« Authentique histoire du philosophe Dimitri, parce qu’il faut le notifier, c’était un philosophe. » Tous me regardaient avec ce regard qu’une totale curiosité confère. Je poursuivis… Elle était là, interdite devant ce spectacle désolant qui s’offrait à elle. L’effroi provoqué par ce dernier dénuda ses pores à tel enseigne qu’on pourrait se donner le loisir de les compter. Ruth paniquait. L’auteur de ses déboires était à présent à genou, bras en croix les yeux levés vers son interlocutrice. De l’extérieur je suivais la scène, ahuris et blême. Dimitri était le trublion de trop pour la quiétude de la jeune Ruth. Eminent professeur de philosophie, la quarantaine révolue, il était le maitre de sa matière. Avec lui c’était le magister dixit- le maitre a dit. Monsieur Dimitri imposait le respect et l’admiration, perché du haut de ses un mètre quatre-vingts. Mais le voilà qui se débarrassait de son manteau de magister.  Il se fit tout petit devant cette petite Ruth devenue la hutte où voulait désormais reposer son cœur. Il suppliait :

– Viens passer la Saint Valentin avec moi, dit-il la bouche en forme de cœur. Pour l’amour du ciel, ne me refuse pas cette faveur.

– Je ne peux pas Monsieur, fut la seule réponse qu’il obtint de la part de Ruth, scandalisée par le  comportement du philosophe. Monsieur Dimitri enchaina toutes les techniques de drague à sa portée, mais rien n’y fit. Il se heurta le front contre le bouclier de silence savamment conçu par la jeune fille. Il convoqua Blaise Pascal dans sa célèbre pensée du cœur ayant ses raisons et que la raison elle-même ignore. Sans succès. Il se permit même d’invoquer Allah. Zéro. La jeune fille prit le plaisir de lui rappeler qu’Allah n’est jamais obligé.

– Omo Adja !, avait-elle ajouté.

Ruth malgré son jeune âge n’était pas une débutante. Etaient donc de nul effet, ces formules toutes faites destinées à apprivoiser les cœurs les plus naïfs. Je me rinçais les yeux de l’extérieur de la salle de classe de la Terminale A1. C’est une manie que j’avais. Pour ça j’étais « l’Espion-Blanc » ayant le plus de zèle.

Ici au CCSM, il existe deux groupes d’espions. Nous étions tous à la recherche de la moindre information. Un réseau de pseudo-journalistes je dirais. Mais on nous appelait Espions Rouge ou Blanc en raison de ce qui motivait l’un ou l’autre groupe. Moi j’étais un Espion-Blanc. Notre organisation à nous, se contentait d’exploiter les informations pour venir en aide aux camarades en difficulté. Pour ce fait, nous n’étions pas traités en persona grata par nos amis Espions Rouges. Je sentis une tape violente sur ma nuque, qui me fit dodeliner de la tête. Je fus projeté violement contre le mur.

-Depuis quand est-ce que tu écoutes aux portes sans moi ? Tu veux te garder à toi seul le scoop du mois ? Je venais ainsi d’être violement interrompu par Ho-Vivi, le chef de fil de la bande des Espions-Rouges. Un bel homme, d’un mètre cinquante. Ce dernier usait de son physique attrayant pour obtenir toute sorte d’information auprès des jeunes filles. Aucun évènement insolite ne pouvait émerger au CCSM sans qu’il n’en soit le griot improvisé et zélé. Ce qui lui a valu d’ailleurs ce sobriquet d’Espion-Rouge en chef. Il ne faisait pas que glaner des informations çà et là, son rôle même était de les rapporter aux professeurs, qui dare-dare s’en servaient à leur guise.

– Alors qu’est-ce que tu regardes ? demanda-il. – Saint Valentin et sa Valentine, balbutiai- je, intimidé par sa carapace.

– Quoi ? Serais- tu en train de te payer ma tête ?

– Je te jure que non. Entre et tu verras. Je pris mes jambes à mon coup et je disparus sans regarder derrière moi.

Des jours se sont écoulés, ils ont trépassé sans que je ne sache ce qui se passa après ma fuite…..

 

A suivre

Adébayo Adjaho