– Mais ! que fais-tu ainsi ? m’étais-je étonnée presque folle de rage.

***

– C’est l’heure de la pause, avait-il répondu. Viens manger.

– Je n’ai pas faim.

– Si, tu dois avoir faim, avait-il répliqué. Tu as faim, avait-il accentué en élevant un peu la voix.

– Es-tu devenu maintenant le fétiche-guetteur, juché sur le toit de Karaba la sorcière, pour tout savoir et tout voir ! m’étais-je étonnée, dressée sur mes pieds, les poings fermés, toisant mon oncle comme dans les prémisses d’une bagarre.

– Mero ! ton ventre a faim, voilà !

– Ma parole! avais-je dit ; je te ferai dévorer par le gragon cracheur de feu ;

– On dit Dragon, Dra et non gragon, avait-il rectifié.  Je le tuerai, ton dragon.

– Avec quoi ?  Tu n’as même pas une épée magique.  Seul son souffle chaud te réduira en cendres

– Trêve de discussions ! Viens manger.

– Je vais me plaindre à ma maman !

– Mero, je vais te botter tes petites fesses si tu ne viens pas manger tout de suite.

– Bon ! avais-je dit avec une moue de personne à la fois déçue et vaincue.

Sauce de man vivê ou légume amer et wokoli ou pâte de semoule de maïs rassise composaient le menu de cette mi-journée-là. Je m’en régalai parce que j’aimais bien manger de ces légumes qui vous inondent la bouche d’un arrière-goût sucré. En allant me coucher, je cherchais un bon tour qui me ferait revenir devant la télé pour suivre mon émission. Je n’avais pas mis longtemps pour le trouver. Sautant de mon lit, j’avais fait irruption dans la chambre de mon oncle en brandissant un bâton de fer torsadé.

– Abracadabra! avais-je dit, en pointant mon outil sur lui, transforme-toi en crapaud.

Mon oncle, surpris, m’avait regardée. Il réprimait un sourire qui s’efforçait de détendre son visage. Mais, comme le charme ne s’était pas opéré, j’invoquai les génies de mon père.

– Vous,  génies de mon père ! avais-je dit, la baguette pointée au plafond, j’en appelle à vous, transformez cet homme en crapaud, avais-je ordonné, en pointant de nouveau ma baguette vers mon oncle.

– Mero, ton père ne possède aucun génie, tu te leurres ; sors de ma chambre et va te coucher immédiatement ou je te botte les fesses.

– Ooooooo vraiment ! d’accord ! Mais, tonton, tu ne veux pas d’un carré de ce chocolat que mon papa m’avait ramené la semaine dernière ? Moi, j’en prendrais bien un.

– Je n’aime pas le chocolat, il abîme les dents. Mero, sors de chez moi. Plus tu restes ici à parlementer, à chercher à me corrompre,  plus tu resteras dormir, car il y a une durée pour ta sieste de l’après-midi.  Et tu imagines que beaucoup d’émissions te passeront sous le nez.

– Tu as raison, tonton chéri, avais-je reconnu.

Et, tête basse, j’avais rejoint mon lit où un sommeil consolateur m’attendait.

A SUIVRE…

Ascension BOGNIAHO