Interview avec Annie CAPO-CHICHI (ACP)

Interview avec Annie CAPO-CHICHI (ACP)

BL: Bonjour Annie. Que pouvez-vous nous dire sur vous en guise de présentation?

ACP : Merci de m’avoir sollicitée pour cette interview. Je m’appelle Annie Nontounou Espérencia CAPO-CHICHI. J’ai vingt-trois ans. Je suis étudiante en troisième année de philologie hispanique et de Civilisations afro-américaines.

BL: Parlez nous de votre parcours littéraire

ACP : Je vais vous faire une confidence. Depuis mon enfance, je n’ai jamais aimé les calculs et tout ce qui a trait aux Mathématiques (Sourires). J’aimais par contre la lecture. Ma mère, je me souviens très bien, m’avait inscrite à la bibliothèque. Et chaque week-end (les samedis soirs), j’y passais mon temps. Ma mère, une dame de la vieille école coloniale, m’a trop aidée sur ce chemin de la littérature. J’ai eu une très grande chance d’avoir fréquenté une école et un collège catholiques. Avec les prêtres, on ne badine pas en matière de travail, surtout la littérature. En classe de Sixième, j’eus comme Professeur de Français l’abbé Jean-Paul Tony. Il nous a tout donné. Je dirai aussi merci à Monsieur Madona MIKPONHOUE, le directeur. Etant professeur de français et de philosophie, il me motivait pour des concours littéraires. Je participais aux concours de lecture, de dictée, etc. Je me donnais aussi le goût d’écrire des vers, même si c’était difficile pour moi, entant que débutante. Je voulais ressembler à la fois à Arthur Rimbaud, Aimé Césaire ou Victor Hugo. En classe de Quatrième, j’ai rompu avec la physique, mon autre bête noire. Après le BEPC, mon oncle s’était proposé pour me prendre un répétiteur en maths et en physique. Pour lui, je devrais faire une série scientifique. Mais, je refusai calmement. Une fois inscrite en série A, j’étais toujours la meilleure élève, que ce soit en français, en philosophie ou dans les langues étrangères (anglais et espagnol). Mes camarades m’appelaient « Socratine » pour la philosophie, «  Glinsinou » pour l’anglais. C’est de vieux souvenirs tout cela. Cela me donne l’envie de redevenir élève…En classe de Première, j’ai essayé d’écrire une nouvelle, lorsque le professeur de français avait parlé du genre au cours. Ce fut le début d’une vraie passion. Je me suis essayée à écrire des romans, des poèmes et aussi quelques nouvelles. Après le Bac A1, j’ai rencontré Rodrigue Atchaoué par le biais de l’écrivain Hector Djomaki. Cette rencontre aura pour fruit ma première parution. Et aussi mon amélioration en matière d’écriture. Et depuis, je continue de lire et de griffonner tant que j’en aie le temps.

BL: Le littéraire peut-il s’adonner à tous les genres littéraires et se montrer efficace?

ACP : A ce niveau, le goût est relatif. Certains écrivains se sentent à l’aise en pratiquant exclusivement la poésie. Ce n’est pas pour autant qu’ils ne sont pas des littéraires. D’autres écrivains pensent qu’il est possible de pratiquer tous les genres et se montrer très efficaces. Chacun fait ce qui lui semble bon.

BL: Quel est votre genre littéraire préféré? Pourquoi?

ACP : Le genre littéraire que je préfère le plus est la poésie. Car elle permet au poète d’exprimer ses sentiments, sa vision du monde, dans un style qu’il choisit afin de sidérer le lecteur. J’aime la poésie, elle fait voyager. Elle résonne, tel un tambour au fond de mon cœur, quand je me mets à lire Arthur Rimbaud, par exemple. La poésie est mère de tous les genres. La narration mélangée à la poésie donne un goût exquis dans un roman. On est comme au septième ciel quand on parcourt ces pages-là, car elles sont pétries d’images. On se retrouve face à l’action. Eh bien, j’adore et j’adorerai la poésie. C’est mon genre de prédilection.

BL: Beaucoup de jeunes aujourd’hui souhaitent écrire mais n’arrivent pas à se donner le temps nécessaire pour cela. Vous, comment arrivez-vous à écrire et quelles sont les conditions dans lesquelles l’inspiration vous est favorable?

ACP : Ce n’est pas tous les jours qu’on est inspiré. Il est des jours où on n’a pas envie d’écrire. En ce qui me concerne, il arrive que l’inspiration me vienne naturellement. Je jette les idées dans mon bloc-notes. J’aime écrire à la main, ce n’est pas trop mon fort d’aller directement sur l’ordinateur. C’est après le premier jet que je me mets à peaufiner tel ou tel aspect de mon texte ou à revoir le message que j’ai envie de véhiculer. J’affectionne les thèmes comme la joie, l’angoisse, l’amour… Tout ce que nous vivons au quotidien est pour moi source d’inspiration. Je suis de nature très drôle. J’aime les blagues. Par ailleurs, je m’attelle à des sujets qui interpellent la réflexion, je joue aux « jeux de mots » pour faire naître l’inspiration. Pour moi, le cerveau est un muscle qui s’élargit tant qu’on le force à créer.

BL: Votre nouvelle « La coupable » dans le collectif  « Dernières nouvelles des écrivaines béninoises » est votre première parution. Comment avez-vous accueilli l’invitation de Rodrigue ATCHAOUE qui vous a sollicitée dans le cadre de cette anthologie? Vos impressions à présent, avec un peu de recul?

ACP : J’ai trouvé cette invitation de l’éditeur Rodrigue Atchaoué comme une grande opportunité pour me faire connaître et me lancer vraiment dans la littérature. Une chose est d’écrire, une autre chose est d’éditer ce qu’on a écrit. Et quand s’offre l’opportunité de se faire publier, il ne faut pas trop réfléchir. Je profite de cette occasion pour lui dire merci. Merci infiniment à cet homme humble, discret mais très efficace.

 

 

BL: Quel accueil le public a-t-il réservé à votre texte? Avez-vous eu des retours?

ACP : Le public a trouvé le texte bon. Il y en a même qui veulent que j’en fasse carrément un roman vu que mon texte traite des misères faites aux veuves dans nos sociétés.

BL: Si vous deviez réécrire aujourd’hui « La coupable », qu’y modifieriez-vous?

Si je devrais réécrire « La coupable », je changerais le titre, je modifierais le nom des personnages. Je choisirais des noms qui ont rapport avec ma culture (Mahi) et y ajouterais aussi de nouvelles idées.

BL: « La Coupable » informe sur la situation injuste faite aux femmes après le décès de leur mari. Votre texte s’inspire-t-elle d’un fait réel ou demeure-t-il un pur produit de votre imagination?

ACP : « La coupable » est le fruit d’une réalité. (Sourires). Ce n’est pas une de mes proches qui l’a vécue. Enfant, j’assistais aux procès (cas de vol, soupçon d’adultère, de sorcellerie, de tuerie, etc.) qui se tenaient chaque vendredi sur l’esplanade du palais royal de Savalou. J’en ai gravé beaucoup de souvenirs dans ma mémoire. « La coupable » c’est à la fois de la réalité et de l’imagination. L’idée d’écrire une telle histoire m’est venue à l’esprit un soir, quand Rodrigue Atchaoué m’avait sollicitée pour participer à l’anthologie «  Dernières nouvelles des écrivaines du Bénin ». Je me suis dit ceci : «  Pourquoi ne pas dénoncer ce que vivent nos mères veuves dans une société comme la nôtre ? » Et voilà, j’ai écrit juste pour dénoncer. (Sourires).

BL: L’épreuve de piment: De quoi s’agit-il en effet?

ACP : L’épreuve du piment est un rituel qui a rapport au veuvage. On a tendance à imputer à la femme, la mort de son mari. Et on la soumet à des pratiques inhumaines. On la met dans une case où on met du piment sur la braise et éternue ou de larmoie, on la déclare coupable.

BL: Que faire sur le plan socio-juridique pour préserver les femmes de ce genre de désagréments lors des décès de leur époux?

ACP : Sur le plan socio-juridique, il faut voter une loi pour la protection des veuves. L’Etat doit s’y atteler, parce que nos mères souffrent énormément après la mort de leur conjoint.

BL: Pour vous, qu’est-ce qu’un écrivain?

ACP : Un écrivain est, selon moi, un messager, un représentant de Dieu sur terre qui dévoue toute sa vie à s’interroger, à apporter des solutions ou suggestions aux maux de la société. Un écrivain est un éducateur, un observateur, un dieu du monde imaginaire qui relie imagination et réalité. Il sème la joie dans les cœurs. Bref, un écrivain est une merveille.

BL: Nous sommes à l’ère du numérique et le papier semble menacé de disparition. Quelle solution proposez-vous ?

ACP : Le papier ne disparaîtra jamais. Il y a certes des livres en format numérique, mais rassurez-vous, toucher un livre, le sentir, le poser à son chevet, le lire et le déposer pour le reprendre, y farfouiller et s’y perdre puis se retrouver, cela procure une sensation que ne donne pas forcément un texte qu’on lit sur un ordinateur ou un smartphone. Je proposerais que les maisons d’éditions soignent davantage leurs productions pour donner envie aux lecteurs d’acheter des livres. Il faut le reconnaître, il est des livres, rien qu’à voir leur aspect, la première de couverture et la qualité du papier,on n’a pas envie d’y toucher. Mais quand il est bien présenté, le livre est toujours source de tentation. Et on y résiste difficilement.

BL: Un mot à l’endroit de cette jeunesse dont vous faites partie aussi.

ACP : Aux jeunes, je dirai d’aimer la lecture et d’en faire une priorité. Même si nous n’avons pas toujours les moyens de nous offrir des livres, les quelques bibliothèques encore fonctionnelles sont là qui n’attendent que nous. Prenons aussi l’habitude de nous inscrire dans les centres ou les clubs de lecture, ce n’est pas une perte de temps.

BL: Quels sont vos projets ? A quand votre prochaine parution? Un roman? Un recueil de nouvelles ou de poèmes? Un essai?…

ACP : En ce moment, je travaille mes écrits afin de présenter à mon éditeur un roman et un recueil de poèmes. Pour le reste, vous le saurez en son temps.

BL: Auriez-vous un appel à lancer aux instances de la chaîne du livre?

ACP : Je demanderai aux acteurs de la chaîne du livre de faire davantage la promotion du livre, tout en résolvant le problème du manque de bibliothèques dont nous souffrons. Aussi les prierais-je d’organiser de plus en plus des ateliers d’écriture pour les jeunes écrivains. Nous en avons besoin.

 

 

BL: Dessinons à présent votre portrait chinois, avant de conclure cette interview. Si vous étiez:

Un sport collectif?

ACP : Basketball

BL: Un appareil électronique

ACP : Un ordinateur

BL: Une poupée?

ACP : Une poupée qui fait rire

BL: Une chanson?

ACP : L’Aube Nouvelle

BL: Un auteur?

ACP : Jean Pliya

BL: Une maison d’édition?

ACP : Les éditions Savane

BL: Un ustensile de cuisine?

ACP : Une poêle, pour frire des œufs

BL: Un vêtement?

ACP : Une robe

BL: Une boisson?

ACP : Filipetti

BL: Une personnalité politique?

ACP : Hilary Clinton

BL: Une actrice de cinéma

ACP : Kate Winslet

BL: Un roman?

ACP : « Une femme dans la lumière de l’aube » de Barnabé Laye.

BL: Votre mot de fin

ACP : Merci à Biscottes Littéraires pour la promotion des auteurs. J’adresse mes remerciements à Dieu le Père Tout-puissant pour tous ses bienfaits. Merci à ma famille. Merci infiniment à Hector Djomaki. Merci à tous. Je souhaite de beaux jours à la littérature béninoise en général, et aux plumes féminines en particulier.

Comments are closed.

×

Aimez notre page Facebook