Sous la coordination de l’écrivain Jacques Houégbé, cet ouvrage explore les méandres de l’irrationnel avec des récits fantasmagoriques.
C’est en ayant le privilège d’aller vers l’inconnu, en testant les tunnels du risque qu’on finit par découvrir le diamant brut enfoui dans l’obscurité. Tout un chemin a été travaillé pour que naisse le recueil de nouvelles de fantasy « Soolim« . Sous la coordination de l’écrivain Jacques Houégbé, cet ouvrage explore les méandres de l’irrationnel avec des récits fantasmagoriques. C’est un défi ultime car la littérature béninoise connait un nouveau souffle avec ces nouvelles du genre littéraire de la fantasy. Publié en février 2025 aux Éditions Savanes du Continent, « Soolim » comporte 177 pages. Huit (08) auteurs dont six (06) femmes et deux (02) hommes composent ce livre. Désiré Godonou dit dans Afrorizons que c’est « une vibrante célébration de l’imaginaire africain, par de jeunes auteurs à la plume sensible et audacieuse ».
Allons donc à la découverte des histoires de Lorie Loko, Jean Paul Guedenon, Bénie Tossou, Inès Sègla, Gérria Agbessi, Olivia Assounda, Ezéchiel Gbètoho et Espérance Iroukoura.
« Yehwexô » de Lorie Loko démarre en trombe et est la première nouvelle de cet ouvrage. La narratrice est alerte, diffuse des tons et du répondant. Elle vacille, tombe et se retrouve dans un endroit où se côtoient humains et dieux. Lorie n’attend pas qu’on lui donne la main pour raconter l’univers intrigant de l’animal de compagnie qui est le protecteur dans l’au-delà de la narratrice. Pleine de suspenses, cette histoire est un précepte pour la vie car la fin inattendue offre une morale distincte.
Jean Paul Guedenon écrit « Dada Segbo ». Quand le surnaturel et l’invisible trônent fièrement dans le quotidien des êtres humains, l’intrigue laisse place aux questionnements. Jean Paul Guedenon décrit avec une simplicité vivace des faits de sorcellerie comme s’il avait côtoyé cet univers. Le réalisme dont fait preuve cette nouvelle montre la frontière qui existe entre le Fantasy et le conte. Ouidah est le théâtre d’un combat fratricide entre sorciers et magiciens. Chaque détail est fignolé pour que les quatre éléments de la nature (air, terre, feu et eau) se battent pour le triomphe du bien.
Chaque destin demeure un mystère car on ne choisit ni le jour ni l’heure de venir et de partir de ce monde. Ainsi, se définit le destin d’Asssouka dans la nouvelle « Assouka et le pendentif » de Bénie Tossou. Son imagination a commis de faire un lien entre Bio Guerra et la reine Yémandja pour que le protagoniste Zinflou ait le sort qu’il mérite. Les êtres imaginaires dotés de pouvoirs bénéfiques ou maléfiques font la sauce qui gouverne le déroulement de ce récit.
« La naissance d’Akounnan » nous amène dans l’environnement saisissant des rituels. Une telle précision dans la narration vient d’Inès Sègla. Elle tisse la toile de l’improbable qui devient un sentier sinueux vers l’invisible. Habib Dakpogan dans son mot à la quatrième de couverture disait : « Inquiétant, intrigant, invasif mais imparable, l’anthologie Soolim vous infiltre et se métastase en vos capteurs sensoriels tel un poison lent puis violent, surtout nécessaire. ». Vous visualiserez les ténèbres et les dieux sous toutes ses formes. On dirait que l’autrice les a côtoyés toute sa vie.
« L’ interdit » de Gérria Agbessi laisse le lecteur ahuri. La fin imprévisible sonne le moment des réflexions. Comment après moult difficultés, mille épreuves pourrait-on échouer à sa mission ? Gérria Agbessi voudrait peut-être nous montrer que toute vie a une fin et que les efforts ne sont pas toujours récompensés. La nouvelle « L’ interdit » donne une toute autre tournure à la suite de ce livre et ouvre la porte à « Soolim ».
« Soolim », nouvelle éponyme de cet ouvrage est écrite par Olivia Assounda. Elle nous emmène dans un monde féerique où se côtoient des animaux imaginaires et des rites initiatiques. La féerie n’excluant pas le mal, Soolim personnage principal et atypique de cette œuvre dut faire face à des épreuves pour réussir son épreuve d’initiation. Je n’en dirai pas plus car vous découvrirez par vous-même la magie de ces portraits.
Le voyage continue avec « Akadja » d’Ézéckiel Gbètoho. Tout nom donné dans le recueil de nouvelles « Soolim » a une résonance et une signification dans les langues locales du Bénin. « Akadja » ne déroge pas à cette règle car les pêcheurs des lagunes et lacs du Sud-Bénin savent très bien la signification de cette technique de pêche. Ezéckiel Gbètoho nous emmène dans le monde aquatique avec tous les mystères que regorge le culte des déesses de l’eau. Comment réagissent les dieux face à une injustice venant de la justice des hommes ? La réponse est prête dans cette œuvre avec l’enveloppe de la fantasy tant attendue.
Espérancia Iroukoura ferme la marche de ce chapelet de bonnes nouvelles fantastiques avec « Sèmèssi ». Sèmèssi incarne la dualité de la vie : le bien et le mal, l’opulence et le dénuement. C’est une peinture grandeur nature de la cupidité de l’être humain. Mais aussi de l’image des traditions et du passé dans cette vie. Avec « Sèmèssi », nous voyageons en pays Nago. L’ autrice peuple son récit de plusieurs phrases et noms en langue yorouba. Votre quête de culture sera assouvie.
La couverture de « Soolim » est une illustration d’un grand oiseau au regard malin derrière une jeune fille déterminée qui tente d’aller au bout d’un objectif. Le style d’écriture de ces huit auteurs honore la langue française. Pas de fioritures ni d’exagération. Ils ont su à travers chaque ligne rendre l’irréel avec un tel aplomb qu’on y voit la véracité des faits. Le suspense est un atout. Ils ont pu apprivoiser les contours pour mieux l’exposer aux lecteurs. L’ art n’est pas perfection mais « Soolim » tente de l’atteindre.
Myrtille Akofa HAHO
Merci pour cette présentation qui donne envie de découvrir l’ouvrage.
J’ai hâte de lire cet ouvrage. En plus une idée inspirée par 6 femme et 2 homme, c’est à encourager. L’avant goût annonce déjà trop de chose.