» Nos voix s’unissent « , Fredhy-Armel Bocovo

Ce livre n’a pas commis le péché que commettent souvent les livres qui se veulent témoignages ou qui se réclament de cette approche…

Fredhy-Armel Bocovo, Nos voix s’unissent, Cotonou, Vénus d’ébène, 2025, 309 p.

Ce livre n’a pas commis le péché que commettent souvent les livres portés sur la sororité et le patriarcat. Et ce péché mignon – on le sait – consiste en tout temps et en tout lieu à ne pas donner la parole aux hommes lorsqu’il s’agit de parler des femmes comme si les hommes – eux – n’ont plus grande chose à dire à part abdiquer devant la meute. Or, « tous les hommes ne sont pas violents ; tous ne discriminent pas », nous apprend Huguette Bokpè Gnacadja, Présidente de l’Institut National des Femmes dont la lettre clôt à juste titre le livre de Fredhy-Armel Bocovo. Ce livre n’a pas commis le péché d’écouter encore une fois de plus la femme dans ses éternels jérémiades envers elle-même. Cet ouvrage, fort heureusement, a évité cet écueil. A côté des voix de femmes trottent celles des hommes prouvant ainsi que la sororité est d’abord et avant tout une question d’hommes et de femmes. N’en déplaisent aux morveuses féministes acariâtres qui peuplent la terre !

Ce livre n’a pas commis le péché que commettent souvent les livres qui se veulent témoignages ou qui se réclament de cette approche. Il n’est pas un ramassis d’interviews comme il l’aurait pu l’être, tant sa genèse l’y contraignait. Ce livre ne s’arrête pas à l’interview et à sa transcription. Il transforme l’interviewé (e) en un scripteur occasionnel, écrivain de tous les temps et l’installe royalement dans le fauteuil et l’antichambre noire de l’écriture spontanée et ininterrompue. Le livre a fini par faire des écrivains plutôt que de simples contributeurs oisifs et nonchalants.

Ce livre n’a pas commis le péché que commettent souvent les livres écrits sans un peu de regard statistique. Il y a dans ce silence 32 paroles de femmes juxtaposées comme les 32 dents de la bouche lorsqu’on atteint l’âge de maturité. Il y a donc dans l’apocalypse du 32, l’âge de la maturité. Il y a dans ce silence 08 paroles d’hommes comme pour rappeler les neuf paires de côtés dont une a été ôtée pour façonner la femme. Et depuis ce temps l’homme n’a plus 09 paires de côtes comme on se trompe à le dire mais plutôt 08. Qu’il y ait donc 08 paroles d’hommes, c’est tout justifié !

Ce livre n’a pas commis le péché que commettent bien souvent les livres qui s’appellent livres et qui ignorent tout de ce que doit être un livre. Un livre est une LETTRE que le monde adresse au monde pour informer, alerter, jaser, piailler sur les injustices mais aussi les justices que le monde se fait du monde au nom du monde. C’est ce à quoi nous invite ce livre qui nous rassemble cet après-midi. Et c’est le caractère épistolaire que revêt ce livre qui fait de lui le livre de toutes les urgences et de toutes les maturités. Car, disons-nous, il y a longtemps que vous et moi avions perdu l’habitude de s’écrire et de s’envoyer des lettres ; trop longtemps qu’on vit ensemble sans s’échanger, se parler. Quand donc un livre nous ramène à nos anciennes habitudes, nous ne pouvons que saluer son avènement qui dénote en même de la maturité de son porteur. C’est le lieu de dire que Fredhy-Armel fait œuvre utile en adoptant le style des anciens et premiers écrivains qui concevaient l’œuvre littéraire dans le fœtus de l’épistolaire.

Enfin de compte, comment qualifier cet ouvrage produit à plusieurs mains qui n’est plus celui de Fredhy-Armel seul mais plutôt de la quarantaine de voix qui s’unissent pour mettre en quarantaine tous les problèmes que racontent les femmes, que dis-je, les hommes dans leur vie quotidienne ?

Comment qualifier cet ouvrage qui, à peine né, échappe déjà à son auteur et traduit pour la première fois de façon vivifiante la formule selon laquelle « un livre est une bouteille qu’on jette à l’eau. Il y a longtemps qu’il a cessé d’appartenir à son géniteur et vole de ses propres ailes dans les firmaments étoilés faits de bonheurs et de chagrins, d’amours et d’ordalies ».

Quand on va me demander comment ce livre est baptisé, je dirai comme son préfacier, le Professeur Brice Sinsin, qu’il est un « recueil d’opinions, d’avis, d’expressions de prises de position sur la gent féminine et de conseils aux femmes-modèles sous diverses perspectives ».

Quand on va me demander de critiquer son contenu, je dirai que le livre a commis le péché de ne donner la parole qu’aux hommes et femmes qui – excusez du peu – sont trop allés à l’école, donc trop savants et trop pédagogues sur la question de la sororité. Or la sororité, voyez-vous, se rencontre aux creux des cases d’Avogbanman ou de Sokpadèli ou encore quelque part à Challa Ogoï loin des tintamarres de Cotonou où la femme à côté de l’homme continue de souffrir le martyr pendant que nos féministes montent en grade dans nos villes et quartiers de villes avec pleins de théorèmes à la bouche.

Le présentateur de ce livre que je suis plaide donc coupable :
JE VEUX QUE LES PAROLES DES HOMMES ET DES FEMMES DE NOS HAMEAUX COMPTENT EGALEMENT DANS LE CONCERT DES NATIONS. Car les lettrés ont assez parlé au nom des illettrés qui détiennent les vraies souffrances et les vrais bonheurs d’un monde harmonieux qui se renouvelle perpétuellement.

Jérôme Michel Tossavi
Chroniqueur littéraire
Grand Prix Littéraire du Bénin
Doctorant en Lettres Modernes à l’UAC

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