rédaction entre mes défenseurs et mes harceleurs. Et moi je me retrouvais là toute naïve, toute petite au cœur de cette dispute. J’avais alors voulu abandonner parce que je n’étais plus concentrée ni à l’aise et que mes harceleurs persistaient à me mettre les bâtons dans les roues. Heureusement pour moi, d’autres encadreurs beaucoup plus professionnels ont volé à mon secours et m’ont permis de mener mon stage jusqu’au bout. Cinq ans plus tard, je suis retournée à cette même rédaction où j’ai fait mes premiers pas comme journaliste professionnelle. Oui, j’y suis retournée une fois diplômée J’ai retrouvé mes anciens harceleurs, mais cette fois je m’étais préparée à leur tenir tête et à leur montrer que je n’étais plus la petite stagiaire naïve. L’un d’eux s’est alors refroidi pendant que l’autre est revenu à la charge jusqu’à ce que je quitte la boîte pour aller travailler ailleurs. Et des situations comme ça, j’en ai vécu plein. Mais je m’y préparais à chaque fois et cela m’aidait à résister jusqu’au bout aux assauts.
BL : Et quel regard portez-vous sur ce phénomène ?
MT : C’est un phénomène qui prospère et même la gent masculine en est victime. Je trouve bien dommages que certains s’y prêtent juste parce qu’ils sont en position de force. Je dirais aux uns et autres de ne jamais céder à ce type pratique. Si on cède une fois, on cèdera toujours par contre résister c’est prouver au harceleur qu’on n’a pas besoin de lui pour avancer dans notre carrière.
BL : Il y en a qui trouvent que les femmes font le lit au harcèlement à travers leurs habillements… Qu’en pensez-vous ?
MT : L’habillement n’y est pas pour beaucoup. On a des psychopathes qui se baladent là dehors. Ce sont simplement des malades qui souhaitent satisfaire leurs pulsions sexuelles. Que vous soyez en « kaba ngondo » ou en tenue d’Adam… Vous demeurez une proie pour eux. Il faut juste rester sur ses gardes. Les personnes qui harcèlent les autres ont un problème mental. Il y a plusieurs éléments déclencheurs qui ne sont pas forcément lié à l’habillement. Il suffit d’être une femme où un homme à son goût et il jette son dévolu sur vous. L’aspect physique n’est pas négligeable mais il ne me semble pas primordial. Ces personnes ont besoin d’un suivi médical car elles sont malades.
BL : D’autres trouvent que des femmes sont complices du harcèlement puisqu’elles le considèrent comme les avances qui assurent les avancements. Votre avis…
MT : C’est idiot de penser ça et je pèse mes mots. La promotion canapé ne va jamais plus loin que les 4 murs où elle se déroule. Si vous êtes une personne douée, honnête et compétente, rien ni personne ne vous fera plier et vous avancerez la tête bien haute. Je voudrais d’ailleurs préciser que les harceleurs ont plus de respects pour ceux qui leur résistent.
BL : Si vous aviez des conseils à donner aux femmes qui, éventuellement, se rendraient complices de ce phénomène….
MT : Je leur dirai que c’est indigne d’elles. Elles valent bien plus que ça. Elles n’ont pas besoin de se livre à une telle infamie pour réussir.
BL : Comment on se sent quand on est harcelée ou quand on a été harcelée ?
MT : Au début on est très effrayée, je dois l’avouer, mais il ne faut surtout pas perdre son sang froid. Très souvent le harceleur veut nous intimider au départ alors il faut tenir tête dès les premiers signes et clairement lui faire comprendre qu’il se trompe de cible.
BL : Le harcèlement des hommes par les femmes. Qu’est-ce qui peut le justifier?
MT : La mondialisation… Le féminisme… Les novelas… Quand une femme pense être l’égale de l’homme… Elle souhaite tout faire comme lui… Donc le harceler aussi, je crois.
BL : N’est-ce pas parce que ces femmes-là n’auraient peut-être pas de mari et qu’elles souhaiteraient quand même attirer l’attention d’un homme qui pourrait les épouser en acceptant leurs avances ?
MT : Je ne pense pas. Même des femmes mariées harcèlent !
BL : Ah bon ? Mais à quelle fin donc?
MT : A la même fin que pour l’infidélité : satisfaire un manque. Le harceleur est très souvent un supérieur hiérarchique qui joue de sa position pour faire chanter ses victimes ou les harceler.
BL : Parlez-nous de vos projets littéraires.
MT : J’ai de nombreux autres projets en cours, dont un troisième en gestation. Je vous en dirais davantage le moment venu.
BL : Votre portrait chinois à présent :
– Un héros ou une héroïne : Thomas sankara, Rosa Parks
– Un personnage historique : Néfertiti
– Un auteur préféré : Mariama Bâ
– Un plat : eru and watafufu
– Un animal : le zèbre
– Une qualité : joviale
– Un défaut : impulsif
BL : Merci Merveiline TAPI pour votre disponibilité à répondre à nos questions. Votre mot de la fin.
MT : C’est moi qui vous remercie. Je dirais juste pour finir qu’il ne faut pas se contenter de vivre ; mais, il faut exister. Marquez votre passage sur cette terre !