« Au bord du fleuve », Cheryl Itanda.

« Au bord du fleuve », Cheryl Itanda.

« Il n’y a pas d’Humanité pour les hommes sans terre »

Cheryl Itanda, Au bord du fleuve suivi de Explorateur de tendresse, Dacres Edition, 2021, 195 pages.

Plongeons dans l’univers poétique avec le texte de Cheryl Itanda Au bord du fleuve suivi de Explorateur de tendresse. Un titre de reflet d’abord de la personnalité de l’homme qui s’est dit « powête du bout du monde » et enfin sculpteur des univers naturel et poétique. Un powê comme il le dit : « cet oiseau [qui] porte la voix d’une jeunesse considérable ». Un oiseau voyageur nous rapportant les histoires de chaque contrée, les nouvelles du monde lointain.
Au bord du fleuve s’étend sur 64 poèmes. Ce recueil est en quelque sorte les désolations du poète qu’il laisse transparaître dans des vers à la fois satiriques et lyriques. Il nous peint un tableau amer de ce continent noir victime des malversations de la colonisation mais aussi en proie des illusions des indépendances. Une terre d’antan pleine de rêves vivant dans une paisible quiétude que, l’usure du temps a fini par rattraper et en a fait une hécatombe, une épave victimaire des mœurs modernes. On y trouve des poèmes comme « Vieux continent », « Les hommes sans terre », «La douleur du soleil », « Et pourtant le nègre criait sa race », etc.
Des poèmes qui peignent une terre dépossédée, déshumanisée et laide. Des pays pillés et martyrisés criards. Ainsi, le poète nous montre la part de responsabilités de l’artiste.
Ce qu’il y a de plus accrocheur dans ce recueil de poèmes c’est ce côté submersible en ce sens que le poète se situe entre deux pôles. Vivant à l’étranger, il ne s’exclut pas de sa mission : dénoncer les tares de son pays natal mais aussi partager ses déchirures, ses tourments, ses actes manqués. Des vers porteurs d’un immense potentiel esthétique qui nous attache dès le premier vers au dernier.

Le poète est un explorateur des îlots de tendresse c’est-à-dire un voyageur, marcheur et chercheur des univers tendres, des cieux capables de l’inspirer. Autour de 32 poèmes, il nous parle de son collier d’amour pour ces îles enchanteresses notamment la silhouette d’une femme garnement riche en formes et rondeurs. Comme il écrivit dans son recueil de poésies Ilots de tendresse : « La poésie est une épouse fidèle et métamorphose, compagne sur le fil d’une vie. Un cœur dans nos moments d’amour et un cri dans nos peines ».
Nous comprenons alors que le poète se sert de la figure de la femme pour peindre les maux du monde. Une fois de plus on s’attache à la plume érotique de Cheryl Itanda qui trouve encore la force de parler de tendresse dans ce monde imbibé d’impuretés. Il arrive à dessiner un monde meilleur sur ces tas d’immondices. C’est la force de ses poèmes  : chercher la beauté du monde dans la laideur de celui-ci. Construire et imaginer l’existence d’un monde meilleur dans ce trou. Une lueur d’espoir s’offre au poète, aux lecteurs au bord de cette source intarissable qui est à la fois intolérance, injustice, misère. Le fleuve, les ruisseaux, cour d’eau entre autres sont des fenêtres pour notre poète lui permettant de voir la société
La Powêtude est le courant de la poésie du poète. Dans ce courant, le ras-le-bol du poète est exprimé par ses vers et la révolte y est. Il prend comme appui une icône de la musique gabonaise Pierre Claver Akendengue, qui dans ses chants dénonce le vice. Un oiseau voyageur pour peindre le mal des hommes.
A ce propos Cheryl Itanda souligne que : « La Powêtude devient donc la façade de nos aspirations mais sans doute un champ de bataille, une ascèse, un creuset d’où se déverse et s’épure l’expression powêtique de nos idéaux, de nos luttes passées, présentes et futures. »
Au bord du fleuve est un recueil parsemé d’images et de symboles. On y ressort trempé par la richesse de cette écriture.

L’orchidée Moulengui

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