En guise d’échauffement et d’entrée triomphale dans le débat qui s’annonçait houleux, je tins à rappeler à la suite du doyen que démocratie, ça venait effectivement de demos-kratein ou pour être plus juste de demokratia, gouvernement par le peuple et qu’il s’agit d’un régime politique où le peuple est entièrement souverain. Cette brève clarification étymologique me valut une tape amicale du doyen et les regards étonnés et impressionnés de Botokoin et consorts. Tanti Akloui, bluffée par ma science me gratifia d’un sourire princier concrétisé par un bol supplémentaire de Akloui en signe d’encouragement de l’excellence.

– Demos-kratein, sauf que le peuple ici chez nous n’a jamais rien gouverné, argua le doyen. En lieu et place du peuple souverain, ce sont cinq casiers de vingt-quatre plantons qui se disent nos représentants et qui décident de tout et qui disent voter des lois dont ils disent qu’elles nous arrangent mais qui en fait n’arrangent que leurs poches et leurs bedons jamais pleins.

– Doyennnn !!! Applaudit l’assistance

Schopenhauer qui n’avait pas dit son dernier mot, revint à la charge.

– Comme si ce n’était pas nous-mêmes qui avons voté pour eux. Nous-mêmes qui les avons légalement et démocratiquement élus.

– La démocratie n’est pas un vain mot.., m’invitai-je au débat, sans vraiment me demander si mon assertion était opportune.

– C’est un comportement, renchérirent Botokoin et le fonctionnaire partisan d’un des-partis-de-l’opposition-qui-en-fait-n’ont-jamais-pu-s’opposer-à-grand-chose.

Un silence passa. Le doyen, tout en pestant contre la perte en quantité et en épaisseur du Akloui, signe tangible du mal du pays dû au mal-être de la démocratie, commanda son deuxième bol. Botokoin fit de même. J’en étais à mon troisième bol de 100francs, sans compter le bonus de Tanti Akloui. Schopenhauer attendait la réplique du doyen tout en sirotant son quatrième bol.

– Démocratiquement, dis-tu Schopenhauer ? Diantre, quelle naïveté mon garçon ! Ceux qui sont là actuellement, tu les appelles eux, des représentants légitimes du peuple ?

– Moi oui, dit Botokoin.

– Moi, un peu. Répondis-je.

– Non, non et non, cria le fonctionnaire.

Deux contre trois. Ou du moins, deux et demi contre deux et demi, si on doit compter avec moi qui étais mi- oui, mi- non.

– Bande de vendus ! Combien ils vous ont donné pour leur faire de la propagande ? Combien de misérables mille de francs CFA ? Comment pouvez-vous trouver légitime cette législature farfelue ? Comment pouvez-vous prêter quelque once de légitimité à ces gens que le demos, le peuple souverain dans sa majorité rejette ?

– Et pourtant, on a voté pour eux. Nous-mêmes. Répliquèrent Botokoin et Schopenhauer. Si vous êtes contre les gens, c’est ce que vous racontez. Est-ce leur faute s’ils sont venus battre vos candidats à vous dans leur propre fieffe ?

– Nous qui ? Nous qui ? 17,95 grammes seulement de taux de participation à ces élections-mascarades orchestrées par et pour le clan régnant ? Quel nous  a voté ? Certainement pas le peuple souverain. C’est vrai que les radios internationales ont publié un taux de participation de 97, 15 kilogrammes de participation, mais, pas grave.

– Bien dit, doyen, encouragea le fonctionnaire.

– Cette attitude n’est pas à encourager. Ça s’appelle se dérober à ses devoirs citoyens. Le vote, c’est notre devoir. Et on n’a interdit à personne d’aller voter. C’est cela la démocratie.

Gilles Junior GBETO