3-VIBER

La go fraîche avait pris tout son temps pour lire ou étudier ce message avant de me répondre une dizaine de minutes après :

  • Waoh ! j’adore bien les gars romantiques. Ils sont rares, comme la Rome antique sous les tropiques. Quelles sont tes préférences, gars choco ?
  • Comme couleurs, j’aime tout ce qui est multicolore mais on m’a souvent dit que le blanc me sied à merveille. Depuis que je suis à la recherche d’un amour glacé, j’évite le noir puisqu’il attire la chaleur. Je sais jouer au football quand il n’y a pas un arbitre pour diriger, ni un bon gardien pour me décourager. Cela me permet d’être libre comme les autres joueurs. J’aime beaucoup le basketball. Le tennis de table, je l’apprends à mes heures perdues que je rentabilise en pensant à mon avenir. Le handball et le volleyball sont aussi dans mes sports. Autres loisirs, j’adore danser ; tant qu’il y a mes deux écouteurs qui fonctionnent, je suis épanoui dans ma chambre. Le riz, les pommes frites au lapin sont les repas devant lesquels je souris. Dans mes relations humaines, j’accoste les gens sympathiques, simples comme toi, directs et francs comme toi et qui ne cachent pas leurs sentiments.

Chérie, je venais de jouer ton rôle près de ta voisine par ce message. Je me suis présenté comme tu me connais. Je n’ai pas menti sinon que toi-même tu sais que j’arrive difficilement à résister devant le riz ou les pommes frites au lapin. C’est d’ailleurs avec ces mets que tu me désorientais de tes petites tournures amoureuses pas très claires jusqu’encore aujourd’hui. Mais tu sais, je ne veux pas savoir ni voir clair car l’amour ne sait rien et ne voit jamais clair sinon que tu ne serais pas encore aveugle de mon amour.

 

 

  • Ro, s’il te plaît, renvoie le message. Je l’ai réceptionné incomplet chez moi.
  • Ro, tu m’as comprise ? Renvoie ton dernier texto s’il te plaît, le contenu est manquant.

Avec cette insistance, je compris que la go fraîche était sur le gril de dévorer des yeux son écran qu’elle devait être en train de palper pour avoir mon retour. Le texte était manquant parce que très long pour le format kif. Je lui renvoyai la dernière partie du texto. Un bip vint confirmer la réussite de l’envoi. J’attendais aussitôt une autre sonnerie de notification témoignant de l’arrivée d’un nouveau message de sa part. Mais les minutes passèrent et aucune sonnerie. La barre de réseau avait diminué d’un ou deux traits. Ma batterie était en dessus de 50%. Je ne supportais plus trop ce retard de sa réponse. Je mis la musique dans ma galerie pour détendre mes nerfs. Une musique me fit penser à toi. C’est cette sonorité que je te dédiais et t’interprétais presque avec ma voix pas très obéissante, lorsque tu me demandais si je t’aime vraiment. Je te répondais par la voix de la vedette qui disait tout dans le morceau. J’ai même dû conclure qu’il était inspiré par ma muse avant d’écrire cette musique. Elle te faisait plaisir. Je le savais par ton sourire décroché aux temps forts de la sonorité. Malgré cela, tu doutais encore. Chérie, je t’aime, mais tu ne sais pas. Seule ta plus proche voisine sait et en a déterminé même le degré : amour chaud qu’elle me propose de glacer. Le bip de notification me fit bondir légèrement et d’un seul coup le cœur. Un message était notifié. Je ne compris pas pourquoi mon cœur avait battu. Peut-être parce que je l’espérais, ce message. Je ne cherchai pas à comprendre. J’ouvris la messagerie et je pus lire :

  • Ro, c’est curieux qu’on ait assez de points communs. Tu es mon paronyme, je dirais. Tes préférences sont aussi les miennes. Je suis heureuse de ce qu’on partage assez de traits communs. Saufs le basket et le foot que je ne maitrise pas du tout, je me retrouve un peu partout dans ta liste. Mais pour qu’on quitte l’étape de paronymie à celle de la synonymie, je vais me mettre à jouer du foot et à faire du basket.

Chérie, ta voisine me ressemblait à ce point, et tu me l’avais pas dit? Par surcroît je ne l’avais jamais remarqué! Mais comment pouvais-je le constater si la chaleur de mon amour pour toi m’avait presque brûlé les yeux. Ta voisine est très accro du téléphone, tu sais ? Je n’avais même pas fini de lire son dernier message avant qu’elle ne m’envoie cette question :

  • Euh, gars choco, dis-moi sans carrefour, quel genre de filles aimes-tu ?

L’arrivée de ce message me fit détourner l’attention du précédent. Je le lus rapidement et je souris. Un sourire autant moqueur que questionneur. Je me suis moqué parce que je me disais voir déjà dans ma tête là où voudrait venir ta plus proche voisine ; puis je me suis demandé dans mon cœur ce qu’elle voulait que je réponde afin de ne pas tomber dans son piège.

Chérie, tu sais que les pièges de l’amour sont sans fin, et qu’il faille les éviter pour ne pas tomber dans des frasques. Je me protégeais ainsi d’une rupture entre toi et moi. Je t’aime même si tu ne le sais pas. Je regardais l’écran tactile sans savoir quoi servir comme réponse. Je le regardais et son temps de mise en veille l’éteignait. Je le retouchais pour le rallumer. Je relisais ensuite le message et je me mettais à écrire puis à supprimer tout ce que je venais d’écrire. Enfin je finis par être court, pour éviter d’éventuelles crises cardiaques:

 

 

 

  • Chère amie, j’aime les genres de fille comme ma chérie que tu connais et qui est ton amie.

J’ai voulu envoyer ce petit texte mais je me suis retenu soudain. Je le trouvais très simple et je pensais qu’il n’enrichirait pas la conversation, au contraire la limiterait. Je voulais faire élasticité et prolixité. Je voulais surtout faire tomber ta plus proche voisine dans son propre piège pour lui montrer combien je t’aime, et tu dois me croire, chérie. Je supprimai une nouvelle fois ce que j’avais pianoté et je lui écris :

  • J’aime les filles comme toi : simple, sympathique, fraiche et tout. Je confirmai l’envoi. j’attendis le bip de réussite de l’envoi.

Chérie, l’amour est magique : le bip de réussite ne venait pas. Je vérifiai et je vis en rouge « échec de l’envoi ». La même note s’afficha après moult essais. Je compris que mes messages bonus étaient épuisés. Chérie tu vois combien notre amour est magique. Le message n’est pas envoyé. Mon silence enquiquinait la go fraîche qui me renvoya la question. Ayant perçu un silence écrit, elle se mit à me biper. Je n’avais pas d’unités. Notre musique à nous deux, toi et moi, me fit endormir. Je crois même avoir rêvé de toi. Je me suis vu avec toi sur un grand rosier sans épines avec plusieurs roses de diverses couleurs. Nous étions montés grâce aux ailes de géants papillons. Les oiseaux venaient chanter notre musique que j’écoutais sur le portable endormi. Je t’avais arraché trois roses pour te les poser, une dans un coin de tes mèches, une autre entre ta tête et ton oreille gauche et la dernière dans ta main. Tu me souriais comme d’habitude sans rien dire. Tu voulais me dire : « Je … » quand je m’éveillai un peu brusquement.  Je pris prestement mon téléphone portable dont le voyant de notifications clignotait. Cinq appels en absence, tous de ta plus proche voisine de l’Est. Ça devenait trop serré entre elle et moi…

La fréquence des messages nous avait rendus un peu plus familiers au fil de six jours. Ta plus proche voisine ne se sentait plus obligée de tout m’écrire en lettres. Elle utilisait des chiffres et des lettres pour abréger ses textos. Et comme l’amour glacé ne parlait pas trop, je dus apprendre grâce à ta voisine comment écrire des abréviations. Tout ça pour glacer mon amour pour toi. C’était passionnant je l’avoue. Ecrire peu pour dire beaucoup. La go fraîche s’y plaisait mieux :

  • Choury, cmt vas-u ? Et ta swré ? Jsp que u ne t’enn8 pa a7. (Chéri, comment vas-tu ? Et ta soirée ? J’espère que tu ne t’ennuies pas assez.)
  • Oh nn. Kan u è en train de write ak mw, je m 100 b1. U fè kw ? (Oh non. Quand tu es en train d’écrire avec moi, je me sens bien. Tu fais quoi ?)

Chérie, cette nouvelle manière d’écrire les messages m’a fait perdre quelques degrés de ma chaleur. Ta plus proche voisine de l’Est m’en félicitait :

  • Ro, je dw t’avouer q u as bcp changé ; u es miE relax actu. Cntin8 coe cela, ton amr se glax. Lol ! (Ro, je dois t’avouer que tu as beaucoup changé ; tu es mieux relaxe actuellement. Continue comme cela, ton amour se glace. Rires !)

J’en riais presque aux éclats seul, la tête baissée ou plongée dans le portable. Je ne pouvais plus me passer de lui une dizaine de minutes d’affilée. On kiffait mais il manquait quelque chose au kif. Quelque chose que “Messenger“ comblera.

 

 

Bill  Fabroni  YOCLOUNON

  1. ça s’annonce croustillant. on attend de voir comment soufflera le vent d’Est