Biscottes Littéraires : Bonjour et félicitations pour votre sélection parmi les finalistes du Prix Gbêhanzin 2025 ! Pour commencer, pourriez-vous vous présenter brièvement à nos lecteurs ?
Mègni HOUANOU : Bonjour, je suis Mègni HOUANOU, enseignant de français au Collège d’Enseignement Général de Tchaada, dans le département du Plateau. Passionné par l’écriture, j’écris principalement dans le registre fantastique.
Biscottes Littéraires : Quel est le titre de votre texte et que pouvez-vous nous en dire, sans trop en dévoiler ?
Mègni HOUANOU : Mon texte s’intitule « Sous le Kpatinli ». C’est l’histoire d’un amour qui renaît sous un arbre sacré, témoin silencieux des secrets et des promesses. Entre Eniola Victoria et Tchami Agossou se tisse une relation qui transcende les clivages ethniques et familiaux, dans un village où le passé et le présent se confrontent. L’émotion dominante, c’est cette tension délicieuse entre l’amour authentique et les pesanteurs sociales, le tout dans un décor où la nature devient un personnage à part entière.
Biscottes Littéraires : Vos personnages portent des noms de héros et héroïnes africains. Pourquoi avoir choisi ces figures-là en particulier ? Que symbolisent-elles pour vous ?
Mègni HOUANOU : Eniola Victoria porte le nom d’une princesse oubliée, symbole de courage et de détermination face aux défis. Son second prénom évoque la victoire. Tchami Agassouvi, lui, incarne cette force tranquille de l’artisan : celui qui transforme la matière brute en beauté, qui sculpte avec patience et foi.
Ces noms ne sont pas choisis au hasard. Ils portent l’héritage de nos royaumes anciens, mais aussi la promesse que nos héritages peuvent transcender les divisions historiques. Pour moi, ils symbolisent cette réconciliation possible entre nos différentes identités africaines. Ils incarnent cette jeunesse capable de puiser dans la richesse de ses racines multiples sans se laisser enfermer par les rancunes du passé.
Biscottes Littéraires : L’histoire commence lors d’une cérémonie traditionnelle ou sur un site culturel. Pourriez-vous nous parler de ce lieu ou de ce moment et de ce qu’il évoque dans votre récit ?
Mègni HOUANOU : Le Kpatinli désigne l’arbre Rhodognaphalon brevicuspe, également appelé « Kpatin dehouin » en langue fongbé. À l’instar d’autres arbres sacrés comme l’iroko ou le baobab, le kpatin est considéré, dans la tradition vodoun, comme une demeure d’esprits ou d’ancêtres. Ces arbres constituent des espaces sacrés où se tiennent des consultations divinatoires, des cérémonies rituelles et des rites de purification. Dans mon récit, le Kpatinli est bien plus qu’un simple décor : c’est un témoin, un gardien des secrets, un pont entre les générations et les mondes.
Biscottes Littéraires : Quel message ou quelle émotion aimeriez-vous que les lecteurs retiennent après avoir lu votre texte ?
Mègni HOUANOU : J’aimerais que les lecteurs comprennent que nos divisions ethniques, religieuses, sociales ou politiques ne sont souvent que des constructions fragiles qui nous empêchent de voir notre humanité commune. L’amour vrai transcende ces barrières artificielles.
Au-delà de cette réflexion sur l’identité, je veux que les lecteurs saisissent que nos traditions et notre environnement ne sont pas des obstacles au progrès, mais des ressources précieuses à préserver et à valoriser.
Le Kpatinli menacé par le béton, c’est le symbole de tous ces trésors que nous sacrifions au nom d’un développement mal compris. L’émotion que je veux laisser, c’est cette mélancolie douce mêlée d’espoir : la mélancolie de ce qui se perd, l’espoir de ce qui peut renaître quand l’amour et la conscience s’unissent.
Biscottes Littéraires : En tant que jeune écrivain béninois, que représente pour vous le fait d’être finaliste du Prix Gbêhanzin ?
Mègni HOUANOU : C’est un honneur immense et une responsabilité que je porte avec fierté. Le roi Gbêhanzin incarne la résistance, la dignité face aux défis extérieurs, le refus de renier son identité.
Être finaliste de ce prix, c’est porter cette flamme de la résistance culturelle par l’écriture. C’est aussi la reconnaissance que nos histoires locales, nos préoccupations d’Africains contemporains, peuvent toucher un public plus large et contribuer au rayonnement de notre littérature.
Pour moi qui enseigne chaque jour à des jeunes, c’est un encouragement formidable. Cette distinction me donne surtout la motivation de continuer à puiser dans nos traditions pour nourrir une littérature moderne et authentique.
Biscottes Littéraires : Pourquoi est-il important, selon vous, de raconter des histoires enracinées dans les cultures africaines ?
Mègni HOUANOU : Parce que nous sommes les mieux placés pour raconter nos propres histoires avec authenticité et nuance. Trop longtemps, d’autres ont parlé à notre place. Ils ont déformé nos réalités et les ont réduites à des clichés.
En écrivant nos récits, nous reprenons le contrôle de notre narratif. Nous montrons la richesse, la complexité et la beauté de nos cultures, sans folklore ni complaisance. Nous révélons nos dilemmes contemporains, nos questionnements identitaires, nos façons uniques de vivre l’amour, la famille, la spiritualité et tout le reste. C’est un acte de résistance et de fierté, puisqu’en partageant nos histoires authentiques, nous enrichissons la diversité culturelle mondiale et montrons que l’Afrique n’est pas seulement un continent de problèmes, mais aussi de solutions, de sagesse et de beauté.
Biscottes Littéraires : Selon vous, pourquoi le public devrait-il précommander le recueil du Prix Gbêhanzin 2025 ?
Mègni HOUANOU : Parce que « L’ancre des cœurs » rassemble dix voix uniques qui racontent l’Afrique d’aujourd’hui avec ses défis et ses espoirs, sans misérabilisme ni idéalisation.
Chaque texte est une fenêtre sur nos réalités contemporaines, nos rêves, nos traditions vivantes. En achetant ce livre, le public soutient concrètement la jeunesse créative béninoise.
Il investit dans l’émergence d’une littérature de qualité qui nous ressemble. Il découvre des histoires qui ne se racontent nulle part ailleurs avec cette authenticité et cette profondeur émotionnelle.
Acheter ce livre, c’est aussi entreprendre un voyage initiatique à travers nos cultures, nos langues, nos façons d’aimer et de rêver. Le lecteur repartira avec une vision plus riche et plus nuancée de ce que signifie être Africain au XXIᵉ siècle. Pour moi, c’est là le plus beau cadeau que ce livre offre aux lecteurs.
Biscottes Littéraires : Pour conclure, avez-vous un dernier mot pour celles et ceux qui vous liront bientôt ?
Mègni HOUANOU : Laissez-vous porter par ces histoires qui sont les nôtres, mais qui parlent aussi de vous. L’amour, la quête d’identité, le respect de la nature, la réconciliation avec nos racines : ces thèmes traversent toutes les cultures et touchent chaque cœur humain.
En lisant « Sous le Kpatinli », vous découvrirez peut-être que nos différences sont nos richesses, et que nos racines communes sont plus profondes que nos divisions apparentes.
Afrik’Arts Stars
+229 0196746339
2 réponses
Merci à toute l’équipe de Biscottes Littéraires.
Merci pour ce beau travail !