Les deux étaient face à face. Silencieux. Subitement, Atamin-Vivi éclata de rire et ouvrit ses bras. Mais Alida ne bougea pas. Il fit deux pas vers elle. Elle ne fit aucun mouvement. Dans ses yeux clairs, se lisaient la sérénité et un calme olympien. Atamin-Vivi se mit à genoux et réitéra sa demande: « Epouse-moi, je te rendrai heureuse« . La demoiselle l’aida à se relever, émue et dépassée par ce qu’elle venait de voir. Elle ouvrit ses bras, à son tour, et Atamin-Vivi s’y lova. Ils s’étreignirent quelques moments avant de se détacher l’un de l’autre. La demoiselle rentra chez elle, heureuse et rassérénée.

Les jours passèrent et les tourtereaux apprenaient continuellement à se connaître. Alida reçut une réponse favorable à une demande de stage dans une société à Godomey. Désormais, elle partageait le clair de son temps chez elle à la maison à Calavi, à son lieu de stage à Godomey et dans la maison de son nouveau amoureux à Agla. Elle se disait que c’était fini le temps des petits amoureux qui l’avaient fait souffrir, fini ce temps de brouille entre son ancien copain et elle où les parents n’ont pas voulu d’une relation entre une chrétienne catholique et un musulman convaincu que sans sa barbe, il brûlerait dans la géhenne, loin du Prophète et de ces multitudes de femmes vierges et corpulentes dont doit hériter tout bon musulman après sa mort. Alida mit du temps à se remettre de cette déchirure surtout que la dernière raide de la police avait épinglé des malfrats parmi lesquels figurait son prétendant Moudachirou Ibn kathir. Maintenant que la vie lui sourit, elle ferait tout pour que cela demeure le plus longtemps possible… jusqu’à l’éternité. Et elle ne cessait de se répéter : « En tout cas, ce ne sera pas à cause de moi que ma relation avec Antonin va se dégrader. » Elle n’aime pas trop le nom Atamin-Vivi. Elle préfère Antonin.

Les deux amoureux filaient le parfait amour. Alida apprenait chaque jour à connaitre un peu plus son homme. Au fur et à mesure que les jours passaient, elle se rendait petitement compte que Atamin-vivi devrait être un homme un peu difficile, conquérant, envahissant, possessif, trop méticuleux et maladivement jaloux. En plus, il voulait tout savoir sur elle. Il voulait avoir le contrôle sur tout. Elle le trouvait étouffant, mais elle l’aimait. Il ne lui laissait aucun espace de liberté, mais elle le supportait. En réalité, Alida n’avait pas le droit de parler avec la domestique de la maison. Dès qu’il les voyait ensemble, il pensait qu’elles complotaient contre lui. Alida n’était pas dupe. Il fallait qu’elle réveille la femme qui sommeillait en elle.

Un jour, elle lui annonça qu’elle était harcelée par ses patrons au service. Son intention était qu’ensemble, tous les deux, ils réussissent à trouver une solution à cet incident. Il lui promit qu’il allait réellement arranger l’affaire en lui trouvant un autre lieu de stage. Malheureusement, le mal persista et elle se plaignit de nouveau à son homme. La solution trouvée était très simple.

– Je pense que pour lutter contre ce harcèlement que tu subis, tu vas désormais rester à la maison. Une femme au foyer en quelque sorte. Mais je te promets te payer ta prime de stage.

– Non et non, tu ne peux pas me dire cela. C’est mon avenir qui est en jeu. Ce Comment peux-tu me dire de rester à la maison, alors que je suis en stage pour préparer ma Licence en Marketing Action Commerciale ? Je ne suis pas du tout d’accord avec toi. Il faut savoir que quoi qu’il se passe, je soutiendrai et obtiendrai cette licence. J’avais pensé que tu allais me soutenir vraiment, mais j’ai l’impression que tu me prends pour un objet et que tu ne penses qu’à toi. Cette licence, c’est le plus beau cadeau que je puisse offrir à mes parents qui se sont saignés pour que j’aille à l’école. Ce diplôme servira à leur essuyer les larmes et éponger leur sueur pour tout ce qu’ils ont investi pour moi.

– Ok, je te comprends. Du calme. Je ne voulais pas créer la troisième guerre mondiale, ma chère. Mais tu comprends que je lutte pour te protéger car je ne veux pas te perdre. Je vais donc réussir à te trouver une autre solution. Continue néanmoins à suivre le stage, en attendant que nous trouvions mieux.

– Autre chose, mon ordinateur ne fonctionne plus correctement ; il se plante régulièrement et selon mon maintenancier, l’appareil a subi l’usure du temps et il vaut mieux en acheter un autre et y transférer les données. J’en voudrais donc un nouveau pour faciliter mes travaux au cours de mon stage.

– Il n’y a pas de souci. Actuellement, je n’ai pas les moyens nécessaires pour t’en payer un autre. Mais j’ai celui de ma jeune sœur qui est là. Cela fait quelques mois qu’on le lui a payé. Elle ne l’avait plus utilisé que pendant un mois. C’est toujours dans le carton. Je vais le sortir pour toi pour que tu puisses l’utiliser.

 

– Non, je ne veux me coltiner un appareil que quelqu’un a déjà utilisé. Je veux un ordi flambant neuf, neuf et rutilant comme mon amour pour toi. D’ailleurs, comme tu le sais, mon amour pour toi n’est comme Wôkoli (pâte de maïs recyclée), ni pain sɔb’édɔ (pain rassis). C’est un amour fumant. Et je crois, sauf erreur de ma part, que je mérite que tu me payes cet ordinateur. Si tu veux vraiment que je devienne ta femme, il faut commencer par me le prouver en m’aidant à assurer mon avenir, notre avenir et celui de nos enfants, car je n’entends pas être un poids pour toi dans le foyer. Je ne veux pas non plus être « madame salon ». Non, je dois travailler et apporter dans le foyer ma quotte part. C’est à prendre ou à laisser. Je ne te pose pas des conditions, mais je veux juste que tu comprennes comment je veux vivre sous ton toit.

– Mais, que me dis-tu ? Je te dis que l’appareil est toujours neuf. On ne saura même pas que cela avait été payé il y a environ cinq mois. Attends que je le sorte et toi-même tu verras que ce que je dis est vrai…

Alida ne laissa pas son homme terminer ses propos. Elle le coupa net et conclut :

– Si tu n’es pas en mesure de payer un ordinateur pour mon travail, je ne vois pas en quoi tu me seras utile. Ce n’est pas du chantage. Mais « No contribution, no drink« . Tu demandes à avoir des relations intimes avec moi et tu ne t’engages pas à me soutenir dans mes rêves. Je n’ai pas demandé de mèches, ni de chaussures, ni des vêtements. Rien de toutes ces choses qui ne sont pas du tout accessoires pour une femme. J’en ai le droit. Mais j’en ai fait fi. Si ce n’est que mon corps et mon sexe qui t’intéressent chez moi, je crois qu’il va falloir que nous réexaminions les clauses du contrat. Le jour baisse. Mes parents vont s’inquiéter. A demain.

Elle lui fit une bise à la sauvette et se retira, le laissant interloqué.

Pendant deux semaines toute entières, la situation est demeurée tendue entre les deux amoureux. Plus de sms coquins, plus de blagues échangées tard dans la nuit, plus de concurrence pour voir qui dirait premièrement bonjour à l’autre, plus de « cc, mon coucou, juste pour voir si ton cœur bat et bat pour moi, car le tien bat dans ma poitrine« . Plus rien de tout ça. Alida avait envie d’acheter une éponge métallique pour nettoyer tous les baisers que lui avait donnés Antonin. Elle avait aussi à plusieurs reprises, pensé à effacer son numéro de son répertoire comme elle le fit pour les messages échangés avec lui. C’est durant cette « trêve » sentimentale qu’elle réalisa que son Antonin avait une grosse tête, des yeux obliques, des lèvres trop rouges, le menton trop pointu, plus pointu que celui du bouc non castré de sa grand-mère. Elle arriva même à établir que’Antonin sentait mauvais comme le bouc. Commençait-elle par ne plus l’aimer? De toute évidence, les chose n’étaient plus comme avant. Mais paradoxalement, elle n’arrivait pas à l’oublier. Antonin de son côté dépérissait visiblement, mais sa tête grossissait il ne dormait plus, n’arrivait plus à préparer ses cours correctement. Alida poursuivit son stage et Atamin-vivi n’avait toujours pas réussir à lui trouver un autre endroit, tout comme il n’avait pu lui acheter un nouvel ordinateur. « Que faisait-il avec son salaire? » se demandait Alida.

Après ces deux semaines de guerre froide, Alida avait décidé de ne pas baisser la garde. C’est alors que son amant la harcelait de messages, matin, midi et soir? Mais comme elle se l’était promis, elle voulait écouter sa raison plutôt que son cœur. Et l’urgence que lui indiquait sa raison, c’était sa licence. La jeune dame se lança à corps perdu dans ses études, le stage tendant vers sa fin. Elle avait abandonné son téléphone pour se consacrer à sa licence.

Un jour Atamin-vivi se rendit à la société où Alida faisait son stage et l’attendit à la sortie. A peine celle-ci sortit-elle qu’il l’empoigna par la taille et la ramena vers sa voiture. Il était midi. C’était l’heure de la pause et il y avait du monde à l’endroit. Alida était avec ses camarades stagiaires parmi lesquels il y avait Raoul qui tenait Alida par la main et la faisait rire aux éclats quand elle descendait des escaliers pour le restaurant où ils devaient prendre, ensemble avec tous les autres stagiaires, le repas de midi. Sans crier gare, Antonin se mit à la violenter devant toute cette foule médusée après avoir asséné un bon coup au malheureux Raoul. Son tort était d’être avec Alida au mauvais moment. Or ce Raoul venait d’être sacré champion au Concours National des Arts Martiaux. Mais il lui était défendu de faire usage de sa science, sauf sur le dojo. Indignée par cet acte, Alida se servit de son genou pour violenter l’entre-jambe de Atamin-Vivi, en lui déclarant : « Désormais, tu seras Atamin-Vévé. » Au même moment, les étudiants se ruèrent sur Atamin-vivi et le rouèrent de coups en chantant en chœur:

« Eh Kpan houn’akou

Asamin koudé

Assamé wè vividé

Assamé koudé« 

Ils ajoutèrent: « L’artiste a équilibré l’équation. Quand il a dit que la jouissance avait son siège entre les jambes, il a en même temps ajouté que la mort aussi en a le sien au même au même endroit. Mais toi, poursuivi par ton non, tu n’en as gardé que le premier terme : Assamé wè vividé. Ah le cochon cravaté. Cela t’apprendra à porter la main sur une femme. Assamè-Vivè« . Et ils éclatèrent de rire.

Sur ses entrefaites, débarqua la sœur de Alida, la plus sulfureuse de la famille. Quand elle apprit ce qui se passait, elle forma un gros coup de poing qu’elle asséna à Atamin-Vivi maîtrisé par deux gros bras. Il s’écria : « Oh mon destin, pourquoi froissez-vous mon destin ainsi? Pourquoi le violentez-vous? »

 

 

La foule éclata de rire. « Donc ton destin est entre tes jambes« . Les deux gros bras le relâchèrent. Il bondit comme un lièvre et s’élança vers sa voiture située à une dizaine de mètres. Un Zémidjan qui roulait à vive allure le renversa violemment. Il tomba et perdit connaissance. Les gens accoururent l’entourer mais personne ne fit rien pour le soulager sinon que de bavarder et de le filmer avec leurs téléphones portables et envoyaient les images automatiquement sur les réseaux sociaux.

C’est encore Alida qui, après s’être jetée à ses pieds et le prit dans ses bras, sortit son téléphone et appela toute en pleurs les sapeurs-pompiers. Aucune réponse. Elle tenta de nouveau. Aucune réponse. Au troisième essai, le téléphone des sapeurs était hors zone…

Kouassi Claude OBOE

  1. Monsieur OBOE,merci pour cette belle aventure que vois nous avez offerts.Je pense de ma part que Atamin Vivi a reçu sa dose et doit comprendre que la vie n’est pas faite ainsi et qu’il faut respecter l’autre dans sa dignité.Ainsi,tout ira bien.Merci beaucoup à vous.