L’apprenti cherchait à insister pour qu’elle lui augmente quelques centimes.

  • Eh belle-mère ! Toi aussi ! S’il te plaît, ton gendre ne doit-il pas manger ? Cessons palabres là et augmente 50 francs. Il n’attendit pas la réplique, s’étant déjà précipité de grimper avec singerie le bus. Il se retrouva en haut et demanda à la dame de lui porter vers son bagage. Celle-ci éleva le panier et le lui remit :
  • Je crois avoir été assez claire avec toi hein. Je débourse 100 francs et pas plus pour ce panier qui ne pèse même pas.

Alors qu’ils concluaient leur deal, les autres passagers s’indignaient depuis de la lenteur du racoleur. Son patron en profitait pour faire la cour à d’autres potentiels clients de l’autre côté de la voie.

  • Belle-mère, tu es vraiment dure et tu serres beaucoup ta main ! Entre quand même. Après tout, j’aurai ta fille en mariage, lui servit-il d’une hilarité mimée avec sérieux.
  • Gourmand de gendre ! Tu penses que je laisserai ma fille, si j’en avais, à un pingre comme toi ?

Malle arrière ouverte, première place occupée sur la dernière banquette. Le moteur vrombit plus fortement et s’en fut. L’apprenti courut comme un fou pour rattraper le bus en y sautant avec succès. C’était son job. Akɔwé jeta une œillade à sa montre : 07heures 15minutes. Il priait pour que le bus soit vite au complet afin qu’il n’y ait plus d’arrêt.

 

  • Tokpa, Tokpa ! Tokpa, Tokpa !

Le bus s’approchait du prochain carrefour où il y avait toujours de clients le matin. Les conducteurs de bus se bagarraient en vitesse comme en Formule 1 pour être les premiers à aller sur ledit carrefour nommé « carrefour Lobozounkpa ». Le chauffeur et son apprenti virent une replète cliente avec assez de bagages de l’autre côté de la voie.

  • Vite, traverse et va la chercher !

L’apprenti n’attendit pas le ralentissement des engins. Il tenait son bras gauche en l’air comme Béhanzin à la place Goho vers la direction des conducteurs, puis il se faufilait comme un cobaye chassé, entre les motos obligées de freiner avec des bruits de freins non graissés et avec des insultes à son endroit :

  • Quel diable te pourchasse, jeune délinquant ?
  • A cause de combien, tu exposes ta vie au danger ?
  • Laissez-le ! Je vais l’écraser sans m’arrêter…

Le bus accueillit la nouvelle passagère d’un bonjour qu’elle servit en premier.

 

Akɔwé, perturbé jusqu’aux viscères par la traîne du voyage, se cachait sous un silence de jeune homme civilisé. Il consulta sa montre : 07h25minutes. Il priait tous les dieux pour que le chauffeur démarre. Ses prières furent exaucées. Le bus dans sa course venait de dépasser le carrefour du CEG Godomey.

  • Tokpa pressé, Topka pressé ! Un personne, un personne, un personne ! Topka pressé, un personne…

La circulation étant fluide, la vitesse du bus s’accrut. Le vent soulevait les grains de sable tapis sur le goudron noir qui allaient se réfugier dans les coins d’yeux de quelques clients. Akɔwé dut baisser sa tête pour éviter cette poussière. A l’intérieur, ça s’échangeait. Ces bouches féminines se plaignaient de leurs maris, des enfants et du président têtu.

  • Topka pressé, un personne…

 

Le bus venait de descendre de l’échangeur alors qu’il sonnait 7h40minutes. La circulation se densifia. Deux rangées de véhicules, toute taille confondue, roulaient à une vitesse lente comme la colère du bon Dieu. Une véritable queue leu leu ; 1mètre/minute, vitesse maximale. A côté d’Akɔwé, les murmures d’indignation fusaient :

  • Eh mauvais sang ! C’est quoi ce go slow à cette heure-ci ?
  • Je dois être au service avant huit heures sinon mon salaire va en connaître une blessure.
  • Quel enfer ! Et c’est comme ça tous les matins !

Fabroni Bill YOCLOUNON

  1. Peinture burlesque….humour local….ça roule…..le terminus est encore loin….le carrefour de la mort, la place de l’étoile rouge, le carrefour lègba…..je suis maintenant dans le bus…..Akowé a le visage sombre comme un ciel gorgée de pluie…….