Bonjour les amis. Nous recevons pour vous aujourd’hui un écrivain béninois Aristide KOUDERIN: « Les œuvres écrites sont toujours porteuses d’une connaissance ou d’une valeur et ces deux notions suffisent pour parler de développement ».
BL : Bonjour Monsieur. Merci de nous accorder cette interview. Vous voudrez bien vous présenter, s’il vous plaît ?
AK : Je suis Aristide KOUDERIN. Diplômé du Premier Cycle de l’ENA. Option: Administration Générale. Spécialité: Diplomatie et Relation Internationales. Auteur, Slameur.
BL : Nous vous recevons en tant qu’homme de lettres. Voudrez-vous bien partager avec nous l’origine de cette passion pour les lettres ? Vous devez certainement avoir grandi dans un environnement livresque.
AK : Sourire ! Oui on peut le dire ainsi. Lorsque ton père t’achète le livre : LES BOUTS DE BOIS DE DIEU d’Ousmane Sembene en 5ème, c’est certainement parce que tu ne développes rien que des aptitudes littéraires. J’adore lire tout simplement. Il faut dire que j’ai grandi dans une famille classique où pour m’en sortir, il fallait tout apprendre dans les livres. C’est bizarre ou ça peut paraître bizarre, mais j’ai vraiment tout appris du livre. Je lisais tout et rien. Au début, c’était juste pour le plaisir de m’entendre lire puisque je lis toujours à haute voix et je voulais imiter les journalistes de l’ORTB de l’époque. Mais après, j’ai commencé à me sentir tellement bien quand je lis, je me sentais plongé dans le récit. D’habitude quand je lis, j’oublie carrément que je garde un livre en main. Tellement je vis l’histoire et c’est comme ça que tout a commencé.
BL : Pourriez-vous nous dire ce qui vous a amené à l’écriture ?
AK : Écrire est le moyen parfait pour moi de m’extérioriser. C’est là toute mon intimité. Mais ce qui a déclenché encore cette passion, c’est quand au CM1, mon père après avoir lu mon bulletin de fin d’année me disait avec insistance: ‘’Décidément, toi, tu ne sais rien faire d’autre à part la littérature. Ou bien tu veux être écrivain?’’ Et à l’époque, j’ai tout de suite aimé le mot alors que je ne savais même pas encore ce que ça voulait dire. Alors je suis allé fouiller le dictionnaire et j’ai regardé la définition. J’étais tout simplement fasciné. C’est le jour là que je me suis dit au fond de moi que j’allais écrire des livre même si je n’avais aucune idée de comment y arriver.
BL : Pensez-vous la littérature comme un moyen de développement ? Si oui, comment ?
AK : Ce n’est pas comme… C’est un moyen de développement. Les œuvres écrites sont toujours porteuses d’une connaissance ou d’une valeur et ces deux notions suffisent pour parler de développement.
BL : Vous vous essayez au slam, une autre forme de poésie. Que représente-t-il pour vous ?
AK : Le slam pour moi, c’est l’art de savoir habiller les mots, de savoir les choisir, de savoir les envoyer avec une bulle d’émotion.
BL : Vous êtes l’auteur du recueil de poème-slam Autour d’un vers. Comment expliquez-vous le titre ?
AK : UNION. Tout simplement. NOUS SOMMES TOUS DES MOTS VIVANTS, disait Harmonie Byll CATARYA. Ce sont les mots qui nous définissent et Autour d’un vers c’est comme pour dire, TOUS AUTOUR D’UNE MÊME CAUSE. C’est une invitation, au fait.
BL : Voudrez-vous bien partager avec le lectorat ce qui a vous motivé à écrire cette œuvre ?
AK : Beaucoup de choses que je ne pourrais vraiment détailler ici. Mais ce sont essentiellement nos vécus quotidiens. Tous les textes de ce livre ont chacun une histoire vraie derrière.
BL : Faites-vous une différence entre le slam et la poésie ?
AK : C’est très simple. Le slam pour moi, c’est le dernier garçon de la poésie.
BL : Quel rôle assignez-vous au slameur de ce siècle ?
AK : Le rôle du messager. C’est celui qui sait où chercher les mots et comment amener ça vers qui de droit.
BL : Dans votre livre, plusieurs thématiques sont évoquées notamment la migration.
« Mes frères ainés, eux, ils ont eu le courage de partir
Avec les plus grands découragés et renvoyés de notre pays
Qui traversent la mer pétris dans des barques
Comme des petits poissons dans des boites de sardines.
La peur au ventre, la mort à la porte car même le sauveur
N’est pas là pour calmer la barque que les vagues emportent. » P. 30
Quelle est votre conception de ce phénomène qui devient récurrent avec les jeunes africains ? Faut-il les blâmer, ou lancer une pique aux dirigeants ?
AK : Je crois qu’on a assez perdu notre temps en culpabilisant les dirigeants de nos Etats. On est arrivé à un moment où, on doit les oublier et mettre en place notre propre système de développement. AILLEURS EST INCERTAIN, ICI EST MIEUX et tous les jeunes doivent le comprendre. On peut créer notre propre richesse ici et vous verrez si l’Etat ne va pas venir mettre sa bouche lorsqu’il va voir et comprendre que ces jeunes-là sont déterminés à donner une autre image plus rayonnante de notre pays.
BL : Dans ce livre toujours, la défense de la cause des orphelins et des enfants de la rue s’observe. Le texte ‘’Oraison d’un orphelin’’ l’atteste bien.
« En ce moment, je serai en train de réfléchir
Déjà, à quelle barque prendre moi aussi
Puisque c’est le cycle de notre vie.
Mon sort, je le connais déjà : la gueule des requins. » P. 29
Pensez-vous que l’orphelin, sans repères, peut-il s’adonner à des vices qui ébranlent la société ?
AK : Les gens normaux s’adonnent déjà à des vices qui ébranlent la société. Qu’en est-il du pauvre petit enfant qui doit lutter comme un grand pour survivre? Sincèrement, je ne sais pas comment ils réussissent à garder le cap avec les vicissitudes de la vie. Mais ce n’est vraiment pas une partie de plaisir. Et ce texte qui est d’ailleurs mon premier vrai texte slam est très particulier pour moi parce que je l’ai écrit sur le feu de l’action, en vivant pour de vrai la scène.
BL : La cause des enfants de la rue ne reste pas de marbre dans ce livre.
« Pourtant je n’ai pas demandé à naître.
Oui, je dis que de ma naissance je ne suis pas responsable.
Qui sont-ils, ces pères que je hais
Ces pères que mon seul souhait
Est de ne jamais connaitre
Pas peur de commettre un meurtre.
(…) Je me demande bien pourquoi Dieu tout puissant
Ne les a pas rendus, oui, impuissants
Le jour où ils complotaient pour notre création.
(…) Et que sont-elles ces mères au goût amer
(…) Ces mères qui ont fait d’aucun d’entre nous ‘’avortés’’
Et ont d’autres abandonné. Où ? Vous le savez. » P. 31
Une satire à l’endroit des pères et mères irresponsables ? Ou est-ce un épanchement de cœur personnel ?
AK: NON. Ça va même au-delà. J’ai très mal et franchement je culpabilise ces Parents irresponsables. C’est un acte inhumain pour moi qu’il faut à tout prix décourager
BL : Est-ce qu’il y a des auteurs qui vous inspirent dans votre projet artistique littéraire ? Si oui, qui sont-ils et qu’admirez-vous chez chacun d’eux ?
AK : Oh sincèrement j’en ai lu beaucoup et chacun d’une manière ou d’une autre m’a inspiré. Mais si je dois en citer, je parlerai de:
JEAN PLIYA, pour l’humilité de l’homme dans ses écrits comme dans sa vie même. J’ai d’ailleurs eu l’honneur de le rencontrer et de l’écouter plusieurs fois. Je crois que j’ai carrément lu toutes ses œuvres à lui.
OLYMPE BHÊLY QUENUM pour sa vision littéraire et pour le mérite d’avoir pondu UN PIÈGE SANS FIN.
OUSMAN SEMBÈNE pour simplement Les bouts de bois de Dieu, un chef d’œuvre littéraire de taille.
FATOU DIOME pour son engagement.
HABIB DAKPOGAN pour le caractère instructif de ses œuvres.
HARMONIE BYLL CATARYA pour sa personne et sa vision du monde des lettres. C’est d’ailleurs après avoir lu Art-mot-nid coup d’éclat, que j’ai décidé d’écrire Autour d’un vers et elle m’a personnellement aidé dans cette mission.
Et il y en a de tonnes d’autres…
BL : Deux ou trois livres que vous avez lus et que vous pourriez conseiller aux jeunes ?
AK : Un piège sans fin d’Olympe Bhêly Quenum
PV SALLE 6 d’Habib DAKPOGAN
BL : Avez-vous rencontré de difficultés lors processus d’édition de votre livre ? Si oui, lesquelles ? Et que proposez-vous pour permettre aux maisons d’édition de se faire plus ouvertes et accessibles aux jeunes qui désirent se faire éditer ?
AK: Ah! Cette histoire d’édition dans notre pays ou simplement, ce business d’édition dans notre pays. Des difficultés? Je crois qu’on ne fait rien sans sacrifice. Il faut le rappeler, « Autour d’un vers » est paru aux Editions Mémoire Héritage après mon sacre en tant que Vice-champion National du concours d’écriture Prix des Edition Mémoire Héritage… ça été quand même une belle aventure et je remercie cette maison d’édition pour m’avoir permis de rentrer dans l’arène de la littérature béninoise. Cependant il reste du boulot pour nos maisons d’éditions car, une chose est d’éditer un livre et une autre est de faire vivre l’œuvre éditée.
BL : À quel autre livre le public doit-il s’attendre après Autour d’un vers ?
AK : Un Titre lourd de sens. UN GROS TITRE. (rire)
BL : Si vous deviez résumer votre livre, que diriez-vous ?
AK : Autour d’un vers est une invitation. Un appel à la paix, à la quiétude, au vivre ensemble. C’est un livre qui dénonce nos pratiques malsaines et chante des vers pour un monde nouveau, c’est un ensemble de textes à vers libre rempli d’émotions et de leçon de vie.
BL : Comment peut-on se le procurer ?
AK : En me contactant directement par appel ou WhatsApp au 00229 663 233 29 ou par mail: kouderinaristide@gmail.com
BL : Quelques conseils à l’endroit des jeunes qui désirent devenir écrivains comme vous ?
AK : D’abord, lisez beaucoup et trouvez votre mission, celle de votre plume. Forgez-vous ensuite une personnalité littéraire unique, et enfin, écrivez les cris de vos cœurs. C’est la meilleure manière d’atteindre sa cible.
BL : Vos jeux de divertissement
AK : Le football, et tout ce qui est jeux de mot.
BL : Votre plat préféré
AK : Igname pilée, avec une bonne sauce d’arachide. (Je peux manger ça 7jr/7)
BL : Votre mot de la fin
AK : Merci beaucoup à B. L pour cette interview. Merci pour le travail de vulgarisation que vous faites au quotidien. Merci également à tous ceux qui nous lisent. Moi je dis qu’on va continuer à écrire le monde autrement tant qu’il y aura de l’encre dans nos plumes (ce qui risque d’être toujours le cas d’ailleurs).
❤️❤️❤️