Que le titre ne vous emballe pas si vous avez des problèmes de dysfonction érectile. Ce roman n’est pas thésaurus du sexe. Non ! Il n’est pas un vade-mecum de toutes les positions gymnastiques du kamasoutra. Encore moins un bréviaire référençant les techniques sexuelles pour dompter un Nègre, ni une bible développant les mystères d’une bonne ou mauvaise érection. Il ne parle pas de comment guérir de la prostate ou encore comment optimiser ses plaisirs sexuels estropiés. Non !
Comment faire l’amour à un nègre sans se fatiguer est un roman, le premier de Dany LaferrièreDany Laferrière publié en 1985.
Ce livre, c’est un univers de sexe torride, du sexe intense, d’amour, de fantasme et d’envolées esthétiques sur la religion, l’islam plus précisément ; le coran y est présent et cité. Ce livre, c’est du jazz, des senteurs de marijuana et surtout des réflexions à la Frantz Fanon sur le Nègre perçu par le Blanc et vice versa.
Ce livre un récit très court, de seulement 183 pages, oui, mais 183 pages bandants. Dany Laferrière avait visiblement peur de trop bavarder pour son premier roman, vu que le style impulsif adopté est déjà un vaste bavardage, mais bien réfléchi.
Ce livre est un langage cru, violent, impitoyable, une satire féroce des stéréotypes et des poncifs racistes ; une contestation du politiquement correct ; un exposé de l’illusion des femmes blanches qui pensent que l’émancipation de la femme passe par des relations sexuelles en permanence et la transgression révoltée des codes sociétaux.
Mais ce roman, c’est surtout l’histoire de deux Noirs oisifs partageant un appartement dans un quartier paumé de Montréal. L’un deux, le narrateur, aime la littérature, projette d’écrire un roman, écrit un roman dans le roman et fantasme déjà sur son succès dans le roman avant même que le manuscrit ne s’achève. Il connait plusieurs aventures féminines, voligeant de filles blanches en filles blanches qu’il baise correctement et bien en rétribution, pense-t-il, aux siècles d’esclavage subi et à toutes les horreurs que le Nègre a enduré de la main du Blanc. Baiser une fille blanche, pour lui, ce n’est que justice. L’autre, Bouba, dort, dort et dort dans le canapé et quand il se réveille, philosophe en lisant et relisant le coran, sur des airs de jazz.
On pourrait dire de ce roman qu’il est une ode à la misogynie puisque les femmes semblent y avoir été traitées avec zéro respect. Elles n’existent que pour leur rôle de sexe, d’obsédées sexuelles assouvissant les désirs (de vengeance ?) du narrateur, sinon n’existent pratiquement pas. La preuve, elles n’ont pas de nom, ni de prénoms si ce n’est que des désignatifs-sobriquets relatifs à leurs caractères ou à leurs passions par lesquels elles sont représentées : Miss Littérature, Miss Sophisticated, Miss Suicide, Miss Snob, Miss Beauty, Miss Piggy…
Ce roman, c’est aussi une sorte d’apologie à une vie complètement déjantée, déboussolée, de luxure et de je-m’en-foutisme où règnent sexe, alcool et drogue. C’est une œuvre d’un style choquant, provocateur, impudique qui déplume et épluche toutes les hypocrisies humaines et dit aux pudibondes invétérés d’aller se faire foutre. Il est réservé à ceux qui aiment des textes iconoclastes et qui ont en horreur la grande tartufferie du monde.
Dany Laferrière est Académicien à double nationalité : Haïtien et Canadien, avec aujourd’hui à son actif une bibliographie prolifique et impressionnante.
Chrys AMEGAN
Le résumé est tout simplement magnifique. Cela donne envie de lire l’œuvre toute de suite et surtout pas demain. Vivement !