J’ai commencé l’école cette année. Il parait que je suis déjà assez grande pour fréquenter. Mes parents en avaient conçu le projet entre eux. Il y a du reste des écoles à proximité de notre maison, je n’aurai pas à marcher longtemps pour me rendre dans l’une d’elles. Et sans m’avoir informée, ma mère m’a inscrite dans l’un de ces établissements pour suivre le cours maternel deuxième année. Elle en annonça la nouvelle à son mari, un midi que nous étions tous à table, sachant que je l’apprendrais par la même occasion.


Il est vrai, j’enviais discrètement des gamins de mon âge, et même des plus âgés, que j’apercevais du balcon de notre maison, leur sac dans le dos, battant le trottoir de leurs chaussures en différents états, vers un lieu que je ne parvenais pas à me représenter. Ils passaient matin et soir, accompagnés de quelqu’un ou seuls, selon leur âge, certains, joyeux et exubérants, d’autres, préoccupés et tristes. Cependant, je ne pouvais pas m’empêcher de penser qu’ils étaient heureux, parce qu’ils rencontraient l’air qui leur caressait le visage comme pour les encourager et les revigorer. Moi, Mero, j’aime bien l’air, surtout quand il viole votre intimité pour vous effleurer le corps et en lécher la sueur de ses languettes voluptueuses. J’en ai fait l’expérience un jour. Nous étions allés à la plage, pour voir la mer et prendre de l’air. Mon corps en avait frémi, car l’air était fort, pas agressif plutôt caressant et doux. Je n’étais pas seule, il y avait mes parents avec moi, il y avait aussi ma tante, Nangan, la sœur-aînée de ma mère, puis ses deux garçons. On avait couru comme des fous dans le sable chaud à faire cramer la plante des pieds ; et puis, et puis, on avait fait du cheval ; je n’ai pas eu peur, je n’ai pas pleuré.
Dès que mes amis finissaient de passer, à ce qu’il me semblait, des sirènes hurlaient de façon stridente sans raison. Je pouvais les entendre plusieurs fois dans la journée.


Mon premier contact avec l’école eut lieu un petit matin. C’étaient plusieurs semaines après une fête, célébrée par tout le pays où, la veille, un homme que mon papa appelait président, était venu parler à la télé, puis le lendemain, des hommes en treillis avaient marché, de façon impeccable ; ils martelaient le sol de leur pied, au rythme d’une musique qu’on disait propre à leur corporation.
Mes parents, très attentionnés, m’avaient préparée minutieusement à cette rencontre avec l’école. Ils tenaient à m’éviter le choc de la contrainte de m’arracher tôt au lit le matin, et à la maison tous les jours. Ils s’en étaient distribué les rôles, et chacun d’eux les avait tenus publiquement et scrupuleusement pour m’inclure dans les préparatifs.
Les choses se précipitèrent une ou deux semaines avant le jour fatidique. Ma mère qui se levait souvent tôt le matin, parce que beaucoup de ses cours commençaient à sept heures, me réveillait aussi et me faisait prendre mon petit déjeuner. Je ne savais pas que ma préparation avait commencé.
Un soir, après dîner, mon père libérait les frais d’écolage et un autre soir, ma mère rendait compte de son passage à l’école et de l’achat des fournitures. Elle les mit sur la table.
Il y avait un sac à dos. De couleur rose, il n’a qu’une seule poche intérieure. C’est à l’extérieur que l’on trouve une loge en filet pour la gourde, une petite poche à rabat garnie de deux loquets de fermeture. Il y avait une magnifique gourde au goulot terminé par un petit tuyau d’aspiration d’eau, puis il y avait encore des cahiers, des crayons, des bics, deux polos Lacoste et un tissu de couleur verte. À leur vue, mes yeux pétillaient et une immense joie inondait tout mon être. Le lendemain, nous fîmes une visite à un tailleur, ma mère et moi; il prit mes mesures afin de me confectionner deux pantalons.
Et, comme au galop, le jour de la rentrée vint. Tôt ce matin-là, toute la maisonnée était en branle-bas. Tandis que ma mère chauffait de l’eau pour nos bains, elle et moi, papa, de son côté, repassait des vêtements, les siens propres, ceux de sa femme et les miens. Bien que je fusse réveillée et suivisse tout, je restais à me prélasser dans le lit.

A SUIVRE…

 

Ascension BOGNIAHO