Ce livre nous montre la situation délicate que traversent un garçon quand il a pour devoir de choisir sa conjointe entre deux filles sans pour autant blesser une.
Si l’adage populaire enseigne qu’aux âmes bien nées la valeur n’attend pas le nombre des années, cette réalité se concrétise dans la vie d’Amadou Koné qui déjà à 18ans, nous fait part d’un grand fait dont la réalité surpasserait même son âge. Il nous donne l’occasion de parcourir ce joyau, ce chef-d’œuvre de cent vingt-huit pages ayant pour titre Les frasques d’Ebinto, paru aux éditions Hatier International, 2002.
La vie de tout homme est une histoire écrite jour après jour, un ensemble de récits, de situations heureuses comme malheureuses faisant partie intégrante de toute existence. Dans cette même dynamique, Amadou Koné nous présente les « mésaventures » d’Ebinto avec Monique et Muriel.
Ebinto, un jeune garçon d’un village du nom d’Akounougbé, devrait continuer ses études au collège de Grand-Bassam après l’obtention de son Certificat d’Études Primaires et l’entrée en sixième. Il devrait donc rester auprès d’un tuteur. Orphelin de père, malgré la pauvreté de sa famille, travaillait ardemment pendant ses trois années au collège et le voilà maintenant en classe de troisième où il devrait passer le BEPC. À la fin des vacances – ces vacances passées au village – il se rendit derechef à Bassam, heureux de revoir tous ses amis. Ce même jour, il retrouva Monique, la fille du propriétaire de la maison qui l’héberge et avec qui il avait l’habitude de s’amuser depuis trois ans. Mais ce jour, Ebinto trouva Monique autrement. Elle était devenue une « jeune fille » et Ebinto n’a pas pu se retenir de lui faire des compliments. Depuis ce jour, la simple amitié qui existait entre les deux laissa place à une amitié plus solide. De plus, Monique lui faisait « tout ce qu’une mère pourrait faire à son fils ».Les deux s’aimaient. Mais cet amour connaîtra d’anicroches avec l’ingérence de l’amour pour Muriel, cette fille du même collège et de la même classe qu’Ebinto. Depuis ce moment, l’amour d’Ebinto pour Monique était réduit en faveur de celui pour Muriel. Mais la relation avec cette dernière n’aboutira à rien d’intéressant vu la différence de leur classe sociale et surtout, la simple amitié que Muriel voulait offrir à Ebinto: l’amour n’était donc pas réciproque.
Par la force des situations, Ebinto va malheureusement enceinter Monique. Le nouveau couple devra donc malgré tout rester ensemble. Cet état de choses mit sans aucun doute toutes les ambitions, tous les projets d’Ebinto à l’eau. C’est là même la source de sa colère contre Monique qu’il prend comme actrice de toutes ses souffrances. Et c’est justement pourquoi il va la négliger, la haïr jusqu’à devenir son bourreau. Malgré cette haine à son égard, Monique ne va pas occulter son amour pour Ebinto. Mais comme la souffrance était énorme, elle ne trouvera que seule consolation « la mort ».
Conscient d’être à la source de cette tragique mort, Ebinto se met dans un éternel regret. Malheureusement, le fil était déjà tranché, le vin était déjà tiré : Monique était déjà morte et ne pourra plus revenir afin de rester aux côtés d’Ebinto qui, après ces comportements d’animosité manifestés à l’égard de Monique, se voyait incapable de vivre sans cette dernière.
Dans ce livre, l’auteur dans un style clair, simple et à la portée de tous, aborde des questions sensibles de l’existence humaine, la question de l’amour avec toutes ses implications.
D’abord, il fait montre des difficultés de l’amour quand on est néophyte. L’amour fait souffrir surtout quand on est incapable de l’avouer à son âme sœur. Nous le remarquons bien chez Ebinto : « Devant elle, je perdais tout contrôle de moi-même, je devenais stupide et j’eusse été incapable de lui déclarer mon amour si l’occasion m’en avait été offerte. »[1],avait-il martelé ; et cette souffrance engendrera nécessairement des répercussions sur la personnalité de l’amant surtout quand ce dernier est un élève-cas : la paresse, la négligence et autres difficultés n’hésiteront pas à être des compagnons du vécu quotidien d’Ebinto : « Et tout cela se ressentait dans mon travail. Sans m’en rendre compte, j’étais devenu négligent. »[2]
Ensuite, ce livre nous montre la situation délicate que traversent un garçon quand il a pour devoir de choisir sa conjointe entre deux filles sans pour autant blesser une. C’est pour lui un dilemme. « Et tout en disant quelque chose pour consoler Monique, je pensais à Muriel»[3] l’illustre bien. Par ailleurs, l’auteur aborde un autre sujet en montrant le point de vue de certaines personnes qui prennent le contrepied des panafricanistes qui veulent tout conserver. Ils montrent qu’il faudrait vivre le « temps présent »: « Vouloir conserver sa négritude […] est pratiquement impossible. Il faut donc prendre la vie actuellement comme elle est, essayer de suivre son rythme. »[4]
Enfin, Les frasques d’Ebinto est vraiment un livre d’histoire devant servir de leçons à la couche juvénile, surtout les élèves qui doivent traverser la forêt « puberté »; cette étape où le désir sexuel et le sentiment amoureux se font inévitables, celui d’avoir un(e) petit(e) ami(e) évident(e). Par-là, le livre met en lumière les conséquences, les risques que courent les jeunes qui ignorent la gestion de cette étape cruciale de toute vie humaine, être maître de leurs désirs affectifs. Le plus grand risque est la chute du travail intellectuel pour les élèves. Ils deviennent médiocres. Et cette même mauvaise gestion peut mettre fin aux études et par ricochet, aux ambitions pour un meilleur avenir, comme ce fut le cas d’Ebinto. Aussi, à travers ce livre, ceux qui rendent malheureux leur conjoint ou conjointe trouvent-ils des leçons.
Au terme de ce parcours, il s’avère nécessaire d’évoquer l’originalité de cet ouvrage dans lequel l’auteur, dans un style cohérent, simple et facile à lire, nous met devant le fait accompli de la force de l’amour, ce sentiment devant lequel personne ne reste indifférent.
Alexis Franck GUIVI
[1] A. Koné, Les frasques d’Ebinto, éditions Hatier International, 2002, p.25.
[2] ibidem, p.25-26.
[3] ibidem, p.34.
[4] ibidem, p.30.