Dehors, la pluie continuait de tomber. Les gens s’étaient réfugiés sous les rares hangars qui ont résisté à l’opération de déguerpissement. Dans les rues, sur les pavés submergés par les eaux, il n’y avait pas une âme qui vive. Il ne faisait pas d’ailleurs bon de s’aventurer dehors, tellement il faisait froid et noir. Le seul distributeur national de courant remplissait merveilleusement son office en coupant l’électricité. Partout régnait une obscurité totale. Vu le contexte et pour des raisons de sécurité, Atamin-Vivi se leva et s’approcha d’Alida blottie contre la porte:

– Ecoute, ma belle, il se fait tard, et avec cette pluie, je ne pense pas qu’il serait bon et prudent que tu rentres à la maison. Tu vas donc devoir dormir ici et demain, tu pourras aller au cours.

Elle trouva réfléchie cette idée, mais une étonnante peur s’empara d’elle : « Et s’il me demandait de coucher avec lui, comment pourrais-je me sauver?

Chez le professeur, il y avait suffisamment de chambres. C’est une pièce qui a un grand salon trois chambres, une arrière-cour, une cuisine, un garage qui peut contenir trois à quatre voitures. Alida constata que le professeur n’était pas seul dans la maison. Fit apparition une femme qui, elle le comprit plus tard, s’occupait du ménage et d’un enfant de trois et demi. Elle resta muette, plongée dans ses réflexions. Le professeur la ramena à la réalité:

– Tu m’écoutes ?

– Oh pardon, j’ai tellement froid que je ne vous suivais pas trop. Je m’en excuse.

– Je te disais que tu allais dormir dans la chambre d’amis, qui se trouve en haut. J’occuperai ma propre chambre en bas. Je voudrais que tu te sentes à l’aise et que tu saches que je ne te mets pas de pression.

Elle acquiesça. Après le repas, elle resta un peu au salon pour suivre la télé, car dans la maison, le groupe électrogène secours était allumé. Elle en profita pour appeler ses parents et les avertir qu’elle était au chaud. Ce n’était donc pas la peine de s’inquiéter pour elle. Elle leur dit qu’elle était avec une amie. Elle y restera jusqu’au lendemain. Mais elle ne dormit pas correctement cette nuit-là. La peur de voir débarquer à tout instant ce professeur, l’indisposait. Elle était alors sur le qui-vive. Malgré sa vigilance, le sommeil vint néanmoins la trouver.

Tôt le matin, à son réveil, elle fit son bain dans sa chambre, qui disposait d’une douche interne. Elle n’avait donc pas besoin de se déambuler dans la maison pour se montrer. Elle reprit ses vêtements de la veille, ouvrit la porte pour descendre au salon, mais à sa grande surprise, elle trouva devant la porte, des vêtements neufs composé d’un tee-shirt et d’un pantalon jean, soigneusement pliés et déposés sur une table. Elle les toucha, en sentit l’odeur de parfum, mais ne les prit point. Une fois au salon, elle vit qu’Atamin-Vivi s’y trouvait déjà, et prenait son petit déjeuner.

– Mais non, tu ne vas quand même pas porter les mêmes vêtements que la veille, Bon Dieu de bons Saints. N’as-tu pas vu au seuil de ta porte un lot de vêtements ? Je veux que tu les portes. La domestique se chargera de laver ceux que tu as portés hier, et le soir en rentrant, tu passeras ici les chercher. Une belle jeune fille comme toi ne peut pas porter les mêmes tenues tous les jours. Tu n’es plus au collège ou au lycée.

Sur insistance du professeur, elle se laissa faire. Elle remonta et se changea. Tellement les tenues lui seyaient qu’on aurait dit qu’elles lui appartenaient depuis toujours. Une fois en bas, elle le remercia, prit son petit déjeuner, et fut obligée d’accepter de monter dans la voiture de Antonin.

Atamin-Vivi ne comprenait pas comment il a réussi à ne pas avoir dans ses bras une si jolie femme qui a dormi avec lui dans la même maison. Il se demanda s’il n’était pas possédé au point de ne pas avoir réussi à sauter sur elle, ou tout au moins aller dans sa chambre la nuit pour dormir avec elle. Ces réflexions aiguisèrent ses appétits et allumèrent en lui des désirs trop longtemps contenus. Il ne put se consacrer à son travail.

Alida quant à elle, passa la journée à penser à sa vie. C’était la première fois qu’elle passait une nuit en dehors de la maison. Elle entendait ses amis parler, elles qui fuguaient pour aller rester avec leurs copains, d’autres avec des hommes mariés, et d’autres encore qui vendaient leurs charmes à Jonquet pour s’assurer le minimum vital et se payer leurs études. Elle se l’était promise. Jamais, elle ne ferait cela. Mais diable, comment les choses s’étaient-elles passées pour qu’elle échouât chez Atamin-Vivi dont l’évocation du nom la fit trembler la première fois qu’elle l’entendit? Aucune réponse. Mais une seule idée l’intriguait. Pourquoi il n’a pas voulu la déranger, surtout que la chambre où elle dormit avait la serrure endommagée ? Si c’étaient les autres hommes, ils lui auraient tout au moins proposé de dormir ensemble avant qu’elle ne refuse. Du coup, elle se sentit un peu en sécurité avec cet homme qu’il apprenait à comprendre. Et quand elle se rappela que le soir, elle devrait s’y rendre encore, du moins, pour chercher ses habits, son corps se glaça. Son sang fit un tour fit dans ses veines et s’arrêta. Son cœur se mit à battre beaucoup plus vite qu’à l’ordinaire. Elle avait l’impression d’avoir défié Usain Bolt sur une piste d’athlétisme.  Elle respira un grand coup, prit son téléphone appela ses parents pour les rassurer.

Le soir, Atamin-Vivi vint la chercher plus tôt que prévu. Avant de rentrer, ils partirent dans un bar pour manger. L’ambiance était glaciale. Personne ne réussit à dire un mot, pendant de longues minutes. Subitement, il affirma :

– Alida, est-ce que tu sais que tu es belle ? Je n’arrive pas à comprendre comment Dieu a permis qu’une seule femme concentre en elle seule toutes les beautés tropicales et méditerranéennes rassemblées. Tes parents doivent être fiers de toi. Je suis heureux de te connaitre.

Alida était restée sans mots, et visiblement gênée, troublée. Elle prit son verre, et but le reste de sa boisson d’un trait. Le professeur s’en aperçut et enchaîna :

– Tu as constaté hier que je suis seul à la maison, avec une domestique et un enfant de trois ans et demie. Cet enfant, c’est le mien. Sa mère, après quatre ans de vie commune, me l’a abandonné sans raison et prit le large. Je me débrouille donc tout seul avec lui. Depuis un bon moment, je pense que toi-même tu aurais dû le constater, tu me plais beaucoup et je voudrais construire un foyer durable et sérieux avec toi. Veux-tu être la mère de mes enfants?

Alida resta perplexe. Au fond, elle s’y attendait. Mais d’où lui vint alors cette sensation étrange ? Ne l’avait-elle pas aussi désiré ? N’avait-elle pas trouvé en ce sieur un homme charmant au point de faire une conclusion, quoique hâtive sur lui, en le mettant dans un autre panier ou en le hissant sur un autre palier? Ne s’était-il pas bien comporté avec lui ? Avait-elle trouvé mieux ailleurs, quand elle pense à ces différentes mésaventures vécues jusque-là ? Sans crier gare, avec une timidité étonnante et à peine cachée, elle soupira et dit:

 

 

Claude Kouassi OBOE

 

  1. Idyllique, féerique, pastorale
    Romantique, voilà comment j’imagine la suite de cette histoire même si le titre semble évocateur d’une légère ombre de tristesse. J’adooooore