Sènablo est différent des autres hommes volages, pères de famille et polygames précoces. Certes, il est un charmeur, mais il préfère la solitude, le célibat, du moins, ses choix l’y ont contraint. A quarante-cinq ans il n’est pas encore marié. Mais c’est un homme riche, immensément riche. On le voit par moment avec des femmes, mais leur amitié ne dure souvent que le temps d’un éclair. Sènablo a un problème. Il n’est pas comme les autres hommes. Il a essuyé plusieurs fois la colère puis la raillerie des filles qui lui avaient donné leur coeur. Afiavi est sa dernière conquête. Mais avant elle, il s’est lié d’amitié avec Alice, Chancelle, Bella, Bêti (Albertine). Aucune d’elles n’a réussi à faire fléchir son coeur. Elles ont compris finalement qu’il n’est pas comme les autres garçons. Sènablo a un problème : sa bûchette d’allumette est tombée dans l’eau[1]. Et cela constitue pour lui et ses parents une souffrance atroce. Il est devenu la risée de tout le village. C’est là un outrage, un défi. Ses parents ont consulté l’oracle, honoré les sacrifices prescrits, rien n’y fit. Mais un doute subsiste: « D’où lui est venue cette maladie? ». Ses parents attestent qu’il n’est pas né ainsi. Certainement on l’aurait envoûté à cause de sa beauté et de ses qualités. Mais qui aurait pu commettre pareille faute ?

Un matin, la radio passa une annonce publicitaire : un el hadj, revenu fraîchement de la Mecque avait le pouvoir de rendre la virilité à ceux qui en sont dépourvus. Il pouvait aussi guérir la stérilité. Parmi les bénéficiaires des soins de El Hadj, il y avait la neuvième maîtresse du préfet, et le sous-préfet. Ce dernier aurait détourné la femme d’un mécanicien. Et malheur pour lui, cette dernière n’était pas une proie facile comme les autres femmes. En effet le mécanicien avait « miné » sa femme. L’acte accompli, ce dernier rentra chez lui. Et depuis lors, sa virilité s’était éloignée de lui.

Quand Sènablo avait eu ces bonnes nouvelles, il avait compris que El Hadj pouvait le délivrer aussi. Car, il avouait être dans le même cas que le sous-préfet. Evidemment, sa bourse lui permet tous les plaisirs normaux et animaux, à en croire les plaintes de certaines de ces victimes dont certaines ont juré de ne jamais plus s’approcher d’un homme. Il y en avait qui n’entendent même plus parler de mariage de peur d’être violées une deuxième fois. Mais de toutes ces expériences, Sènablo ne savait pas exactement laquelle l’avait rendu pareil au sous-préfet. De toute évidence, la publicité de la radio l’enchante, vu aussi qu’il a consulté en vain beaucoup de guérisseurs et de magiciens. Il a déjà ingurgité toutes sortes de potions sans satisfaction. Toute son économie y est passée. Résultat, son affaire s’est atrophiée, rivalisant de taille avec celle d’un garçonnet. Et le pire, c’est qu’elle est demeurée comme un ver de terre. Depuis quand cela lui est-il arrivé? Il refuse de s’en souvenir.

[1] Euphémisme pour désigner l’impuissance

 

Destin Mahulolo